Archive for décembre, 2019

BREXIT : L’ÉPREUVE DE VÉRITÉ COMMENCE…

Pour appréhender une situation complexe , il faut en voir la réalité dominante, sans en négliger les contradictions. Dans le cas des élections britanniques, la réalité dominante est naturellement le triomphe de Boris Johnson, désormais fort de son impressionnante majorité de députés conservateurs pro-Brexit.  Intéressons-nous à présent aux contradictions de ce scrutin . Il en est une que peu d’observateurs ont, bizarrement, relevée : en voix, les partisans du Brexit sont minoritaires (47%) et en recul de 5 points sur le référendum de 2016. Grâce au système électoral britannique, il aura suffi au parti de Boris Johnson d’enregistrer un gain minime sur les élections de 2017 (1,2%) pour rafler la mise. Le raz-de-marée « Tories » est réel à la Chambre des Communes, pas dans la société. Quant à la lourde défaite du parti travailliste , il appartient à ses adhérents d’en analyser les raisons . Notons cependant que des figures de l’aile droitière du Labour, comme l’ex-députée blairiste Gisela Stuart, ont pris la responsabilité de laisser croire aux « laissés-pour-compte » du capitalisme -qu’il soit européen ou britannique- que le « changement » passait en l’occurrence  par le vote en faveur des héritiers du thatchérisme. A court-terme, les conséquences de ce séisme politique risquent d’être ravageuses . La suite dépendra en partie des enseignements que les citoyens tireront de l’expérience qu’ils vont vivre.

Une autre contradiction s’avère de la plus haute importance à cet égard : quelles suites concrètes Johnson réservera-t-il à ses mirobolantes promesses prodiguées aux classes populaires, notamment aux électeurs travaillistes des circonscriptions ouvrières du Nord de l’Angleterre : la « défense de l’emploi » et le « respect des acquis sociaux et environnementaux de haut niveau » ; l’ embauche de 50 000 infirmiers ; la réduction d’impôts pour « les familles qui travaillent dur »; l’augmentation des crédits pour les écoles ; les investissements massifs dans les services publics, notamment le service de santé publique (NHS) … ? Comment se traduira la probable désillusion de masse dans ces régions déshéritées ? Les forces de gauche authentiques auront-elles la capacité de regagner la confiance de ces travailleurs dans la lutte pour un vrai changement ?

Un troisième enjeu concerne l’existence-même du « Royaume-Uni »: la Grande-Bretagne sera-t-elle « le pays désormais uni » vanté par son Premier Ministre ? Rien n’est moins sûr . Notons qu’en Ecosse, le parti indépendantiste, radicalement anti-Brexit et pro-européen, progresse de plus de 8% en voix sur les élections de 2017 et vient de remporter 82% des sièges attribués à cette province autonome , tandis qu’en Irlande du Nord, la droite pro-Brexit a perdu la majorité au profit , notamment, des républicains de Sinn Fein. Dans les deux cas, ces fractures ne resteront pas sans conséquences.

Pour chacune et pour chacun, l’épreuve de vérité commence . Pour les progressistes des deux côtés de la Manche sonne l’heure des coopérations post-Brexit .

19 décembre 2019 at 8:49 1 commentaire

RETRAITES, CLIMAT : DEUX ENJEUX DE CIVILISATION

Le magnifique mouvement social et le très large soutien populaire qu’il recueille attire de nombreux regards européens sur la France . Qu’observe-t-on , en effet, depuis un quart de siècle, chez nos voisins européens comme chez nous-mêmes, en matière de « réformes » des systèmes de retraites ? Que, quelque soit la situation de départ dans un pays (taux de natalité, espérance de vie, part des pensions dans le PIB, état de la législation en la matière…) , les « réformes » entreprises conduisent à faire partir les salariés le plus tard possible et à leur faire toucher moins de pension. En Allemagne, où l’âge légal de départ à la retraite était déjà fixé à 65 ans, il a été porté à 67 ans d’ici 2030. Puis, une fois que cette régression fut considérée comme acceptée par la société, des voix s’étaient élevées -dont celle de Wolfgang Schäuble lorsqu’il sévissait encore au ministère des finances de Berlin.- pour préconiser un passage à…70 ans ! De fait, aujourd’hui, selon les projections de la Bundesbank, les personnes nées en 2001 ne prendront leur retraite qu’à 69 ans et quatre mois ! En Suède, où la retraite à points -chère à Emmanuel Macron- a été instaurée dès 2001 , le taux de pauvreté des seniors a explosé. Il est aujourd’hui en Suède deux fois plus élevé qu’en France , au point qu’ une personne sur quatre de plus de 69 ans y travaille toujours ! En Italie, où le système de retraite passait jusqu’aux années 90 pour particulièrement « généreux », les « réformes » successives ont démantelé tous les acquis sociaux. Le directeur de l’Institut National de Prévoyance Sociale annonçait il y a plusieurs années que la génération née dans les années 80 pourraient travailler jusqu’à…75 ans. C’est dire si l’issue du bras de fer entre les travailleurs en lutte et le pouvoir, en France, suscite de l’intérêt bien au-delà de nos frontières. Enrayer cette spirale régressive et engager, à contrario, une vraie réforme progressiste garantissant à l’ensemble des retraité.é.s une place digne dans la société constitue , à l’échelle de toute l’UE, un enjeu de civilisation. 

