L’HONNEUR PERDU DU PARTI VERT AUTRICHIEN
10 janvier 2020 at 8:00 Laisser un commentaire
L’urgence climatique justifie-t-elle de se vendre à la droite contre des promesses écologiques ? Telle est la question que beaucoup de sympathisants verts en Europe doivent se poser depuis l’annonce de la formation de la coalition contre-nature entre le parti autrichien « Die Grünen-Die grüne Alternative » et le ÖVP du très conservateur Chancelier Sebastian Kurz, jusqu’il y a peu allié de l’extrême-droite héritière du sulfureux Haïder.
Ce parti vert n’en est d’ailleurs pas à sa première compromission politique. En 2002, il obtînt, avec 9,47% des voix, le meilleur score de sa famille politique en Europe, lors d’élections législatives nationales. Aussitôt, il ouvrit des négociations avec le même parti ÖVP ( qui avait été cloué au pilori par tous les gouvernements de l’UE, deux années auparavant, pour son alliance -déjà- avec l’extrême-droite ) en vue de partager le pouvoir avec lui. Ce fut un échec. Faute de grive, on mange des merles : resté en dehors du pouvoir national, il profita d’un bon résultat , l’année suivante, dans le Land de Haute-Autriche pour entrer au gouvernement régional…en coalition avec l’ ÖVP (et les Sociaux-démocrates) . Rebelote en 2013, au Tyrol et dans le Vorarlberg. Bref, l’ ÖVP, le parti vert le connaît. Cela fait 18 ans que « l’urgence climatique » le pousse à chercher à partager le pouvoir avec ce bloc de droite. En particulier aujourd’hui, avec l’emblématique Chancelier Sebastian Kurz.
Mais qui est au juste ce personnage ? Les apparences, d’abord . Il est jeune et fier de l’être. Arrivé au seuil du pouvoir par un putsch interne à sa famille politique, il fut élu en 2017 sur la promesse du « changement » et sur celle d’ « établir un nouveau style politique dans le pays, créer une nouvelle culture » . « Enfant prodige » de la politique, au costume impeccable, mais à la personnalité clivante, il passe , selon des « experts » cités par « Ouest-France », pour « l’un des meilleurs en marketing politique » possédant un « art parfaitement maîtrisé de la rhétorique ». (Toute ressemblance avec un personnage existant en France est purement fortuite…) Son programme , ensuite . Avant tout -outre un agenda économique libéral : « zéro déficit »- « mettre fin à l’immigration clandestine pour assurer l’ordre et la sécurité » et mettre au pas les demandeurs d’asile et les minorités. À ce titre, il s’est rapproché, après son élection, du sinistre Salvini qui sévissait alors en Italie et de l’ultra-réactionnaire ministre de l’intérieur allemand, Seehofer, au point d’être cité en exemple par le Hongrois Viktor Orban . En Autriche même, il s’attira les reproches de son rival d’extrême-droite ( « Il reprend nos propositions » ) qui, après l’élection de 2017, décida de le rejoindre au gouvernement. Cette première coalition ne prit fin que lorsque ce crypto-facho fut pris la main dans le sac de la corruption, en mai 2019. Ce rappel suffit à le montrer : en acceptant d’occuper la place de ce dernier, pour devenir à son tour le bras droit de ce peu recommandable Chancelier Kurz, le leader du parti vert autrichien -et ceux qui le soutiennent- viennent de perdre leur honneur.
On ne sait pas toujours où commence le concept fumeux de « l’écologie ni de droite ni de gauche ». On sait à présent où elle peut finir.
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