Archive for septembre, 2013

COUP DE TONNERRE SYNDICAL DANS LE DEBAT EUROPEEN !

wurtz-l-humanite-dimanche   Un épais murmure parcouru la grande et belle salle « Victor Hugo » de l’Assemblée Nationale lorsque Bernadette Ségol, la Secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES), expliqua à son auditoire , largement acquis aux thèses européennes classiques , qu’elle venait de participer au « Forum social » de la Fête de l’Humanité et que le public qu’elle y a rencontré -« différent de celui d’ici »- était, à ses yeux, « absolument essentiel dans la période actuelle » pour qui veut défendre l’idée européenne contre la politique menée en son nom aujourd’hui. C’est que nous nous trouvions dans une conférence organisée par l’Institut Jacques Delors qui réunissait comme orateurs un large éventail politique européen – socialistes, verts, libéraux…- à l’exclusion de tout porteur d’une vision alternative de la construction européenne. Dans un passé pas trop éloigné, le discours officiel de la CES n’était pas de nature à troubler exagérément ce type de rencontre. Cette période est clairement révolue! Les propos tenus ce 16 septembre par la dirigeante syndicale européenne à Paris méritent à cet égard toute notre attention.fw

« La CES a toujours été pro-européenne « , mais pour se faire comprendre des travailleurs, il faut être clairs sur « l’autre Europe, l’Europe sociale », que nous voulons, commença Bernadette Segol, fustigeant l’ obsession du « libre marché » et la « concurrence sociale vers le bas qui se passe aujourd’hui »? Puis elle s’en prit avec une franchise décapante au très « merkélien » Commissaire européen aux questions économiques et monétaires: « Ohly Rehn demande aux syndicats espagnols de baisser les salaires pour être plus compétitifs vis à vis des Français! Mais, c’est la descente aux enfers! » s’indigna-t-elle. Rappelant quelques avancées sociales arrachées dans le passé, telles que les directives sur l’égalité des genres; la santé et la sécurité au travail; l’information et la consultation des travailleurs; les comités d’entreprise européens; le congé parental…, elle exprima toute la frustration du monde syndical devant l’insupportable dérive libérale de l’UE : « Aujourd’hui, il n’y a rien à se mettre sous la dent ! C’est: laissez faire le marché, l’emploi suivra ! Nous sommes dans le capitalisme de casino! » Quant au « plan de croissance » négocié en son temps par François Hollande: « Qu’est-il devenu? » interrogea la syndicaliste. « Quel argent a-t-il été mobilisé? Pour où? Pour qui?  » Devant une salle interloquée car davantage habituée à la langue de bois bruxelloise qu’au langage de la vie réelle, la dirigeante de la CES usa encore de mots justes à propos des « solutions de la troïka et du mandat de l’eurogroupe : indéfendables sur le plan humain; contre-productives en matière économique et nulles du point de vue de la confiance dans le projet européen! « Plus tard, s’adressant à une députée européenne qui appelait à tenir compte du fait que la question des salaires n’était plus entièrement nationale puisque la Banque centrale européenne en parlait de plus en plus , la syndicaliste lui a lancé: « Vas dire ça à IG-Metall, à Ver.Di ou à la CES en général ! Il faut voir comment les travailleurs et les citoyens vivent ça ! Il faut arrêter de considérer les salaires comme un problème pour la compétitivité de l’économie. » Enfin, elle fit très pertinemment le lien entre les aspirations sociales et les exigences démocratiques en soulignant qu’au sein de son Comité exécutif de 134 membres, face à la politique subie, « l’idée d’accorder plus de pouvoir à l’Europe, ça ne passe pas !  » et en insistant sur l’importance d’acquérir « la capacité d’influer sur les décisions, c’est à dire la démocratie ».
Voilà qui ouvre de réelles perspectives de dialogues, de convergences et de rassemblement dans l’action.

26 septembre 2013 at 3:13 5 commentaires

IL Y A (QUAND MEME) DES RAISONS D’ESPERER !

wurtz-l-humanite-dimanche   La tragédie syrienne, la plus meurtrière de la décennie, nous accable. Le dernier rapport de la Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme en Syrie, mandatée par l’ONU, évoque des crimes « auparavant inimaginables », de la part des forces gouvernementales mais aussi de celle des « rebelles ». Il y a quelques jours, nous étions tout près de voir ce conflit franchir un seuil peut-être fatidique, avec le risque d’embrasement incontrôlable que portait en lui le projet d’intervention militaire occidental dans une guerre civile au coeur du Proche-Orient. Aujourd’hui, ce danger n’est malheureusement pas écarté, mais il est, pour l’heure, gelé et des initiatives diplomatiques de grande portée sont en cours susceptibles de le conjurer. C’est là une chance historique qui mérite qu’on réfléchisse aux éléments qui ont conduit à ce très salutaire retournement de situation.

Par un hasard du calendrier, nous sommes à la veille du 21 septembre qui est,depuis 32 ans, la « journée internationale de la paix », en principe dédiée à la sensibilisation des citoyens à cet enjeu de civilisation. De beaux esprits ironisent volontiers sur ce type de démarche, arguant du fait que « les grands de ce monde » s’affranchiraient sans peine des opinions de leur peuple. Les événements récents leur donnent spectaculairement tort. Parmi les données centrales de la période, il y a précisément le rejet massif de la perspective d’une nouvelle guerre par les opinions publiques et l’influence sans doute décisive que cet état de fait a exercé sur le positionnement de la plupart des dirigeants politiques. Trois exemples européens illustrent bien ce double phénomène: celui de la Grande Bretagne de David Cameron; celui de l’Allemagne d’Angela Merkel; celui de la Pologne de Donald Tusk.

