EUROPE-TURQUIE : AMBIGUÏTÉS À TOUS LES ÉTAGES
27 mai 2021 at 8:28 Laisser un commentaire
Nous avons toutes et tous encore en mémoire la déplorable et humiliante prestation du Président du Conseil européen, Charles Michel, à Ankara, fin avril dernier.
Pour expliquer son absence de réaction à l’attitude grossière de l’hôte turc à l’égard de la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, privée de fauteuil, le responsable de l’UE se justifia en des termes révélateurs : « Tout en percevant le caractère regrettable de la situation, nous avons choisi de ne pas l’aggraver par un incident public ». C’est que la mission de l’UE auprès du maître de la Turquie visait -par delà les critiques d’usage- à favoriser une réconciliation qu’avait dûment préparée, lors d’un précédent voyage, la Chancelière allemande, soucieuse d’obtenir du tyran du Bosphore le renouvellement du pacte migratoire entre les deux parties.
La semaine dernière, ce fut au tour de la majorité des députés européens de miner le relativement bon rapport annuel portant sur l’état des relations entre l’UE et la Turquie en y insérant des passages proprement scandaleux. Le rapport qui vient d’être adopté a, globalement, une tonalité nettement critique à l’égard d’Ankara.
En fustigeant tant le « recul de la démocratie à l’intérieur du pays » que les « manœuvres agressives de politique étrangère » de ce pouvoir; en invitant l’UE à « donner la priorité à la dynamique société turque et à ses efforts en faveur de la démocratie »; en mettant en lumière la politique « impitoyable et systématique qui s’applique à toute activité critique comme le militantisme politique pacifique (des) Kurdes et (des) Alévis, (ou) les manifestations organisées par d’anciens travailleurs du secteur public et des militants des droits des femmes et des personnes LGBTI ainsi que des victimes de l’état d’urgence, voire même à des événements qui ont eu lieu avant la tentative de coup d’Etat, tels que les manifestations de Gezi »; en proposant à l’UE et aux Etats membres d’inscrire « le mouvement raciste d’extrême-droite (…)dit Loups gris » sur la liste des organisations terroristes; en condamnant fermement la répression du parti progressiste HDP et la mise en détention de ses élus et de ses dirigeants, notamment Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag; en condamnant « fermement la décision du gouvernement turc de se retirer de la convention d’Istambul » ou en encourageant celui-ci à reconnaître le génocide arménien, etc…, le Parlement européen a, en quelque sorte, sauvé l’honneur de l’UE.
Malheureusement, il a, à son tour, entaché la clarté de ses positions en osant saluer dans la Turquie d’Erdogan « un partenaire essentiel pour la stabilité de la région » -Les Chypriotes et les Grecs apprécieront !- et un « allié » avec lequel « les Etats membres de l’Union continuent de coopérer sur des questions d’importance stratégique dans le cadre de l’OTAN »…
Est-ce en raison de ces liens « stratégiques » qu’en France, l’enquête sur le triple assassinat des trois militantes kurdes se heurte au « secret-défense »? En l’occurrence, ambiguïtés rime avec complicité.
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