Archive for décembre, 2023

LES FRANÇAIS  ET LE PROCHE-ORIENT

Le récent sondage IFOP commandé par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) peut surprendre. Selon cette enquête, 62% des personnes interrogées (en France) considèrent « l’objectif d’Israël d’éliminer le Hamas de Gaza » comme « justifié ». D’autre part, seuls 10% d’entre elles disent éprouver de la sympathie pour l’Autorité palestinienne, qui, pourtant, n’est en rien responsable des « attaques terroristes du 7 octobre ».  Enfin, 68% ne pensent pas qu’ « une solution pacifique du conflit avec la création d’un État palestinien au côté de l’Etat d’Israël (soit) envisageable dans un avenir proche ».  La majorité des Français serait-elle devenue insensible aux souffrances indicibles imposées à la population civile de Gaza par une armée d’occupation ? Tournerait-elle le dos à toutes les institutions palestiniennes, y compris celles reconnues depuis des décennies par toute la communauté internationale ? Ne souhaite-t-elle pas que tout soit fait pour concrétiser la « solution à deux Etats », seule issue au conflit aujourd’hui à nouveau évoquée ?

Pour comprendre l’évolution, apparemment négative, du regard porté sur cet enjeu emblématique par une partie de nos concitoyens , il faut prendre en considération le fait que le Proche-Orient  -et singulièrement le défi de la construction d’un État palestinien digne de ce nom-  a quasiment disparu de l’agenda international depuis au moins 20 ans; mesurer les ravages qu’ont provoqués dans les esprits, depuis une décennie, les vagues d’attentats revendiqués par des organisations islamistes comme Al Qaeda ou Daesh, et enfin évaluer l’ampleur du matraquage politique et médiatique produit dans ce contexte dans le sens d’une vision manichéenne, partiale, et, au final, désespérante du monde. Dans cet environnement, il est, hélas, aisé de deviner l’effet produit, sur notre société comme sur d’autres, par l’effroyable massacre perpétré le 7 octobre sur une masse de personnes innocentes par le Hamas et des gangs s’engouffrant dans la brèche ! Ce qui confirme que, si cette folie du Hamas a, paradoxalement, remis la question du Proche-Orient à l’ordre du jour, elle a, en même temps, grandement desservi la cause palestinienne, car celle-ci a un besoin vital du soutien de l’opinion internationale.

Cela étant, malgré ces handicaps, gageons que si des questions posées par le sondage évoqué  étaient fondées sur des réalités concrètes, susceptibles de parler aux gens, elles généreraient des réponses plus encourageantes. Suggérons-en  trois : 1)  « Le Comité international de la Croix-Rouge qualifie la situation à Gaza d’« enfer sur terre » où « personne n’est épargné, que ce soient les humanitaires comme la population civile ». Faut-il, selon vous, poursuivre cette guerre ou appeler à un cessez-le-feu humanitaire immédiat, comme le demandent 13 Etats sur 15, au Conseil de sécurité de l’ONU ? »  2) Approuvez-vous la poursuite, par le gouvernement israélien, de l’occupation et de la colonisation des territoires palestiniens, et le projet de l’extrême-droite au pouvoir d’expulser la population de Gaza vers le désert du Sinaï, en Egypte, et de pousser une partie de celle de Cisjordanie vers la Jordanie afin de réoccuper toute la Palestine ?  3) Approuvez-vous le principe de la solution à deux Etats -israélien et palestinien- fondés sur le droit international ? En tout état de cause, la meilleure action pour la paix est de re-populariser parmi nos concitoyens les « fondamentaux » du Proche-Orient ! 

14 décembre 2023 at 5:44 1 commentaire

HAMAS, 2006 : CES SIGNAUX QU’ON N’A PAS VOULU VOIR

Le 25 janvier 2006 , tous les Palestiniens de Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est étaient appelés aux urnes pour élire leurs députés. J’étais l’un des quelque 900 observateurs internationaux chargés de s’assurer du bon déroulement du scrutin. J’avais été affecté à Gaza (pas encore sous blocus) . Parmi les observateurs européens, comme parmi les autres délégations croisées -dont celle conduite par l’ex-Président des Etats-Unis, Jimmy  Carter- , tous furent ravis de l’atmosphère sereine et même festive de l’événement avant d’être abasourdis, à l’annonce de la victoire du Hamas à l’échelle de l’ensemble des trois territoires .

Une semaine plus tard, au Parlement européen, le chef de la diplomatie de l’UE, le socialiste espagnol Javier Solana (qui fut…Secrétaire général de l’OTAN pendant les bombardements occidentaux sur Belgrade) tira les leçons du tremblement de terre politique qui venait de secouer les territoires palestiniens. Dans son discours, un fait majeur avait retenu mon attention : à aucun moment, le dirigeant européen ne se posa la question des causes de ce séisme. L’idée que cette radicalisation d’une partie de la population palestinienne, longtemps acquise au « processus de paix », était l’expression d’une désillusion massive, que seule une rupture effective avec la politique d’occupation permettrait d’enrayer, ne l’effleura pas.

 Il se contenta d’adresser aux dirigeants du Hamas appelés à constituer le futur gouvernement palestinien, « s’ils veulent obtenir l’aide de l’Union européenne », trois mises en garde : « abandonner la violence »; adopter une politique « compatible avec (celle) que le Parlement et l’Union européenne maintiennent depuis les accords d’Oslo de 1993 », ce qui passe, en particulier, par « la reconnaissance explicite qu’Israël est une réalité avec laquelle il faut dialoguer et parvenir à un accord »; reconnaître « tous les accords que l’Autorité palestinienne a signés au cours des dernières années ». Il se serait agi là  d’exigences légitimes à l’égard du Hamas si elles avaient été accompagnées, à l’adresse des Palestiniens eux-mêmes, de réponses fortes aux frustrations exprimées par le vote d’une majorité d’entre eux. En particulier l’engagement d’agir fermement pour obtenir d’israël la relance d’un « processus de paix » digne de ce nom, celui d’Oslo de 1993 étant mort avec l’assassinat de Rabin en 1995 ? Il n’en fut rien.

Je lui répondis -et je ne fus pas le seul- que « 10 ans après l’espoir, l’exaspération est à son comble devant la poursuite de l’occupation, le développement des colonies, la construction du mur, les assassinats ciblés, les arrestations, le maintien en détention des prisonniers, les violences quotidiennes, les dégradations des conditions de vie en raison du bouclage des territoires. Quant à  l’Etat palestinien et à Jérusalem, l’Autorité palestinienne passe pour avoir beaucoup accepté et très peu obtenu. Que faire dès lors ? A coup sûr, comme vous l’avez dit, faire pression sur le Hamas. Mais que dites-vous aux autorités israéliennes ? Je n’ai rien entendu à ce propos. Nous devons aussi montrer clairement que, pour nous, il n’y a pas de droit international à géométrie variable(…) Sachons entendre les cris d’alarme qui montent des sociétés au bord du désespoir ! ». C’était il y a 17 ans…

7 décembre 2023 at 5:55 Laisser un commentaire

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