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« C’est la dernière chance pour l’Union européenne de se mettre à la hauteur »; « Je voudrais mettre un terme à tout ce qui va mal en Europe ». Quel sage s’exprime-t-il ainsi? Jean-Claude Juncker, le nouveau Président de la Commission de Bruxelles, qui entrera en fonction le 1er Novembre prochain. Dommage que tant l’organigramme de « sa » Commission que ses lettres de mission aux futurs commissaires démentent brutalement ces nobles intentions…
L’organigramme tout d’abord. Il est le plus pyramidal que l’on ait vu depuis que l’UE existe, et le mode de fonctionnement qui en découle est plus présidentiel que jamais. M. Juncker entend être le patron dont tout procède. C’est ainsi qu’il a créé une véritable courroie de transmission au sein de la Commission, sous la forme de sept vice-présidents (dont quatre sont d’anciens Premiers Ministres) chargés de veiller à l’exécution de « ses » priorités. Le premier d’entre eux -actuel chef de la diplomatie des Pays-Bas- sera, a précisé M.Juncker, « ma main droite, mon suppléant, mon adjoint », un peu comme François Fillon, présenté naguère par Nicolas Sarkozy comme son « collaborateur » . Problème : le présidentialisme, on voit suffisamment à quoi cela aboutit en France pour ne pas souhaiter l’étendre à l’Europe !
Le nouvel homme fort de Bruxelles entend manifestement tirer profit d’un triple atout: celui d’être , pour la première fois, « l’émanation du Parlement européen » et non le candidat initial des États membres -contrairement à « ses » commissaires, désignés, eux, par leur gouvernement respectif- ; celui de succéder à un M. Barroso dévalué , que personne ne regrette, et dont toute comparaison avec le nouveau titulaire de la fonction ne peut que tourner à l’avantage de ce dernier ; celui enfin de se savoir protégé par les plus puissants des Chefs d’Etat ou de gouvernement (à la notable exception du conservateur britannique David Cameron) , ainsi que des ministres des finances de l’UE. N’a-t-il pas côtoyé les premiers pendant 18 ans au Conseil européen (dont il fut le doyen) et les seconds à l’Eurogroupe ( qu’il présida depuis sa création jusqu’en 2012) ? Désormais , cet homme du sérail s’appliquera à ne pas décevoir ceux qui l’ont soutenu, sans braquer celui qui l’a contesté. C’est ainsi qu’il faut comprendre le « casting » de « sa » Commission.
À l’Allemand Günther Öttinger le secteur d’avenir incontesté -la numérisation de l’Europe- « avec un minimum de règlementation » précise déjà le Commissaire désigné, qui aura également pour tâche de « briser les barrières nationales en matière de règlementation du droit d’auteur »! Au Français Pierre Moscovici les Affaires Économiques , mais dûment encadré par deux « Vice-Présidents », tous deux ex-Premier Ministres de droite, connus pour leur libéralisme sauvage : le Finlandais Katainen (l’élève-modèle en matière de discipline budgétaire…qui a plongé son pays dans la récession depuis deux ans) et le Letton Dombrovskis ( qui a réduit le déficit de son pays à 1,3% du PIB…en abaissant les retraites de 10%, le SMIC de 20% -à 140€- , le salaire des enseignants de 50%, et en plongeant un tiers de la population dans l’extrême pauvreté -record d’Europe avec la Bulgarie). Au demeurant, même sans ces « parrains », le Commissaire français ne présentait aucun risque pour la priorité « austéritaire » de M. Juncker. Auditionné par les parlementaires européens, il a eu à cœur d’asseoir d’emblée sa « crédibilité » en apportant tous les gages attendus par les plus orthodoxes .C’est ainsi qu’il a souligné que « La Commission ne peut accepter qu’un État membre,déjà sous le coup d’une procédure de déficit excessif, manque à son devoir vis à vis de tous les autres », précisant même , viril et inflexible , que « si un pays ne prend pas les actions effectives requises, alors je le poursuivrai sans faillir ». Quant au Commissaire britannique, il s’est vu confier « the » poste de nature à permettre à Cameron de rassurer la City : les services financiers…Vous êtes en train de tuer dans l’œuf la « dernière chance », M. Juncker !
