Archive for mars, 2023
FRANCE-AFRIQUE : L’ARROGANCE NE PAIE PLUS
« Arrogant comme un Français en Afrique » : sous ce titre évocateur, un petit livre de l’éminent spécialiste français de l’Afrique, Antoine Glaser, retraçait il y a quelques années les attitudes suffisantes ou condescendantes, sinon grossièrement colonialistes, de « la France dirigeante » (de la sphère politique comme des milieux économiques), persuadée d’avoir « profondément marqué l’Afrique de son empreinte civilisatrice » et décidée à en récolter les dividendes. Aveuglées par leurs certitudes anachroniques, ces « élites » ont entraîné la France de déconvenues en déconvenues et alimenté le fameux « sentiment anti-français » dans l’ex-pré carré de la France en Afrique. À l’inverse, d’autres puissances, non lestées d’un passé colonial -en particulier la Chine et la Russie- , y renforcèrent sensiblement leur influence.
C’est, instruit de ce fiasco stratégique sur un continent qui représentera le quart de l’humanité en 2050, qu’Emmanuel Macron tenta dès son arrivée au pouvoir de se faire passer pour l’homme neuf par excellence puisqu’issu d’ « une génération qui n’a jamais connu l’Afrique comme un continent colonisé ». La suite lui apprendra que le passé ne s’efface pas d’un trait de plume de la mémoire collective africaine, et ce d’autant moins que le fantôme de la « Françafrique » fait des apparitions récurrentes : sur le plan militaire avec le bilan désastreux de l’opération Barkhane au Sahel ; sur le plan monétaire avec le maintien très contesté du Franc CFA, fût-il réformé; sur le plan politique avec le soutien de Paris à des Chefs d’Etat africains autocratiques, sans oublier l’effet-boomerang des discriminations subies par des Africains en France ou des politiques restrictives du gouvernement en matière d’octroi de visas aux Africains…En 2020, un sondage réalisé auprès des jeunes de plusieurs pays indiquait que 71% des Gabonais, 68% des Sénégalais, 60% des Maliens et 58% des Togolais interrogés avaient une mauvaise opinion de la France (1). D’une façon générale, dans l’Afrique mondialisée d’aujourd’hui, la France n’est, de toute façon, plus « chez elle ».
Lors de sa récente visite au pas de charge en Afrique (quatre pays en moins de cinq jours), le Président français avait donc à cœur de réaffirmer qu’ « il n’y a plus de politique africaine de la France »; que « l’Afrique n’est plus un pré carré »; que Paris serait désormais « un interlocuteur neutre » ; que les effectifs français dans les bases militaires allaient être réduits, etc…conformément à sa recommandation solennelle, faite -à lui même ?- la veille de son départ : à savoir que la France devait faire preuve d’une « profonde humilité face à ce qui se joue sur le continent africain » ! Sans doute avait-il à l’esprit les manifestations hostiles à la France, qui se multiplient de Bamako à Ouagadougou, de Bangui à Yaoundé, de N’Djamena à Dakar…, un peu trop vite attribuées aux seules pressions russes. En avant, donc, pour « un nouveau partenariat avec l’Afrique » : voilà pour le changement de posture. On attend à présent le changement de politique.
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(1) Voir « l’Afrique et le sentiment antifrançais » de Fanny Pigeaud, dans « La France, une puissance contrariée » (La Découverte, 2021)
QUI A PEUR DU PLAN DE PAIX DE LA CHINE ?
Joe Biden ne voyant dans le plan de paix de la Chine rien « qui puisse bénéficier à qui que ce soit d’autre que la Russie », ses alliés européens ont fidèlement repris la même antienne : pour M. Stoltenberg, Secrétaire général de l’OTAN, « la Chine n’est pas très crédible », tandis que pour Mme Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, il s’agit d’examiner les positions de Pékin « en tenant compte du fait que la Chine a pris parti » pour Moscou. Quant au Chancelier allemand, Scholz, il a conseillé à ses pairs de « nous faire aucune illusion sur la Chine »…Le porte-parole du Secrétaire général des Nations-Unies a eu beau souligner que le document publié par la Chine constituait une « importante contribution » en insistant notamment sur le fait que « l’appel sur la nécessité d’éviter l’utilisation de l’arme nucléaire (était) particulièrement important », rien n’y fit.
Même la tonalité inattendue de la réaction du Président Zelensky, jugeant « très positif que la Chine envoie certains signaux » et affirmant qu’il était « dans l’intérêt de l’Ukraine d’avoir une réunion avec la Chine » n’ a pas suffi à amener les dirigeants européens à déroger à leur docilité moutonnière à l’égard de Washington.
Au royaume des aveugles, les borgnes étant rois, Emmanuel Macron passerait presque , dans ce contexte affligeant, pour courageux ! Tout cela pour avoir « osé » convenir d’une évidence en soulignant que « le fait que la Chine s’engage dans des efforts de paix est tout à fait bon » et en annonçant un prochain voyage à Pékin pour amorcer « le temps de la reconnexion ». À suivre…
Rappelons quelques points forts de la Déclaration chinoise : « Respecter la souveraineté de tous les pays »; prendre au sérieux « les intérêts et préoccupations sécuritaires des différents pays »; « cesser les hostilités (et ) promouvoir progressivement la désescalade; lancer des pourparlers de paix »; « accroître les aides humanitaires »; « protéger effectivement les civils et les prisonniers de guerre »; « préserver la sécurité des centrales nucléaires »; « s’opposer à la menace ou à l’emploi d’armes nucléaires (comme) à la recherche, au développement et à l’utilisation des armes chimiques et biologiques par quelque pays que ce soit, dans quelques circonstances que ce soit »; « faciliter l’exportation des céréales »…
Beaucoup de ces positions rejoignent celles de l’Ukraine et pourraient s’avérer de précieux points d’appui pour faire pression sur la Russie -à commencer par l’exigence de « respect de la souveraineté » (La Chine n’a d’ailleurs jamais reconnu l’annexion de la Crimée par Moscou). D’autres propositions répondent aux demandes de longue date de la Russie -en particulier la prise en considération de ses enjeux de sécurité, autrement dit l’arrêt de l’extension de l’OTAN. N’est-ce pas le propre d’un règlement politique -et la condition sine qua non d’une paix durable- de chercher à répondre aux intérêts légitimes des différentes parties en conflit ?
Ceux qui attendent comme seule issue la capitulation sans condition de Moscou veulent-ils vraiment la paix ?
A l’inverse, qui veut vraiment arrêter -à temps- l’insupportable massacre devrait se saisir sérieusement de la chance que représenterait une médiation chinoise .




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