L’EUROPE FACE AU NUCLÉAIRE : RIEN N’EST JOUÉ !
10 février 2022 at 1:01 Laisser un commentaire
La France a poussé un « ouf » de soulagement, le 2 février dernier, quand la Commission européenne a officiellement proposé d’inclure le nucléaire (et le gaz…) dans la « taxonomie verte » , sorte de label destiné à favoriser l’accès à des subventions et à des investissements au nom de la contribution ainsi apportée à la transition énergétique et , plus particulièrement, à l’objectif de « neutralité carbone » d’ici 2050 dans toute l’Union européenne. L’Etat français envisage, en effet, à la fois de construire dans l’avenir de nouvelles centrales EPR ainsi que des petits réacteurs dits SMR, ce qui représente des financements colossaux, que ce dispositif faciliterait grandement. En outre, il n’est pas exclu que, dans l’avenir, ce type particulier de dépenses « vertes » ne soit plus pris en compte dans le calcul de la future dette publique…Le projet de « Bruxelles » peut ainsi apparaître à Paris comme une bénédiction.
Pourtant, le gouvernement aurait tort de vendre trop vite la peau de l’ours…Rarement, en effet, un projet économique européen n’a autant suscité d’oppositions qui, coalisées, pourraient bien rebattre les cartes. Résumé.
Le 1er obstacle est surmontable : parmi les 27 États membres, appelés à approuver ou à rejeter le texte en question dans les 4 à 6 mois à venir, une forte minorité est, certes, vent debout contre le nucléaire. Mais, il faudrait qu’elle réunisse 20 États membres représentant 65% de la population totale de l’UE pour faire échec au projet en discussion : c’est peu probable. 2ème difficulté : l’Autriche et le Luxembourg menacent de saisir la Cour de Justice de l’UE dans l’espoir qu’elle annule le projet. Ils mettent en cause la procédure choisie par la Commission qui oblige les États à se prononcer par OUI ou par NON, sans possibilité d’amender le texte : un choix effectivement très contestable…Reste l’hypothèque la plus sérieuse : le Parlement européen, lui aussi appelé à voter sans possibilité de modifier le texte, se sent -légitimement- écarté des négociations . Aux nombreux députés traditionnellement anti-nucléaires risque ainsi de s’ajouter la voix des parlementaires furieux de devoir se prononcer sur un document ficelé .
Ce n’est pas tout. Si, du strict point de vue de sa contribution à la décarbonation de l’économie, l’apport du nucléaire n’est pas discutable, il n’en va pas de même du gaz, pourtant, lui aussi, de fait, promu « énergie durable » par Bruxelles. C’était la condition pour que l’Allemagne -d’autant plus dépendante du gaz qu’elle bannit totalement l’atome cette année- accepte que le nucléaire bénéficie du fameux label vert…De quoi enflammer encore un peu plus les débats à venir sur ce dossier.
La dernière « épée de Damoclès » qui pèse sur l’accord final espéré par la France tient à la capacité ou non de l’industrie nucléaire d’atteindre d’ici 2025 un niveau supplémentaire de sûreté des centrales exigé par la Commission : à savoir la mise au point d’un carburant résistant à des températures très élevées pour parer à un éventuel accident. Une mesure bienvenue, mais un défi technologique incertain dans des délais aussi courts. A suivre d’ici l’été !
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