Archive for février, 2024

RIMA HASSAN : LE DÉBAT, OUI ! LE LYNCHAGE, NON !

Est-il encore possible de débattre sérieusement, à partir de faits établis, et dans le respect mutuel, sur le Proche-Orient, en France ? La question se pose une fois de plus à propos des graves accusations portées sur les réseaux sociaux par un célèbre animateur, fort de son audience, contre la jeune juriste franco-palestinienne Rima Hassan.  Pour qui n’a pas suivi cet épisode déplorable, rappelons que Rima Hassan, à qui on doit notamment la création de l’Observatoire des camps de réfugiés palestiniens, et qui est devenue une figure de la jeunesse palestinienne, avait été classée parmi « les 40 femmes d’exceptions »par le magazine américain Forbes. Cette distinction n’a manifestement pas plu à la vedette de la télévision, qui a accusé la jeune femme de « faire l’apologie du terrorisme du Hamas » -alors même qu’elle a condamné  « les crimes de guerre du Hamas »- et « d’être une antisémite patentée » ! Des propos outrageants sur lesquels l’intéressé devra s’expliquer devant la Justice, Rima Hassan ayant, logiquement, décidé de porter plainte pour diffamation. 

Que lui reproche-t-on dans les faits ? De qualifier d’ « apartheid » le régime en place en Israël à l’égard des Palestiniens ? Faut-il rappeler à ses détracteurs que des responsables israéliens de haut rang eux-mêmes font leur cette analyse. Le dernier en date est l’ancien chef …du Mossad, Tamir Pardo, pour qui « les mécanismes israéliens de contrôle des Palestiniens (…) alors que les colons juifs dans les territoires occupés sont gouvernés par des tribunaux civils, sont à la hauteur de l’ancienne Afrique du Sud » (1). 

Certes, je ne partage pas toutes les positions de Rima Hassan. Par exemple, elle semble davantage miser sur l’hypothèse d’un futur État binational israélo-palestinien que sur « la solution à deux Etats » nécessitant un engagement fort de la communauté internationale. Je comprends la désillusion alimentée par l’abandon, de fait, de la cause palestinienne par les dirigeants occidentaux tout comme par ceux des pays arabes, malgré la radicalisation jusqu’à l’extrême du pouvoir israélien. Je suis néanmoins de ceux qui restent convaincus qu’il n’y a pas d’alternative à la bataille pour l’édification d’un État palestinien sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. De même, la reprise du slogan « De la rivière (le Jourdain) à la mer (Méditerranée) » (souvent assimilé à la non-reconnaissance de l’Etat d’Israël) me semble malheureuse et contre-productive. Certes, Rima Hassan précise la signification qu’elle donne à cette expression, à savoir : « on veut libérer TOUS les Palestiniens; ceux des camps, ceux de Gaza, ceux de Cisjordanie, ceux d’Israël et tous ceux de la diaspora ». Mais le risque d’incompréhension est réel. 

En tout état de cause : comment ne pas comprendre qu’une personne née dans un camp de réfugiés, qui n’a connu de la part des dirigeants israéliens que la politique coloniale, et de la part des dirigeants occidentaux que l’impunité à l’égard des occupants, avant d’assister au « cauchemar de Gaza » (Antonio Guterres) et à des « actes susceptibles de tomber sous le coup de la Convention sur le Génocide » (Cour Internationale de Justice) de la part de hauts responsables israéliens, n’use pas nécessairement, pour exprimer ses sentiments, des mêmes mots que nous, qui, tout solidaires que nous soyons du peuple palestinien, sommes néanmoins loin du front? L’échange respectueux permet aisément de clarifier d’éventuels malentendus ou d’acter, le cas échéant, des différences. Rien de plus méprisable, en revanche, que la chasse aux sorcières fondée sur la mauvaise foi et la volonté de nuire.
Le débat, Oui ! Le lynchage, Non !

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(1) France Culture (7/9/2023)

8 février 2024 at 12:01 Laisser un commentaire

ISRAËL, LA COUR DE JUSTICE ET L’OCCIDENT 

L’ordonnance de la Cour Internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël a manifestement mis bien des observateurs dans l’embarras. Si certains journalistes ou experts ont clairement explicité le sens et la portée de ce verdict sans précédent , plus d’un commentateur s’est, à l’inverse, évertué à minimiser l’événement : « les décisions de la Cour ne sont pas contraignantes », s’est rassuré l’un d’eux sur « France Info »; « cette décision reste purement symbolique », affirma un autre, sur LCI,  supputant à l’avance que, dans la décision de la CIJ,  « personne n’est nommé de manière directe »…Toutes ces assertions péremptoires sont fausses ! 

D’une part, l’article  94 de la Charte des Nations unies dispose que les arrêts de la CIJ sont bel et bien  contraignants. Si donc Israël refuse de les exécuter, tous les États ont le devoir d’agir pour obtenir l’application des mesures demandées par la Cour ! Quant à l’Afrique du Sud, elle peut saisir le Conseil de sécurité, dont chacun des membres devra prendre ses responsabilités devant l’opinion mondiale : celui d’entre eux qui assumerait d’ignorer les demandes expresses du plus haut tribunal de l’ONU perdrait toute crédibilité en matière d’ État de droit, à plus forte raison de référence démocratique vis-à-vis du reste du monde. Dans le contexte international actuel, marqué par une réaction  de plus en plus vive du « Sud global » contre la pratique du « 2 poids-2 mesures » des pays occidentaux, pareille attitude coûterait politiquement cher à Washington, Londres ou Paris.

Par ailleurs, dans les attendus de sa décision, la Cour a bien « appelé l’attention »sur des dirigeants israéliens tels que…le Président Herzog en personne, le ministre de la défense, Gallant, et le ministre des infrastructures, de l’énergie et de l’eau, Katz, soulignant à leur propos qu’ « au moins certains actes  (à Gaza) semblent susceptibles de tomber sous le coup de la convention sur le génocide » ! Ce constat -d’une extrême gravité s’agissant de personnages investis de hautes responsabilités et dont les actes mis en cause sont restés totalement impunis en Israël- a conduit la Cour à ordonner à Israël de prendre « toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation à commettre le génocide ». La décision, « adoptée à 15 voix contre 2 (…) reconnaît la « plausibilité » des allégations de l’Afrique du Sud, selon lesquelles les Palestiniens doivent être protégés contre le génocide », souligne avec courage le quotidien en ligne israélien « The Times of Israël » (26/1/2024).

La meilleure défense étant l’attaque, Netanyahou nargue la Cour en annonçant qu’il continue la guerre, cherche à étendre le conflit à toute la région, traite l’OMS de « complice du Hamas » et cherche à salir l’agence de l’ONU dont les 30 000 employés rendent  des services vitaux (éducation, soins de santé, protection sociale, micro finance…) aux réfugiés palestiniens depuis 75 ans ! 

Dès lors, pour chacun de nos États (France, Europe, Occident), la poursuite de l’impunité à l’égard du pouvoir israélien serait une violation directe  de l’ordonnance de  la justice internationale. Leur devoir est d’obtenir d’Israël « des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire dont les Palestiniens ont un besoin urgent ».  Ce qui, selon tous les humanitaires sur le terrain, passe par un arrêt des combats. 

1 février 2024 at 6:09 Laisser un commentaire

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