9 octobre 2014 at 7:02
Le Parlement européen issu des élections du 25 mai vient d’entamer, avec la nouvelle législature 2014-2019, une épreuve de vérité sans précédent : cinq années potentiellement explosives, tant le seuil de tolérance du modèle libéral et autoritaire qu’incarne « Bruxelles » est aujourd’hui dépassé !Tous ou presque en ont conscience. Rares sont ceux qui ne promettent pas, la main sur le cœur, d’en tirer pleinement les leçons. Mais qu’entendent-ils par là ?
Nombreux sont ceux, par exemple, à droite comme à gauche, qui ne sont pas loin de penser que la « victoire » qu’ils viennent de remporter sur les Chefs d’Etat et de gouvernement en optant pour un Président de la Commission européenne « choisi par les électeurs » -Jean-Claude Juncker était le candidat des Chrétiens-Démocrates, qui sont arrivés en tête lors du dernier scrutin- est de nature à satisfaire l’exigence d’une implication effective des citoyens dans l’élaboration des politiques européennes, le contrôle de leur mise en œuvre et l’évaluation de leurs effets ! Il faudra aider ces élus à sortir de leur bulle , sans quoi le réveil promet d’être douloureux!
Le même constat vaut pour l’autre demande pressante de dizaines de millions d’Européennes et d’Européens: le choix d’une nouvelle politique tournant résolument le dos à l’austérité, au profit de nouvelles priorités en matière d’emploi et de dépenses sociales. Dans ce domaine aussi, les « ambitions réformatrices » de bien des parlementaires européens sont loin du compte. C’est le cas d’un certain nombre d’élus du groupe des « Socialistes et Démocrates ».
Les uns comptent sur le « contrat de gouvernement » négocié avec Monsieur Juncker en échange de leur soutien à l’élection du Luxembourgeois au poste laissé vacant par Manuel Barroso. L’ancien Président de l’eurogroupe ne nous a pourtant pas habitués à une rébellion décoiffante envers la Chancelière allemande ou le Président de la Banque centrale européenne…Tout pas en avant sera le bienvenu, et nul ne regrettera son prédécesseur , mais de là à en attendre le « changement »…
Les autres attendent beaucoup de Matteo Renzi, l’entreprenant Président du Conseil Italien, qui a promis de « changer les mentalités » , et que même la puissante Angela Merkel a publiquement appelé « le matador » -c’est dire ! Pourtant, hormis son style ,alerte, et son sens de la communication, indéniable, ses priorités pour la présidence italienne de l’Union européenne (juillet à décembre 2014) ne sont pas particulièrement innovantes : » faire des réformes structurelles le pilier d’un nouvel agenda politique européen » fait plus frémir que sourire…Là aussi, toute mesure positive méritera notre soutien, mais gardons les yeux ouverts !
D’autres encore se satisfont plus modestement de la volonté réaffirmée par François Hollande devant les leaders sociaux-démocrates réunis à Paris, d’agir en faveur de « la croissance » et d’une lecture « plus flexible » du Pacte de stabilité…Hé ho, revenez sur Terre, s’il vous plait ! La maison brûle !
Je leur propose de se soumettre à un petit test pour jauger eux-mêmes leur capacité à se remettre en cause : le 4 juillet 2013, autrement dit il y a tout juste un an, leurs groupes ( Droite comme « socialistes et démocrates ») adoptaient une résolution approuvant « l’ouverture des négociations ( entre l’UE, les États-Unis et une vingtaine d’autres États industrialisés) sur un accord multilatéral sur les services » dont un dirigeant de « l’Internationale des services publics », David Boys, disait l’autre jour qu’ « il menace l’existence même des services publics » (1) Question : quelle est, aujourd’hui, votre position sur ces négociations ( au contenu maintenu strictement secret à l’exception des révélations de Wikileaks ) , et, le cas échéant, quelles actions êtes-vous prêts à engager pour alerter les citoyens sur le danger que représente ce projet et faire barrage à sa réalisation ? La même démarche est applicable aux négociations en cours sur le « Grand Marché Transatlantique », à la directive sur le détachement des travailleurs, comme, vraisemblablement à nombre de propositions de la feuille de route de la prochaine Commission. Les occasions vont être nombreuses d’en débattre au grand jour. Ce ne sera pas un luxe.
