Archive for janvier, 2024

 ISRAEL DEVANT LA CIJ : L’AVIS D’UN AVOCAT ISRAÉLIEN 

 Dans un entretien accordé au site de la Revue « La Brèche », Michael Sfard, éminent avocat israélien, connu pour son engagement dans la défense des droits humains, en particulier en ce qui concerne les territoires occupés, éclaire les enjeux de l’action en justice de l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour Internationale de justice (CIJ). 

Cette Cour, rappelle-t-il, a deux pouvoirs : celui d’émettre des avis consultatifs et celui de statuer sur des litiges entre deux Etats. Nous sommes dans ce second cas, où les verdicts de la Cour sont contraignants et sont, le cas échéant, appliqués par le Conseil de sécurité des Nations unies. Chacun et chacune de ses 15 juges, choisis par l’Assemblée générale de l’ONU, auxquels s’ajoutent un juge de chacun des deux pays concernés, « est censé n’être loyal qu’au droit international et à sa propre conscience ». 

Sur le fond de l’accusation portée contre Israël de violer la « Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide », la réponse de l’avocat est particulièrement émouvante : « Je viens d’une famille de survivants de l’Holocauste, et le fait même (…) que l’accusation ne soit pas sans fondement, me brise le cœur », affirme-t-il, en évoquant les travaux de son grand-père, le sociologue Zygmunt Bauman, qui « a écrit sur le syndrome des victimes qui aspirent à devenir des bourreaux, et sur les raisons pour lesquelles des efforts doivent être faits pour empêcher cela. Je crains -conclut Michael Sfard- que nous n’ayons échoué ». 

Sur quels éléments la patrie de Nelson Mandela fonde-t-elle son accusation ? D’abord, sur le comportement d’Israël dans cette guerre : les attaques aveugles et disproportionnées contre les infrastructures civiles; la famine liée au blocus et aux déplacements forcés; le nombre considérable de victimes et la catastrophe humanitaire -« des statistiques terribles, souligne l’avocat, dont le public israélien est à peine informé, parce que les grands médias ne nous les montrent pas » ! L’autre base de l’accusation est celle de l’intention des autorités israéliennes . A cette fin, les représentants sud-africains ont produit quelque 60 citations de hauts responsables Israéliens -Président, Premier ministre, ministres, députés, généraux…- assimilables à des déclarations génocidaires ou à des incitations à commettre des actes génocidaires, parmi lesquelles l’incroyable sortie du ministre de la Défense, Yoav Gallant : « Nous nous battons contre des animaux humains », déshumanisant les Palestiniens en toute impunité ! 

Par-delà la qualification éventuelle du comportement d’Israël dans cette guerre à Gaza de « génocidaire » -question de fond sur laquelle la CIJ ne statuera pas avant plusieurs années-, le plus urgent réside dans la demande, par l’Afrique du Sud, de « mesures conservatoires » immédiates, sans lesquelles il existe, selon Pretoria, un risque réel de génocide. Au premier rang de ces mesures demandées à la Cour figure celle qu’elle rende « une ordonnance pour mettre fin aux activités militaires d’Israël ». Si cela se produisait -ce qui n’est naturellement pas assuré !- se poserait une nouvelle question : Israël obéirait-il ? Biden userait-il de son veto au Conseil de sécurité ? Les autres pays, dont la France et l’Union européenne, respecteraient-elles les injonctions du droit international ? À coup sûr, ce serait une bataille politique mondiale de haute intensité. À suivre !

25 janvier 2024 at 12:48 Laisser un commentaire

« LE RISQUE FASCISTE AUX ETATS-UNIS »

« Le risque fasciste aux Etats-Unis »,  titrait au début de l’année le grand quotidien suisse, « Le Temps », peu connu pour manier à la légère les formules-choc. C’est que, plus on approche des élections présidentielles américaines ( le 5 novembre prochain ), plus une seconde victoire de Donald Trump devient plausible : dans la première puissance du monde, la maison brûle, et ce n’est pas le moment de détourner le regard  ! Pour mesurer ce que signifierait, pour les Etats-Unis et, partant, pour le monde, une telle éventualité, écoutons ce que nous en disent d’éminentes personnalités progressistes des Etats-Unis, que nous avons croisées dans tous les combats pour la dignité humaine, et qui sont, à nos yeux, l’honneur de l’Amérique. L’une d’entre elles est le très respecté professeur émérite à l’Université de Columbia, à New-York, Mark Kesselman. 

Dans un long article qui vient de paraître (1) , il cite des extraits édifiants d’un discours de Trump de novembre dernier. À eux seuls, ils justifient le titre du « Temps » cité plus haut. S’il est élu, souligne Kesselman, Trump s’est engagé à « extirper les communistes, les marxistes, les fascistes et les voyous de la gauche radicale qui vivent comme de la vermine dans les limites de notre pays, qui mentent, volent et trichent aux élections… »Dans la même veine, le candidat républicain affirme que les immigrés « empoisonnent notre sang américain » et « inondent vos villes de drogues mortelles, vendent vos emplois à la Chine, mutilent vos enfants ». Malgré ces abominations, qui, note Kesselman, ne sont pas loin de rappeler « Mein Kampf », il se trouve, sur nos plateaux de télévision, des hommes politiques ou des journalistes de droite pour demander qu’ « on n’oublie pas les bonnes décisions que Trump a prises » durant son premier mandat ! 