Ce combat exemplaire ne nous fait pas oublier un autre enjeu de civilisation qui, lui aussi , engage l’avenir de nos sociétés : celui de la défense du climat et de l’environnement en général. Ironie du sort : au moment-même où les Françaises et les Français se mobilisent en masse pour leur droit à une retraite décente, la Conférence mondiale sur le climat, la COP 25 , réunie à Madrid du 2 au 13 décembre, illustre une autre dimension des ravages dont le néolibéralisme se rend coupable à l’échelle de la planète. Y compris dans l’Union européenne , dont les gouvernements s’avèrent incapables, selon l’Agence européenne de l’environnement (AEE) elle-même, de respecter les objectifs auxquels ils s’étaient engagés pour 2020. C’est notamment le cas en matière de protection de la biodiversité : la protection des espèces et des habitats naturels, des zones humides, des écosystèmes marins et des sols n’est pas à la hauteur . Mais cela vaut également pour la lutte contre le changement climatique et la surconsommation des ressources naturelles. Dans tous ces domaines, l’UE doit agir « urgemment » souligne l’AEE. La dernière période a révélé la sensibilité grandissante à cet autre défi,  qui se manifeste dans notre société comme chez nos voisins. De la jonction de ces deux mouvements naîtra la perspective que nous appelons de nos vœux.

12 décembre 2019 at 11:56 Laisser un commentaire

MALI : APRÈS UN HOMMAGE MÉRITÉ, DES QUESTIONS LÉGITIMES.

wurtz-l-humanite-dimancheLe tragique accident qui a coûté la vie à treize soldats français lors d’une opération de combat au Mali a ému la société tout entière. L’hommage rendu à ces jeunes hommes courageux était mérité et ne peut susciter nulle contestation. Il n’en est que plus urgent d’ouvrir enfin le  débat sur le sens, les résultats et les perspectives de cette aventure militaire passée en sept ans de prétendue opération-éclair au bilan  triomphal ( François Hollande célébra à Bamako « la journée la plus importante de (sa) vie politique » en février 2013, après seulement 22 jours de combats )   à véritable bourbier de grande envergure pour toute une génération.

Désormais directement confrontés à l’impasse à laquelle conduit partout ce type de stratégie à courte vue -et préoccupés par le coût ( 2 millions d’euros par jour ! ) de cette guerre sans fin et par la difficulté à constituer une force africaine à même de prendre le relai (G5 Sahel)- les dirigeants français tentent d’entraîner dans leur sillage des partenaires européens jusqu’ici plus que réticents . Pour Paris, en effet, cette guerre est un rempart contre le terrorisme et, à ce titre, protège toute l’Europe…Douze pays de l’UE  seraient désormais prêts à s’impliquer, sans que l’on ne sache ni quand ni sous quelle forme cette force européenne serait appelée à se déployer. En tout état de cause, cette fuite en avant tourne le dos aux besoins vitaux de populations aux prises avec une crise humanitaire insupportable et ne peut qu’attiser leur ressentiment à l’encontre de ces nouveaux « occupants »…

A l’inverse, il serait grand temps d’écouter ce que disent de cette tragique expérience les premiers concernés : nos amis du Mali et du Sahel, en général. Une grande figure de la gauche malienne, Aminata Traoré, ancienne Ministre de la Culture et personnalité associée au « Dialogue national » du Mali lançait à ce propos, le 16 novembre dernier, à Paris, un véritable « J’accuse ! » : «La France de l’après-guerre froide voulait se repositionner dans son ancien pré-carré pour avoir de la marge de manœuvre dans la mondialisation (…)  La guerre nous a été imposée. Elle n’est pas une solution. Chaque jour, des innocents sont tués (…) Plus on tue de djihadistes, plus il y en a (…) C’est sans issue ! (…) Le djihadisme est l’une des conséquences des politiques néolibérales assassines imposées à nos pays au nom d’un modèle économique qui n’a pas vocation à les développer (…) Notre pays est militarisé à mort (…) Et maintenant, ils veulent forcer la main des cinq pays concernés (1) pour créer une défense africaine financée par l’Afrique : un milliard de dollars par pays pour combattre un ennemi sans visage, alors que les écoles sont déglinguées, les hôpitaux, n’en parlons pas, il n’y a rien ! Le retour de l’humain, l’humanisation de la mondialisation est une question fondamentale pour nous ». (2) Voilà des mots qui nous parlent !

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(1) Mauritanie, Mali, Burkina-Faso, Niger et Tchad.
(2) Colloque : « Réinventer la politique internationale de la France » (voir www.pierrelaurent.org )

5 décembre 2019 at 7:23 Laisser un commentaire


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