Archive for 15 juin 2023

 « DEVOIR DE VIGILANCE »: RETOUR SUR UN COMBAT DE CLASSE !

L’effondrement de l’usine textile Rana Plaza (Bangladesh), qui causa la mort de 1138 travailleuses et travailleurs et 2500 blessés (!) , il y a dix ans, reste dans toutes les mémoires. Cette catastrophe meurtrière, survenue après plusieurs autres désastres de même nature, suscita une indignation d’autant plus vive que les multinationales responsables se défaussaient systématiquement de leur négligence criminelle sur leurs innombrables filiales, leurs fournisseurs ou leurs lointains sous-traitants. C’est dans ce contexte que se multiplièrent des actions militantes visant à mobiliser les opinions publiques en faveur de lois imposant aux grands groupes industriels un « devoir de vigilance » protégeant les droits humains fondamentaux  et garantissant, le cas échéant, l’accès des victimes à la justice, et ce sur toute la chaîne de valeur. La gauche parlementaire française finit par réussir , non sans débats entre ses différentes composantes, à arracher au gouvernement Hollande, tout à la fin de son quinquennat, malgré la farouche opposition du Medef, la fameuse « loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre » de 2017. Critiquée légitimement pour son manque d’ambition (En février dernier, le tribunal de Paris a rejeté la plainte de six ONG contre TotalEnergies en soulignant l’imprécision de la loi), cette législation n’en fut pas moins la première, parmi les pays dits industrialisés (pays membres de l’OCDE), à s’attaquer à l’impunité des multinationales. Elle représentait par là même un utile point d’appui pour pousser plus loin ce type de conquête sociale et environnementale. 

C’est ce qui vient d’intervenir au Parlement européen. Après l’adoption de la loi de 2017 en France, suivie par un processus semblable en Allemagne puis aux Pays-Bas, la Commission s’était enfin résolue à présenter, en février 2022, un projet de directive censé responsabiliser les grandes entreprises européennes sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Sur cette base, les Etats membres ont adopté, en décembre dernier, un texte de compromis au rabais : par exemple -à la demande de la France- l’inclusion du secteur financier dans la loi dépendrait du bon vouloir de chaque pays, et les obligations pour les banques resteraient en tout état de cause extrêmement limitées…En revanche, le Parlement européen vient de sauver l’honneur : malgré un lobbying des grands groupes industriels plus intense que jamais, relayé par une bonne partie de la droite, une large majorité de parlementaires européens vient de se prononcer, le 1er juin dernier, pour un contenu sensiblement plus avancé. Seraient concernées toutes les entreprises -européennes ou non- de plus de 250 salariés, dont le chiffre d’affaires dépasse 40 millions d’euros (150 à l’international). Les victimes de dommages auraient un accès garanti à la justice. Les entreprises en infraction encourraient de lourdes amendes. Les établissements financiers entreraient dans le champ d’application de la directive, etc…À présent commence un bras de fer de plusieurs mois entre les deux co-législateurs européens : le Parlement et le Conseil (les gouvernements). Mieux vaudrait que les citoyennes et citoyens ne restent pas spectateurs de ces méga-négociations !
Car, a l’évidence, nous sommes face à un vrai combat de classe à l’échelle européenne. 

15 juin 2023 at 5:57 Laisser un commentaire


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