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QUAND LES EUROPÉENS SE METTENT À DOUTER DE L’OTAN…
« Les Etats-Unis semblent s’acharner à affaiblir leurs alliés (…) Ce ne sont pas seulement leurs alliés kurdes qu’ils trahissent, c’est la notion même d’alliance. Après l’abandon spectaculaire des Kurdes, comment les Alliés de l’Amérique ne pourraient-ils se sentir déstabilisés jusqu’au plus profond d’eux-mêmes (…) La confiance se gagne lentement et se perd très vite, de manière brutale et parfois définitive. » (1) L’auteur de ces propos alarmistes n’a rien d’un contestataire invétéré de l’ordre euro-atlantique : ancien disciple de Raymond Aron, co-fondateur du très classique « Institut français des relations internationales » (IFRI) , européen convaincu, Dominique Moïsi exprime ici une forme de désarroi aujourd’hui très répandue dans l’UE, jusque dans ses milieux dirigeants.
Certes, les interrogations sur la fiabilité du « protecteur » américain de datent pas d’hier. Un malaise se manifestait déjà sous la présidence Obama. Mais il s’agissait alors de tout autre chose : des va-t-en guerre européens reprochaient à Washington de les stopper dans leur élan ! On se souvient de la tempête déclenchée dans les cercles atlantistes par ce qui fut qualifié, en 2013, de grave « reculade » de Barack Obama : la « faute stratégique » imputée au Président américain avait été -face à l’utilisation d’armes chimiques par Bachar al Assad- d’avoir opté, non pour une très dangereuse intervention militaire en Syrie, vivement souhaitée par Paris, mais pour un accord de dernière minute avec la Russie sur la destruction de l’arsenal chimique syrien. « Il nous a lâchés sur la Syrie » lança, amer, Laurent Fabius, qui vit dans cette décision rien moins qu’ « un tournant pour le monde ».
Mais avec le nouveau locataire de la Maison-Blanche, le problème a changé de nature. Il ne s’agit plus d’un cas de faiblesse supposée du « chef du monde libre », mais d’un bouleversement complet des relations entre « partenaires » dans le monde occidental, désormais dominé par un personnage totalement imprévisible, adoptant une posture sinon franchement hostile envers les « Alliés » du vieux continent (n’hésitant pas à qualifier l’UE d' »ennemie »), à tout le moins cyniquement unilatérale et étrangère à toute forme de solidarité. Une situation sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale…et la création de l’OTAN ! Il ne manquait, pour finir de déstabiliser les dirigeants européens vis-à-vis de Washington, qu’une expérience concrète de trahison caractérisée d’alliés dans la lutte contre Daech. C’est désormais chose faite avec l’irresponsable lâchage des combattantes et combattants kurdes de Syrie, par Trump.
Difficilement avouable, le doute stratégique s’installe dans les esprits d’un certain nombre de dirigeants européens sur la pertinence d’une OTAN dans ces conditions. Mais pour quelle alternative ? C’est le moment ou jamais de relancer le débat sur les conditions d’une sécurité collective européenne et internationale, sans allégeance à une quelconque grande puissance et avant tout fondée sur la prévention des conflits, les mesures de confiance et les accords multilatéraux.
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(1) « Les Échos » (14/10/2019)
LA DIPLOMATIE DE MACRON : AUDACE OU ESBROUFE ?
Le G7 « historique » de Biarritz est encore dans toutes les mémoires. Pensez donc : le Président français y a été « autorisé » (dixit Donald Trump) par le Président américain à faire recevoir le Ministre des Affaires étrangères iranien par son homologue français non loin du Sommet, naturellement « sans mandat du G7 » a précisé l’hôte de la Maison-Blanche…L’avenir proche nous dira s’il se sera agi d’une initiative diplomatique créative -c’est à dire conçue pour débloquer une situation avec un minimum de crédibilité- ou d’un « coup » avant tout destiné à glorifier son auteur. La créativité diplomatique est plus que louable ! Dans bien des cas, elle a permis de faire sauter des blocages et d’ouvrir de nouvelles perspectives. On s’en souvient : le grand Zhou Enlai avait eu l’idée géniale, en 1971, de profiter d’une fenêtre d’opportunité pour inviter en Chine l’équipe américaine de tennis de table afin d’ « ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre Américains et Chinois ». Le magazine Time titra : « Le bruit des balles (de ping-pong) a été entendu dans le monde entier ». De fait, trois mois plus tard, Henry Kissinger se rendit à Pékin pour préparer la visite historique du Président Nixon. De son côté, Barack Obama sut saisir l’occasion de la cérémonie en hommage à Nelson Mandela, au stade de Soweto, en 2013, pour aller à la rencontre de Raoul Castro et lui serrer la main . Ce bref échange, fit, lui aussi, le tour du monde et fut le prélude à un début de dégel entre Washington et La Havane. Peut-on espérer pareille attitude de la part de Donald Trump sur l’Iran ? Il est permis d’en douter…L’initiative de Biarritz conduira-t-elle à une réelle détente ou, au contraire, à une nouvelle désillusion du peuple iranien ? Nous verrons bien.
Audace ou esbroufe ? Par-delà le cas iranien, impossible de ne pas se poser la question à l’écoute du long discours -non écrit- d’Emmanuel Macron aux ambassadeurs et ambassadrices de France réunis à Paris au lendemain de ce fameux G7. Incontestablement brillant, visiblement dopé par la « formidable démonstration d’excellence de notre diplomatie » que fut, à ses yeux, « son » Sommet du G7, le Président a abordé d’emblée, avec une apparente franchise, des sujets « a priori » délicats pour un dirigeant libéral, tels que « la fin de l’hégémonie occidentale » ou « la crise de l’économie de marché financiarisée » qui, souligna-t-il, « conduit à des inégalités qui ne sont plus supportables » et « viennent bousculer la légitimité même de cette organisation économique » ( autrement dit, du capitalisme, si les mots ont un sens ) ! Ou encore le constat amer qu’ est « fini le temps où on expliquait aux gens (que) la délocalisation, c’est l’ordre des choses, c’est une bonne chose pour vous (…) Je n’arrive plus à expliquer cette histoire ». Intéressant, non ? Et de conclure sur ce point que « la vocation de la France est (…) de tenter de bâtir un ordre nouveau ». Qui l’eût cru ! Hélas, le soufflé retombe dès que le promoteur de ce nouvel ordre précise que ce « beau projet humaniste » est précisément « au cœur de l’agenda du gouvernement » et de ses « réformes » !
Il y a, en revanche, parmi les « axes prioritaires » de politique internationale annoncés, à côté de projets à combattre résolument , des pistes qui méritent débat -en particulier concernant nos relations avec la Russie, voire la Chine. Nous y reviendrons sous peu.
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