Archive for février, 2022
LA CAMPAGNE DU PCF VUE D’EUROPE
Depuis quelques jours, à en juger par plusieurs messages d’amis européens , des informations circulent au-delà de nos frontières, suscitant l’intérêt pour la campagne présidentielle du PCF . On veut en savoir plus sur ce candidat communiste dont on entend dire qu’il est « charismatique », qu’il « tranche sur le reste de la gauche », qu’il se réfère au Conseil national de la Résistance, etc…L’un des vecteurs des informations à l’origine de ce regain de curiosité semble être un récent reportage de « France 24-Anglais ».
On y évoque, par exemple, les « promesses de bonheur » de Fabien Roussel, par opposition aux « prophéties chargées de malheur » d’un Zemmour . Après une période marquée par une overdose d’inquiétudes et de restrictions, cette bouffée d’oxygène attire clairement l’attention. Les autres « révélations » du reportage sont plus attendues. Ainsi, le choix du candidat communiste pour une autre utilisation de l’argent -« non en faveur des grands groupes mais au service du peuple », ou encore la proposition de nationaliser les grandes banques et les grands groupes du secteur de l’énergie, et d’une façon générale, la volonté du candidat du PCF de « regagner les cœurs et les esprits » du monde du travail.
Enfin, certains de nos amis semblent découvrir l’importance du réseau actuel de maires et d’autres élues et élus communistes -rappelée dans ce reportage- malgré les reculs électoraux subis par le PCF. Ils partagent à l’évidence l’espoir d’assister à l’amorce d’une renaissance d’un PCF capable de regagner la confiance de ces pans entiers de classes populaires dont l’extrême-droite a réussi à capter les désillusions accumulées , ouvrant la voie à la dramatique impasse que l’on connaît.
Cet enjeu essentiel est également mis en avant, par ailleurs, par le réseau de médias européens indépendants « Euractiv », spécialisé dans la publication d’articles sur l’actualité européenne. Sous le titre -désagréablement politicien- : « Marine Le Pen, Eric Zemmour et Fabien Roussel s’arrachent les classes populaires », le site européen a néanmoins le mérite d’attirer l’attention de son public sur des marqueurs très concrets de la campagne du candidat communiste. Insistant à son tour sur le projet d’une « France des jours heureux », il décline successivement la question clé de « l’augmentation des salaires et des retraites » et la hausse du SMIC à 1500 euros -car « ce qui coûte cher, c’est les riches! »- , le rétablissement et le triplement de l’ISF, la lutte contre la fraude fiscale, ou encore la gratuité du permis de conduire pour les moins de 25 ans. Non moins important est la référence à la volonté du candidat communiste de « recréer de l’emploi pour les classes populaires » grâce, notamment, à une « industrie française décarbonée ». Ou encore l’allusion faite à l’ importante proposition, souvent développée par Fabien Roussel, en faveur des petites et moyennes entreprises, à savoir une baisse des « vraies charges qui pèsent sur elles : le coût de l’électricité, le gaz, les assurances, les intérêts bancaires, le coût du capital ». Nous reprendrons volontiers à notre compte la conclusion du papier de ces médias européens , soulignant « le vœu du candidat communiste de renouer un lien rompu entre la gauche et l’électorat le plus modeste » et de « créer la surprise » en 2022…
PLUIE DE MILLIARDS POUR LA « SOUVERAINETÉ EUROPÉENNE »
42 milliards d’euros d’aides publiques ! C’est la manne colossale que l’Union européenne et ses Etats membres s’apprêtent à consacrer d’ici 2030 au tout nouveau programme européen de développement du secteur des puces électroniques. Cette avalanche de fonds publics est destinée à financer -dans le cadre des tristement fameux « partenariats public-privé »- tant la recherche que la production de ces puces.
Cet ambitieux projet (« Chips Act ») , dévoilé le 8 février dernier par la Commission européenne, s’inscrit dans le prolongement de « l’alliance européenne pour les batteries » (destinées aux voitures électriques) lancée en 2018 -supposée faire de l’UE « le leader de ce secteur stratégique »- et de l’ « alliance européenne pour l’hydrogène vert », en cours de réalisation, dont les initiateurs attendent qu’elle « révolutionne le monde de l’énergie ». Elle précède une possible « alliance européenne pour l’espace » à même de concurrencer l’Américain Space X et les fusées chinoises.
À chaque fois, le schéma est le même : il s’agit de convaincre des entreprises de se rallier à un projet commun jugé stratégique pour assurer la « souveraineté européenne » d’ici la fin de la présente décennie. Pour ce faire, l’argent public de l’UE et des Etats engagés dans ces « alliances » coulera à flots. « Souveraineté » oblige : pour tout ce qui concerne ces « alliances », les dirigeants européens ont accepté d’assouplir sérieusement les sacro-saintes règles de concurrence , qui interdisent en temps normal toute « aide d’Etat » susceptible de privilégier une entreprise par rapport à ses concurrentes.
