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L’ESCALADE, POISON DES RELATIONS INTERNATIONALES

« Il est grand temps d’arrêter le cycle dangereux de représailles au Moyen-Orient »insista opportunément Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations-unies, face au risque d’un « conflit régional généralisé » , lorsque tombèrent les premières dépêches sur « des explosions » près de la ville iranienne d’Ispahan, qui abrite des sites militaires, y compris nucléaires. « Empêcher toute escalade » : tel fut également l’objet de l’appel lancé ce même 19 avril  à « toutes les parties » par les ministres des Affaires étrangères du « G7 » (Etats-Unis, Canada, Japon, France, Allemagne, , Grande-Bretagne, Italie). Manifestement, bien que plus limitée que ce qu’on redoutait, cette réplique (israélienne) à la réplique (iranienne) inquiétait en premier lieu -légitimement- Washington, ce qui ne l’empêcha pas de décider aussitôt de nouvelles livraisons d’armes à l’une des « parties »…Or, pour éviter une escalade, il faut que les deux protagonistes le veuillent. Si l’un des deux estime que c’est à l’autre de faire le premier pas, c’est l’engrenage ! Dans l’immédiat, il semble qu’on ait évité ce piège. Mais tant que subsisteront ces deux régimes, nous resteront loin d’une relation apaisée entre les deux pays : comme le notait le grand quotidien libanais « l’Orient-Le Jour » : « La guerre n’est pas évitée, elle est reportée ». Le Moyen-Orient manque cruellement d’une architecture de sécurité assurant à chaque peuple -et d’abord au peuple palestinien- des garanties solides de respect de ses droits fondamentaux et créant, par là même, les conditions d’une paix durable.  

Dans un tout autre contexte, les mêmes questions de fond se posent face à la cruelle guerre russo-ukrainienne. Même si l’agresseur et l’agressé y sont clairement identifiés, l’escalade militaire n’y mène qu’à plus de guerre, avec la circonstance aggravante que se confrontent ici, indirectement, deux puissances nucléaires : l’OTAN et la Russie. C’est cette spécificité -sans précédent-  qui avait fait dire dès novembre 2022 au Chef d’Etat-major des armées des Etats-Unis, le Général Milley : « L’une des choses que j’ai toujours en tête, c’est la maîtrise de l’escalade. Les Russes ont la capacité de détruire l’humanité. Tout mouvement doit être mûrement réfléchi. » Et il ajouta, quitte à tourner le dos à l’orientation de son Président : « Il peut y avoir une solution politique, où, politiquement, les Russes se retirent. C’est possible ! » 17 mois et des milliers de morts plus tard, on en est toujours, dans chaque camp -celui de l’agresseur comme celui de l’agressé et de ses alliés-, à s’engager à aller « jusqu’au bout » (?) pour « gagner la guerre »…Jusqu’où poussera-t-on cette fuite en avant -tels deux bolides fonçant l’un contre l’autre, chacun escomptant que l’autre cède en premier- au risque du pire ? Est-ce réellement la bonne et la seule voie de la solidarité avec le peuple ukrainien ?

En vérité, dans le monde d’aujourd’hui, plus interdépendant qu’il ne l’a jamais été, l’escalade est un poison des relations internationales. En plus de n’aboutir, dans le meilleur des cas, qu’à une « victoire » à la Pyrrhus de l’un des deux belligérants, elle rend de plus en plus difficile l’indispensable quête de stabilité durable des relations avec l’ancien ennemi, sitôt la guerre terminée. En Europe aussi, il nous faudra reconstruire une architecture de sécurité aujourd’hui effondrée. C’est, du reste, pour avoir négligé cette tâche,  essentielle à une paix durable, dès les lendemains de la chute de l’Union soviétique -en préférant lancer l’irresponsable extension de l’OTAN, quitte à nourrir le nationalisme russe-  que nous devons, 30 ans plus tard, gérer un désastre anachronique. Il est grand temps d’en tirer les leçons.

25 avril 2024 at 11:19 Laisser un commentaire

CES VOIX QUI SAUVENT L’HONNEUR DE L’EUROPE SUR GAZA

Figure intellectuelle respectée très au-delà de nos frontières, Edgar Morin dénonçait récemment « le silence du monde, le silence des Etats-Unis, protecteurs d’Israël, le silence des Etats arabes, le silence des Etats européens qui se prétendent défenseurs de la culture, de l’humanité, des droits de l’homme » face à la « tragédie horrible », au « véritable carnage massif sur les populations de Gaza », dont se rendent coupables « les décideurs de l’Etat d’Israël ». 

Comment ne pas partager l’indignation de l’emblématique sociologue devant le silence assourdissant de nombre de représentants de la « communauté internationale » ! Le cas des Chefs d’Etat ou de gouvernement occidentaux est d’autant plus révoltant qu’il illustre l’étendue de leur partialité dans le traitement des crimes de guerre contre des populations civiles , selon que les criminels sévissent en Ukraine ou en Palestine.

Quelques voix se distinguent dans ce mutisme honteux. C’est le cas de la vice-présidente du gouvernement espagnol et cheffe de file du mouvement de gauche Sumar, la communiste Yolanda Diaz. Elle dénonçait encore, il y a peu, « l’hypocrisie internationale » sur le Proche-Orient , révélant que le gouvernement espagnol « dialoguait » depuis quelques temps avec les États membres de l’Union européenne pour « aller de l’avant » sur l’enjeu-clé de « l’Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale », et que, faute de consensus, « l’Espagne prendrait ses propres décisions ». Est-ce cette initiative qui décida enfin Emmanuel Macron à déclarer, fût-ce, comme à son habitude, de façon alambiquée, que « la reconnaissance d’un État palestinien n’est pas un tabou pour la France » ? 

