LES MIGRANTS, OTAGES DES AMBITIONS POLITIQUES EN EUROPE
12 septembre 2024 at 5:58 Laisser un commentaire
Depuis quelques années se multiplient en Europe les cas de politiciens prêts à promouvoir leurs ambitions politiques en flattant les penchants anti-migrants dans les opinions publiques, quitte à chasser sur les terres de l’extrême-droite.
A cet égard, on attend avec appréhension les mesures « concrètes » annoncées par le nouveau Premier ministre français en matière de « maitrise des flux migratoires ». On se souvient, en effet, des positions affligeantes, clairement empruntées à l’extrême-droite, développées par Michel Barnier lorsqu’il participa, en 2021, aux primaires de LR, dans l’espoir d’être choisi par une base militante ultra-droitière comme candidat aux élections présidentielles ! Quiconque avait connu l’ex-Commissaire européen, affable et plutôt modéré, n’en revenait pas de cette inattendue et nauséabonde surenchère contre les personnes en grande difficulté et à la recherche d’un refuge en France. À présent que son sort à Matignon dépend du bon vouloir des députés lepénistes, l’intéressé risque d’être d’autant plus tenté de faire des migrants les otages de sa survie politique.
Mais il n’y a pas qu’en France -ni hélas qu’au sein de la seule droite- que l’on déplore le recours à cette pratique déshonorante, avec des variantes selon le contexte politique national. Le cas le plus récent est celui de l’ex-dirigeante du parti de la gauche allemande ( « Die Linke »), Sahra Wagenknecht, dont la nouvelle formation (qui porte son nom…) vient de remporter un double succès électoral. Sa stratégie, dite de « gauche conservatrice » (!), mise sur la portée d’un discours à la fois calqué sur celui de la gauche concernant le social et sur celui de l’extrême-droite en matière d’immigration -jusqu’à préconiser, à l’instar des Conservateurs britanniques, l’examen des demandes d’asile hors de l’Union européenne. « Sahra Wagenknecht joue avec le feu », écrivais-je dans ces colonnes dès les débuts de sa dérive, en 2018, lorsqu’elle critiquait l’aide apportée aux réfugiés de la guerre civile syrienne au prétexte que l’Allemagne -qui accumulait alors quelque 250 milliards d’euros d’excédents commerciaux par an- ne disposait pas « de suffisamment de moyens pour ses citoyens les plus démunis » ! Aujourd’hui, on constate que sa campagne a coûté beaucoup de voix à la gauche, sans affaiblir en rien l’extrême-droite…
Ces calculs sont-ils durablement payants pour celles et ceux qui s’y livrent ? Rien n’est moins sûr. En témoigne la sévère déconvenue électorale subie par une « jusqu’au boutiste »en la matière : la Première ministre sociale-démocrate du Danemark, Mette Frederiksen. Ne déclarait-elle pas devant son parlement en janvier 2021 que son objectif était que son pays ne reçoive plus aucun demandeur d’asile ? Comment ? En refoulant systématiquement tout demandeur « vers un pays extérieur à l’Europe »…Las, les dernières élections européennes ont été marquées au Danemark par une lourde défaite du parti social-démocrate et un succès sans précédent du parti du peuple socialiste, authentiquement de gauche. À méditer par les politiciens tentés par le « modèle danois » en matière d’immigration. Il est grand temps de penser le monde à venir avec pour repères non la forteresse mais les communs, non le refoulement mais la solidarité, non les rapports de force mais les coopérations dans l’égalité.
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