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(1) Interview dans l’Humanité (26/6/2014)
3 juillet 2014 at 6:33
La récente défaite du Parti travailliste a une portée politique qui dépasse de loin celle d’un échec électoral. Quelques rappels ne sont pas superflus. Nous sommes en juin 2005, tout l’establishment européen est en émoi après le rejet du traité constitutionnel. L’Europe libérale est sur la sellette. Hasard du calendrier : nous sommes également à la veille du semestre de présidence britannique de l’Union européenne. Tony Blair, fringant et sûr de lui, prend la parole devant l’hémicycle bondé du Parlement européen. D’emblée, il fait la leçon à tout le monde : « Quelle est la signification du “non” ? Cela veut-il dire que les citoyens ont lu le traité et qu’ils ne sont pas d’accord avec tel ou tel article ? » Puis, plaçant les mains sur ses hanches : « Qui peut le croire ? » Non, il nous l’assure, les orientations politiques européennes ne sont pas en cause. Tout n’est qu’une question de « leader-ship ». À l’appui de sa thèse, il nous invite, sans se départir de son perpétuel optimisme, à mesurer les changements remarquables intervenus en Grande-Bretagne sous sa direction.
Notre groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE-NGL) décide aussitôt de se rendre à Londres, à la rencontre des principaux syndicats et d’observateurs progressistes de la « troisième voie ». Nous leur demandons leur propre vision du modèle social « modernisé », vanté par leur premier ministre. Les réactions reflètent une très sérieuse érosion de l’aura initiale du New Labour… Huit ans d’ « ère nouvelle » ont manifestement suffi pour décevoir les plus confiants et conforter les plus sceptiques. Certes, ils ne nient pas les mesures de rattrapage des pires séquelles de 18 ans de règne conservateur, dont 11 ans de thatchérisme pur et dur, comme les augmentations des dépenses de santé et d’éducation, ou les aides aux enfants les plus pauvres. Mais la rupture attendue avec la logique profonde de la politique de la Dame de fer n’est pas venue : inégalités cruelles, retraites de misère, médiocrité (et cherté) des services publics, hyperprécarité, appel aux solutions individuelles, mépris des syndicats… se poursuivent, nous ont-ils laissé entendre. De même que le culte de la privatisation : les fameux « partenariats public-privé » (importés depuis en France) prolifèrent. Cinq ans plus tard, malgré le départ forcé de Tony Blair et son remplacement par Gordon Brown, qui passait alors pour le héraut de l’aile sociale du New Labour, le même modèle a prévalu. Avec les résultats que l’on sait.
On comprend mieux, dès lors, qu’on puisse lire sous la plume d’un Jose Maria Aznar, figure de la droite espagnole, que « Tony Blair est un des rares dirigeants de gauche qui a su comprendre la mondialisation et y apporter une réponse intelligente. « La complicité des deux hommes ne s’est d’ailleurs pas limitée au champ économique et social. On les vit, côte à côte, dans toutes les aventures militaires menées par George W. Bush, de Bagdad à Kaboul. En guise de récompense, l’ex- Premier ministre se vit proposer, en quittant le « 10, Downing Street », de représenter le « Quartet » – ensemble composé des USA, de l’UE, de la Russie et de l’ONU – pour le suivi et la prise d’initiatives communes en Palestine. L’absence notoire, à ce jour, de tout investissement politique digne de ce nom dans cette tâche potentiellement si importante achève à mes yeux de déconsidérer cet ancien prétendant à la rénovation de la gauche et de l’Europe. La défaite du New Labour est d’abord la sienne.
Par association d’idées, la « reconversion » d’autres dirigeants européens de la même période me revient à l’esprit. Madame Ferrero-Waldner dirigeait le secteur des relations extérieures de la Commission européenne. Elle exerce à présent ses talents auprès du réassureur allemand Munich Re. L’ancien puissant vice-président de la Commission, en charge du portefeuille de l’Industrie, M. Günter Verheugen, est passé à la banque britannique BBS. Quant à l’ancien commissaire ultralibéral au Marché intérieur, M. McCreevy, il vient d’être autorisé à rejoindre le conseil d’administration de la compagnie Ryanair, où il a été invité à éviter les conflits d’intérêts…
13 Mai 2010 at 3:17
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