LIBYE : L’UE FACE A LA MENACE D’UNE « SECONDE SYRIE »
17 janvier 2020 at 7:06 Laisser un commentaire
« L’ingérence extérieure persistante nourrit la crise »; « Une cessation immédiate des hostilités est cruciale »; « La décision turque d’intervenir avec des troupes en Libye accroît nos inquiétudes sur la situation. Nous la rejetons. » On ne peut que souscrire aux paroles des cinq représentants de l’Union européenne qui s’exprimaient en ces termes le 7 janvier dernier, à Bruxelles. Une réunion d’urgence venait d’avoir lieu, consacrée au dangereux chaos libyen, qu’une intervention militaire turque menaçait de transformer en « prochain champ de bataille entre Turquie et Russie » sinon en « seconde Syrie » (1) en raison de leurs intérêts économiques et stratégiques divergents dans la région. Mais qui étaient, au fait, ces cinq apôtres de la non ingérence en Libye ? Outre Josep Borrell, le nouveau responsable de la diplomatie de l’UE, il s’agissait des ministres des Affaires étrangères de quatre pays : la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Allemagne. Arrêtons-nous sur le rapport à la Libye de chacun de ces pays.
La France, tout d’abord. Impossible de laisser tomber dans l’oubli la responsabilité historique de l’un de ses anciens Présidents, Nicolas Sarkozy, qui, inspiré par l’illustre maître à penser ès droits de l’homme, Bernard-Henri Lévy, a pris l’initiative de la guerre, censée apporter « la paix », « la liberté » et « le progrès économique » au peuple libyen en 2011. Avec le concours de l’OTAN, il a livré un pays privé de toute structure étatique aux factions rivales et à leurs parrains. Neuf années plus tard, deux forces militaires s’y affrontent toujours. L’une relève d’un gouvernement peu représentatif bien que reconnu par l’ONU et soutenue par le Qatar et par la Turquie, décidée à contrôler les gisements de gaz naturel en Méditerranée orientale. L’autre est aux ordres d’un « homme fort » sans légitimité autre que celle du rapport de force, le Maréchal Haftar, allié à l’Egypte et aux Émirats arabes unis, loué par Donald Trump, aidé par des mercenaires russes …et appuyé de longue date par Paris, qui, en plus de compter sur lui pour juguler les flux migratoires vers l’Europe, est alléché comme les autres par l’odeur du pétrole libyen.
La Grande-Bretagne, ensuite, dont on rappellera qu’elle seconda la France dans son aventure de 2011…L’Italie, enfin, qui, comme ancienne puissance coloniale, n’entend pas renoncer à sa part du gâteau au profit de la France. Reste l’Allemagne, qui est peut-être en passe de récolter les fruits de son refus de s’ingérer comme ses voisins dans les affaires de la Libye. « Ce pays n’a pas d’accointance avec toutes les parties libyennes. Il s’est même abstenu lors du vote de la Motion de mars 2011, autorisant l’utilisation de la violence contre les forces de Kadhafi. Cette neutralité serait positive pour tranquilliser tous les intervenants, locaux et internationaux » déclarait récemment le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies pour la Libye, Ghassen Salamé (2). Aussi a-t-il choisi Berlin pour la tenue prochaine d’une Conférence internationale pour la recherche d’une issue à la guerre qui déchire la Libye depuis neuf ans. Une leçon à méditer.
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(1) La première expression est celle du grand quotidien espagnol « El Païs »; la seconde celle de la radio allemande « Deutsche Welle ».
(2) Interview à la chaîne « Libya 218 » (cité par « El Wattan »du 2/11/2019)
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