CHYPRE : UNE PRESIDENCE ATYPIQUE DE L’UE
28 juin 2012 at 10:07 Laisser un commentaire
Le 1er juillet prochain,celui qui deviendra pour six mois le « Président du Conseil européen », Demetris Christofias,Chef de l’État chypriote,n’est autre que la principale figure communiste de l’île.Ce fait -inédit!- suffirait à faire de ce second semestre 2012 celui d’une présidence atypique de l’Union européenne.
De là à rêver d’une période de mutation progressiste accélérée de la construction européenne,il y a un pas qu’il serait déraisonnable de franchir.D’abord,parce que Chypre,dont le poids tant démographique qu’économique est très relatif,ne peut prétendre bousculer les rapports de force qui régissent les institutions européennes actuelles.Ensuite,du fait que ce pays souffre d’un double handicap que les plus puissants des « 27 » ne se priveront pas,le cas échéant,d’exploiter à leur profit: l’occupation de toute la partie nord de l’île par la Turquie (un Etat qui compte dans la région!) et une situation financière critique due à une très forte exposition du secteur bancaire chypriote à la dette du voisin grec.Enfin,parce que l’accès à la présidence tournante du Conseil européen n’est pas la prise du Palais d’hiver! Le pays concerné peut imprimer sa marque,pas « renverser la table ».Pour changer l’Europe,il n’y a ni miracle ni raccourci. C’est d’abord un combat politique constant des peuples et des citoyens,relayé par des élus -et si possible des gouvernements, notamment des pays les plus influents- décidés à prendre le taureau par les cornes.
Pour autant,cette « présidence chypriote » n’est pas banale et appelle toute notre attention.Voilà,en effet,un pays qui cumule plus de spécificités géographiques,culturelles,historiques et politiques que tout autre pays membre et dont le sort devrait à ce titre beaucoup plus fortement impliquer l’UE.
Qu’on en juge:c’est une île située à un jet de pierre de…Beyrouth,donc au coeur de la Méditerrannée -aujourd’hui zone de crise aigüe,mais potentiellement,demain,espace de coopération exceptionnel entre l’UE et le Moyen Orient.C’est aussi l’un des rares pays de l’UE non membres de l’OTAN dans une région où les armes s’accumulent dangereusement (y compris des éléments du « bouclier antimissile » que l’OTAN,y compris la France,vient d’approuver).
Par ailleurs,la population de Chypre est composée de communautés très diverses,en particulier gréco-chypriote et turco-chypriote: créer les conditions d’un « vivre ensemble » durable et de leur égalité de droits est une exigence fondamentale.Elle se heurte pourtant à l’obstacle crucial que l’on sait:l’île est divisée depuis 38 ans,sa partie septentrionale (où vit l’essentiel de la communauté turco-chypriote) est occupée par 40 000 soldats turcs.Ankara y entretient une « république » d’opérette qu’il est seul à reconnaitre.Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sont foulées au pied. On imagine les plaies vives que représentent les problèmes liés à cette tragédie.Un terrain fertile pour le nationalisme et le populisme,qui plus est par ces temps de crise…
Dans ce contexte,l’existence d’un parti démocratique et responsable comme AKEL (communiste),profondément ancré dans le peuple,et qui doit son autorité à son engagement constant aussi bien contre le nationalisme grec que l’occupation turque et pour la réunification de l’île,est une grande chance pour ce pays et pour l’Europe. Puisse la visibilité qu’offre cette présidence de l’UE aux enjeux chypriotes contribuer à leur solution!
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