Ces trois dirigeants sont connus pour leur attachement indéfectible à l’OTAN et aux Etats-Unis,dont ils ont suivi,naguère, les injonctions en envoyant des troupes en Afghanistan. Rien de tel cette fois-ci. Le premier a été stoppé dans son ardeur belliciste par la Chambre des Communes, reflétant l’opposition des Britanniques à cette guerre. La deuxième s’est montré d’autant plus raisonnable qu’elle s’apprêtait à solliciter les suffrages d’un peuple qui ne veut plus entendre parler d’expéditions armées. Le troisième avait, dès l’aventure libyenne de Nicolas Sarkozy, tiré les leçons du fait qu’ « il n’existe pas en Pologne de conviction à 100% que cette intervention militaire est fondée ».

Cette fois-ci, le même est allé plus loin: au lendemain de la proposition -aussi inattendue que pertinente- du ministre russe des Affaires étrangères de placer sous contrôle international l’arsenal chimique syrien en vue de sa destruction, son homologue polonais (dont le pays n’est pas connu pour être un fan du Kremlin) se félicitait publiquement « que la Russie ait suivi la suggestion de la Pologne sur son rôle dans le démantèlement de ces armes ». Voilà une belle illustration de l’autre nouveauté prometteuse de l’actualité internationale: le retour de la grande diplomatie, celle qui, par le bon geste au bon moment, fait bouger les lignes en misant avec intelligence et créativité sur la force de la politique contre la politique de la force. Quoiqu’on pense par ailleurs du pouvoir en place à Moscou, bravo ! Plutôt que de bouder cette « fenêtre d’opportunité », Paris ferait bien de dépasser sa rhétorique de la « punition » par les armes, pour tenir toute sa place dans la recherche concrète, avec tous les interlocuteurs concernés, d’une solution politique à ce terrible conflit. Celle-ci est,certes, loin d’être à portée de main! Mais il y a, désormais, quand même, des raisons d’espérer.

19 septembre 2013 at 8:53 Laisser un commentaire

DES « FRAPPES CIBLEES », C’EST LA GUERRE !

wurtz-l-humanite-dimanche     La presse alsacienne rappelait fort opportunément, ces jours-ci, une page d’histoire peu connue (mais dont j’ai personnellement entendu maintes fois le récit durant mon enfance par celles et ceux qui l’ont vécue dans leur chair). (1)   Il y a 70 ans,presque jour pour jour, le 6 septembre 1943, les habitants d’un faubourg de Strasbourg proche de la frontière allemande, le quartier de Neudorf, ont eu la stupéfaction de constater qu’au martyre de l’occupation militaire nazie et au traumatisme de l’annexion au troisième Reich venait subitement de s’ajouter le choc d’un intense bombardement…par l’aviation américaine. 574 bombes, dont certaines à fragmentation, furent larguées sur un petit périmètre, tuant 194 personnes et détruisant 175 immeubles. Certains crurent à une « bavure ». Hélas,durant toute une année, d’autres bombardements américains – quatre exactement- ont terrifié la population strasbourgeoise, faisant au total plus de 1000 victimes et anéantissant un cinquième des immeubles de l’agglomération. Comment expliquer ce dramatique paradoxe: une armée occidentale terrorisant une population victime de l’agression hitlérienne ?fw

Les forces américaines ne projetaient évidemment pas de s’en prendre à des innocents, qu’elles avaient, au contraire, pour mission d’arracher aux griffes des nazis. Leurs « frappes ciblées » – sur des voies ferrées, des dépôts de pétrole, des usines stratégiques…- devaient affaiblir l’ennemi et, par là même hâter le retour à la paix dans la liberté. Ce n’est pourtant pas ainsi qu’elles furent vécues par la population. D’abord, parce qu’aucune cible visée n’est « hors sol »: il s’ensuit les tristement fameux « dégâts collatéraux ». Mais il y a plus grave encore: très au-delà des victimes directes de telles « frappes », c’est toute une population qui en est meurtrie et en conserve une blessure durable. Dans le cas déjà cité, les témoins de ces épreuves se rappellent encore avec émotion au soir de leur vie « la violence du choc, le sifflement des bombes, les cratères profonds comme des lacs, les débris de verre, les cadavres jonchant le sol, les cercueils de fortune, la poussière dense du ciment qui s’engouffre dans les bouches et a raison du soleil… »(2) Il y a, dans ces souvenirs douloureux, une leçon de vie à méditer. Y compris en ce moment même où il est tant question d’ « intervention militaire limitée » (John Kerry) ou de « riposte proportionnée, limitée, ciblée »(François Hollande) pour « punir » un tyran et venir en aide au peuple…

On objectera que comparaison n’est pas raison. C’est parfaitement vrai: 2013 n’est en rien 1943! Des actes peut-être difficiles à éviter hier quand il s’agissait de terrasser coûte que coûte le nazisme ne peuvent se justifier aujourd’hui face à une guerre civile qui n’a pas de solution militaire. On croit « punir » un despote cynique et cruel, mais on risque d’ envenimer encore les souffrances du peuple, voire d’embraser la région. On sait trop bien de nos jours dans quels engrenages immaitrisables peut nous entrainer une intervention prétendument « limitée » pour ne pas proscrire sa banalisation.
Appelons donc les choses par leur nom: des « frappes ciblées », c’est la guerre !

(1)Valérie Walch (DNA 6/9/2013) présentant le livre de Richard Seiler: »Objectif Strasbourg »(Editions de la Nuée Bleue.)

(2) ibidem

12 septembre 2013 at 4:17 1 commentaire

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