L’exemple récemment cité à ce propos par le directeur de la rédaction du « Figaro Magazine » est la réalisation des « Accords d’Abraham », ces traités signés sous l’égide conjointe de Trump et de Netanyahou pour normaliser les rapports entre Israël et plusieurs pays arabes, en passant par pertes et profits la cause palestinienne. C’est une rupture avec un engagement historique de la Ligue des États arabes de 1967, qui modifie sérieusement l’équilibre diplomatique au Proche-Orient ! Cette lâcheté suprême est souvent citée comme une source majeure de l’exacerbation de la désespérance de nombreux Palestiniens…

Ne vous méprenez pas, met en garde notre ami universitaire américain : « Les immenses dégâts que Trump a déjà causés sembleraient probablement bénins s’il était réélu en 2024, surtout si les Républicains remportent les deux chambres du Congrès, ce qui semble tout à fait possible ». Mais, se consoleront certains, comment un candidat inculpé pour 91 crimes, parmi lesquels la « tentative de subversion de l’élection présidentielle » en 2020; « l’obstruction à la justice »; « la rétention de documents classifiés »; « la corruption de témoin »…pourrait-il être élu ? Hélas si ! À moins d’une improbable condamnation de la Cour suprême (qui penche résolument à droite), « Il pourrait même gouverner depuis une cellule de prison », rectifie Kesselman ! 

Face à ce danger mortel, Joe Biden, faute d’avoir eu la sagesse de préparer sa succession, risque de se révéler un piètre bouclier pour la démocratie américaine. Que le cœur du « monde libre » en soit arrivé là appelle une révision déchirante de bien des idées reçues en Occident ! « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux », écrivit Tocqueville.

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(1) Dans la revue Telos (2/1/2024)

18 janvier 2024 at 5:45 Laisser un commentaire

QUEL TYPE D’EUROPE VOULONS-NOUS CONTRIBUER À CONSTRUIRE ?

Dans cinq mois, les élections européennes, puis, dans les semaines qui suivront, l’élection d’une nouvelle Commission européenne, rebattront les cartes du paysage politique européen. Dans quel sens ? Nous supputons certaines tendances, mais nous n’en savons rien. Une chose, cependant, est, hélas, sûre : l’Union européenne conservera les caractéristiques qui lui attirent de sévères critiques dans une partie des pays membres, quand elles ne nourrissent pas, dans les classes populaires, un sentiment de rejet de l’Europe. C’est le cas de sa politique d’austérité et de restriction des dépenses publiques; de sa sacralisation de la concurrence à tout va, ou encore de sa gestion hyper-centralisée, échappant au contrôle des citoyens et qui impose un modèle unique à des peuples d’une grande diversité, de par leur histoire, leurs spécificités culturelles ou leurs choix politiques. On l’a vu en 2005 : les Français avaient voté pour « l’Europe sociale » et on leur a imposé « l’Europe libérale » (1).

Cette pratique est un poison pour l’Europe, car elle nourrit la colère, la désillusion, et, partant, des tendances au repli « souverainiste ». Or, le « souverainisme » est une impasse à l’heure des interdépendances, face à des défis que nul pays ne peut espérer relever sans un réseau dense de coopérations . De la protection du climat à la maîtrise de la révolution numérique; du développement durable sur toute la planète à l’accueil digne des personnes migrantes; des sécurités humaines à la prévention des conflits : tout appelle la promotion des coopérations équitables entre les nations, au niveau de chaque région comme à l’échelle du monde. On ne peut espérer gagner les Européens à s’engager massivement dans une telle construction collective qu’en agissant pour de sérieuses transformations de l’Union européenne. Lesquelles ?

L’unanimité entre les Européens n’existant pas, ne faut-il pas aller vers une Europe « à géométrie choisie » ? Le seul impératif auquel tous les Etats membres devraient se plier devrait être le respect de quelques principes,  essentiels pour une « communauté de valeurs », tels que le droit international et les droits humains, l’inclusion, l’ altérité, la solidarité, etc…Tout contrevenant à ces principes devrait quitter l’Union. Les politiques courantes (particulièrement économiques et sociales), en revanche, ne seraient plus imposées à tous les Etats, mais respecteraient les choix démocratiquement exprimés par les citoyens de chaque nation. A l’instar de ce qui, de fait, se pratique d’ores et déjà avec l’euro, l’espace Schengen ou la défense européenne, les pays membres continueraient à coopérer  à 27 (ou 30 demain) dans tous les domaines d’intérêt commun, par exemple le climat, mais, sur des politiques où existent, dans certains pays, des désaccords rédhibitoires avec les traités -par exemple les politiques d’austérité – , ces pays pourraient conclure entre eux un partenariat pour s’en exempter, le tout en bonne intelligence. Nous irions ainsi à la construction d’une « Union de nations et de peuples souverains et associés » (2). Une « Union », car il ne serait pas question de sortir de l’UE.  « Des nations », car les caractères propres de chacune d’elle serait prises en considération. De « Peuples », car les citoyens de chaque pays membre seraient les décideurs en dernier ressort. « Souverains », car chaque pays déciderait de la façon dont  il entend « s’associer » aux autres membres de l’Union. Difficile à réaliser ? Oui, mais, de plus en plus, quasiment inévitable.

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(1) Lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen.

(2) Cette formule, tout comme celle de la « géométrie choisie » figurent dans les textes des congrès du PCF depuis une quinzaine d’années.

11 janvier 2024 at 2:03 Laisser un commentaire


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