Posts filed under ‘Asie’
« ALLIÉ » AMÉRICAIN ET « RIVAL SYSTÉMIQUE » CHINOIS
Les Etats-Unis, qui sont, comme chacun sait, les « Alliés indéfectibles de l’Europe », viennent de lancer un nouveau missile commercial contre l’économie de l’UE, et particulièrement celle de la France. Après la surtaxation de l’acier et l’aluminium en juin dernier, l’administration Trump vient de décider de majorer d’un montant total de 7,5 milliards de dollars (!) les droits de douanes sur une série de produits d’exportation français, allemands, espagnols et britanniques. Cette mesure punitive -la plus forte jamais autorisée par l’Organisation mondiale du commerce- vise, selon Washington, à compenser les subventions indues versées par les quatre partenaires du consortium Airbus à leur industrie aéronautique (en réalité, des aides comparables à celles versées par les Etats-Unis à Boeing). Ces taxes supplémentaires seront, en principe, appliquées dès le 18 octobre prochain, non seulement aux exportations d’avions européens, mais, en prime, à des produits ciblés pour faire mal, tels que les vins et les fromages français (+ 25% !), les vêtements anglais, les outils allemands…Sur les quelque 9,7 milliards de dollars de pertes annuelles que s’attendent à subir les pays touchés, le quart concernerait la France. Trump ne s’arrête d’ailleurs pas en si bon chemin : il réfléchit à un autre volet de sanctions contre l’Europe, cette fois pour renchérir le prix des voitures exportées outre-Atlantique. Le suspense fait trembler les constructeurs , notamment allemands. On saura d’ici le 13 novembre quel sera le bon plaisir du locataire de la Maison-Blanche à ce propos. L’UE agite la menace de mesures de rétorsion mais se dit prête à négocier. « Nous tendons la main » a souligné notre ministre de l’économie, Bruno Le Maire, en invitant les Etats-Unis à écouter « la voix de la sagesse » !
Les termes utilisés par les responsables européens sont moins galants, s’agissant de la Chine, qualifiée, quant à elle, pour la première fois, de « rivale systémique » dans un document officiel de la Commission européenne, le 12 mars dernier. Le mot est fort et n’est appliqué qu’à la Chine. Pourtant, Pékin, contrairement à Washington, respecte les Accords multilatéraux que l’Union européenne juge essentiels, tels celui de Paris sur le climat ou celui de Vienne sur le nucléaire iranien. Le président chinois dit vouloir conclure avec les Européens des partenariats « gagnant-gagnant », quand celui des Etats-Unis arbore fièrement sa devise « America first ». Et sur les droits de l’homme, Donald Trump n’a guère de leçons à donner à Xi Jinping…Alors, pourquoi cette tolérance dans un cas et cette crispation « systémique » dans l’autre ? S’il s’agit d’empêcher l’acquisition incontrôlée de biens publics, de secteurs stratégiques ou d’éléments du patrimoine , on ne peut qu’acquiescer, mais cela vaut pour tout prédateur , d’où qu’il vienne ! Il n’en va pas de même, en revanche, quand le grief avancé est le refus de la Chine d’ouvrir à tous vents ses marchés publics : à nos yeux, c’est l’UE qui a le grand tort de se priver d’un levier d’influence publique sur l’économie en livrant aux plus offrants ces marchés gigantesques représentant près de 2000 milliards d’euros par an. Plutôt que de céder à l’angoisse « systémique » de voir un jour les Etats-Unis perdre leur « leadership », l’UE gagnerait à construire avec la Chine, comme avec tout autre partenaire qui y est prêt, des relations exigeantes mais constructives.
MOBILISATION POUR LA PAIX : L’EXEMPLE CHYPRIOTE.
A l’appel du Mouvement de la paix chypriote , des milliers de personnes -dont une proportion exceptionnelle de jeunes- ont pris part, dimanche dernier, à une impressionnante marche sur le territoire-même de l’une des deux bases militaires qu’entretient la Grande-Bretagne au coeur de la Méditerranée orientale. C’est de là que sont récemment partis les avions qui ont bombardé la Syrie… De nombreux invités étrangers se sont joints à la population chypriote, tant grecque que turque. Face à l’engrenage diabolique des tensions, des menaces et des guerres qui déstabilise toute la région, 160 personnalités du monde de la culture de l’île avaient également apporté leur soutien à l’initiative.
Il faut dire que les habitants de ce lointain pays de l’Union européenne sont directement confrontés à toutes les tragédies qui minent le Proche-Orient. Toujours en partie occupée par l’armée turque, toujours fragilisée par deux bases militaires de l’un des principaux Etats membres de l’OTAN, l’île de Chypre est, en outre, voisine de la Syrie dévastée, du Liban déstabilisé , de la Palestine martyrisée par son occupant et colonisateur israélien ! Aussi, quand des Chypriotes sonnent l’alerte , il faut les écouter. Que cette belle mobilisation populaire serve d’exemple pour manifester partout, sous toutes les formes pacifiques possibles, la volonté que soient proscrits les politiques de force, la guerre ou le chantage à la guerre et que soit mis un terme à l’impunité des dirigeants qui en usent et en abusent. Les conditions existent, nationalement et internationalement, pour une expression forte d’une telle exigence.
Très instructif à cet égard est ce récent sondage réalisé par l’IFOP pour l’Union des Etudiants Juifs de France à l’occasion du 70 ème anniversaire de la création de l’Etat d’Israël : 71% des personnes interrogées considèrent les dirigeants de cet Etat « responsables de la situation des Palestiniens, voire comme une menace pour la stabilité régionale » ! (1) En l’occurrence , les Etats eux-mêmes sont conduits , dans leur immense majorité, à exprimer leur condamnation de la politique d’occupation et de colonisation des territoires palestiniens par l’armée israélienne. Un seul exemple -mais nous en servons-nous assez pour légitimer nos appels à agir pour le respect du droit international ?- celui de la resolution des Nations-unis, du 19 décembre 2017. Adoptée par 176 Etats contre 7 (USA, Canada, Israël, Iles Marshall, Etats fédérés de Micronésie, Nauru et Palaos…) et 4 abstentions (Cameroun, Honduras, Togo, Tonga), elle réaffirme le droit du peuple palestinien à la création d’un Etat indépendant et « exhorte tous les Etats (…) des Nations-Unis à continuer d’apporter soutien et aide au peuple palestinien en vue de la réalisation rapide de son droit à l’autodétermination » ! Il en va de même pour le Conseil de sécurité lorsque, très exceptionnellement -comme ce fut le cas le 23/12/2016, à le fin du second mandat de Barack Obama- les Etats-Unis ne bloquent pas, par leur veto, l’expression de la justice et du droit ! La défense de la paix peut et doit redevenir l’objet de mobilisations d’envergure : merci à nos amis chypriotes de nous l’avoir rappelé !
———
(1) IFOP 14/5/2018
Commentaires récents