D’autres voix qui tranchent avec l’inertie ambiante face à la sauvagerie quotidiennement à l’œuvre à Gaza émanent de nos amis du Sinn Fein d’Irlande. Il s’agit de celle de la nouvelle Première Ministre d’Irlande du Nord, Michelle O’Neill, exigeant, en plus du cessez-le-feu et de la libération des otages, le lancement d’un authentique processus de constitution d’un État palestinien. Et également de celle de la Présidente du Sinn Fein, Mary Lou Mc Donald -qui fut, naguère, membre de notre groupe de la gauche au Parlement européen- exhortant le gouvernement de la République d’Irlande à saisir la Cour pénale internationale du cas des responsables de la guerre que mène Israël à Gaza. 

On peut éventuellement encore citer le cas de la Ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, exprimant au moins sa « ferme condamnation » de la destruction -« absolument inacceptable »- par l’armée israélienne des bureaux d’une agence belge de développement installée de longue date à Gaza, contrairement à d’autres pays, qui se taisent même quand l’armée de l’occupant détruit des infrastructures qu’ils ont financées…

Merci à ces responsables politiques, dignes de leur fonction. Ils sauvent l’honneur de l’Europe. L’Histoire retiendra qu’après près de cinq mois de cette « tragédie horrible », elles faisaient partie de la poignée de dirigeants refusant l’inacceptable.

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JE VEUX RENDRE HOMMAGE À MICHEL MULLER, À SON TALENT DE JOURNALISTE, SA RECTITUDE  ET SON HUMANITÉ .

22 février 2024 at 4:33 Laisser un commentaire

RIMA HASSAN : LE DÉBAT, OUI ! LE LYNCHAGE, NON !

Est-il encore possible de débattre sérieusement, à partir de faits établis, et dans le respect mutuel, sur le Proche-Orient, en France ? La question se pose une fois de plus à propos des graves accusations portées sur les réseaux sociaux par un célèbre animateur, fort de son audience, contre la jeune juriste franco-palestinienne Rima Hassan.  Pour qui n’a pas suivi cet épisode déplorable, rappelons que Rima Hassan, à qui on doit notamment la création de l’Observatoire des camps de réfugiés palestiniens, et qui est devenue une figure de la jeunesse palestinienne, avait été classée parmi « les 40 femmes d’exceptions »par le magazine américain Forbes. Cette distinction n’a manifestement pas plu à la vedette de la télévision, qui a accusé la jeune femme de « faire l’apologie du terrorisme du Hamas » -alors même qu’elle a condamné  « les crimes de guerre du Hamas »- et « d’être une antisémite patentée » ! Des propos outrageants sur lesquels l’intéressé devra s’expliquer devant la Justice, Rima Hassan ayant, logiquement, décidé de porter plainte pour diffamation. 

Que lui reproche-t-on dans les faits ? De qualifier d’ « apartheid » le régime en place en Israël à l’égard des Palestiniens ? Faut-il rappeler à ses détracteurs que des responsables israéliens de haut rang eux-mêmes font leur cette analyse. Le dernier en date est l’ancien chef …du Mossad, Tamir Pardo, pour qui « les mécanismes israéliens de contrôle des Palestiniens (…) alors que les colons juifs dans les territoires occupés sont gouvernés par des tribunaux civils, sont à la hauteur de l’ancienne Afrique du Sud » (1). 

Certes, je ne partage pas toutes les positions de Rima Hassan. Par exemple, elle semble davantage miser sur l’hypothèse d’un futur État binational israélo-palestinien que sur « la solution à deux Etats » nécessitant un engagement fort de la communauté internationale. Je comprends la désillusion alimentée par l’abandon, de fait, de la cause palestinienne par les dirigeants occidentaux tout comme par ceux des pays arabes, malgré la radicalisation jusqu’à l’extrême du pouvoir israélien. Je suis néanmoins de ceux qui restent convaincus qu’il n’y a pas d’alternative à la bataille pour l’édification d’un État palestinien sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. De même, la reprise du slogan « De la rivière (le Jourdain) à la mer (Méditerranée) » (souvent assimilé à la non-reconnaissance de l’Etat d’Israël) me semble malheureuse et contre-productive. Certes, Rima Hassan précise la signification qu’elle donne à cette expression, à savoir : « on veut libérer TOUS les Palestiniens; ceux des camps, ceux de Gaza, ceux de Cisjordanie, ceux d’Israël et tous ceux de la diaspora ». Mais le risque d’incompréhension est réel. 

En tout état de cause : comment ne pas comprendre qu’une personne née dans un camp de réfugiés, qui n’a connu de la part des dirigeants israéliens que la politique coloniale, et de la part des dirigeants occidentaux que l’impunité à l’égard des occupants, avant d’assister au « cauchemar de Gaza » (Antonio Guterres) et à des « actes susceptibles de tomber sous le coup de la Convention sur le Génocide » (Cour Internationale de Justice) de la part de hauts responsables israéliens, n’use pas nécessairement, pour exprimer ses sentiments, des mêmes mots que nous, qui, tout solidaires que nous soyons du peuple palestinien, sommes néanmoins loin du front? L’échange respectueux permet aisément de clarifier d’éventuels malentendus ou d’acter, le cas échéant, des différences. Rien de plus méprisable, en revanche, que la chasse aux sorcières fondée sur la mauvaise foi et la volonté de nuire.
Le débat, Oui ! Le lynchage, Non !

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(1) France Culture (7/9/2023)

8 février 2024 at 12:01 Laisser un commentaire

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