A priori, l’objectif poursuivi est louable : après l’épisode traumatisant des masques puis des vaccins, il s’agit de réduire la dépendance de l’Europe à l’Asie et aux Etats-Unis pour des composants de plus en plus cruciaux pour son économie, sinon stratégiques pour sa « souveraineté ». Dans le cas des semi-conducteurs, indispensables à toute l’industrie (automobile, secteur électro-ménager, matériel de santé, aéronautique, informatique, télécommunications, panneaux solaires, armements…) s’ajoute le fait que le principal pays producteur mondial de ces « puces » est Taïwan. De quoi alimenter auprès des cercles dirigeants occidentaux -dans le contexte du climat de tension entretenu avec la Chine- la peur panique d’une paralysie générale de l’économie en cas de conflit entre Pékin et l’île rebelle, dans un avenir proche. Aussi, Thierry Breton, le très macronien Commissaire européen, en charge de ce dossier, ne vise-t-il pas moins qu’un quadruplement de la production de ces « puces » en Europe d’ici 2030 pour justifier les aides titanesques envisagées.
Reste à voir de près -instruits par l’expérience- le contenu concret de cette « alliance » aux contours , à ce stade, dangereusement flous . « Souveraineté » -française ou européenne- , que de méfaits se préparent en ton nom ! Valérie Pécresse vient encore d’en donner une illustration saisissante en liant « souveraineté économique et financière » à l’obligation de « travailler plus longtemps » et de « mettre fin à la dépense publique inutile »…
L’EUROPE FACE AU NUCLÉAIRE : RIEN N’EST JOUÉ !
La France a poussé un « ouf » de soulagement, le 2 février dernier, quand la Commission européenne a officiellement proposé d’inclure le nucléaire (et le gaz…) dans la « taxonomie verte » , sorte de label destiné à favoriser l’accès à des subventions et à des investissements au nom de la contribution ainsi apportée à la transition énergétique et , plus particulièrement, à l’objectif de « neutralité carbone » d’ici 2050 dans toute l’Union européenne. L’Etat français envisage, en effet, à la fois de construire dans l’avenir de nouvelles centrales EPR ainsi que des petits réacteurs dits SMR, ce qui représente des financements colossaux, que ce dispositif faciliterait grandement. En outre, il n’est pas exclu que, dans l’avenir, ce type particulier de dépenses « vertes » ne soit plus pris en compte dans le calcul de la future dette publique…Le projet de « Bruxelles » peut ainsi apparaître à Paris comme une bénédiction.
Pourtant, le gouvernement aurait tort de vendre trop vite la peau de l’ours…Rarement, en effet, un projet économique européen n’a autant suscité d’oppositions qui, coalisées, pourraient bien rebattre les cartes. Résumé.
Le 1er obstacle est surmontable : parmi les 27 États membres, appelés à approuver ou à rejeter le texte en question dans les 4 à 6 mois à venir, une forte minorité est, certes, vent debout contre le nucléaire. Mais, il faudrait qu’elle réunisse 20 États membres représentant 65% de la population totale de l’UE pour faire échec au projet en discussion : c’est peu probable. 2ème difficulté : l’Autriche et le Luxembourg menacent de saisir la Cour de Justice de l’UE dans l’espoir qu’elle annule le projet. Ils mettent en cause la procédure choisie par la Commission qui oblige les États à se prononcer par OUI ou par NON, sans possibilité d’amender le texte : un choix effectivement très contestable…Reste l’hypothèque la plus sérieuse : le Parlement européen, lui aussi appelé à voter sans possibilité de modifier le texte, se sent -légitimement- écarté des négociations . Aux nombreux députés traditionnellement anti-nucléaires risque ainsi de s’ajouter la voix des parlementaires furieux de devoir se prononcer sur un document ficelé .
Ce n’est pas tout. Si, du strict point de vue de sa contribution à la décarbonation de l’économie, l’apport du nucléaire n’est pas discutable, il n’en va pas de même du gaz, pourtant, lui aussi, de fait, promu « énergie durable » par Bruxelles. C’était la condition pour que l’Allemagne -d’autant plus dépendante du gaz qu’elle bannit totalement l’atome cette année- accepte que le nucléaire bénéficie du fameux label vert…De quoi enflammer encore un peu plus les débats à venir sur ce dossier.
La dernière « épée de Damoclès » qui pèse sur l’accord final espéré par la France tient à la capacité ou non de l’industrie nucléaire d’atteindre d’ici 2025 un niveau supplémentaire de sûreté des centrales exigé par la Commission : à savoir la mise au point d’un carburant résistant à des températures très élevées pour parer à un éventuel accident. Une mesure bienvenue, mais un défi technologique incertain dans des délais aussi courts. A suivre d’ici l’été !
Commentaires récents