Archive for novembre, 2024

ISRAEL NE DOIT PAS PARVENIR À DETRUIRE L’UNRWA !

En adoptant, le 28 octobre dernier, à une écrasante majorité, deux lois prétendant interdir d’ici à trois mois les activités « en territoire souverain » israélien (!) de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), le parlement israélien a commis une infamie sans précédent qu’il faut, coûte que coûte, mettre en échec.

Tout d’abord, rappelons que l’UNRWA n’opère pas en Israël. Si la décision de la Knesset évoque les activités de l’UNRWA « en territoire souverain » israélien, c’est que ses auteurs  considèrent que Gaza et  la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est), font partie intégrante d’Israël ! Cette forme d’annexion implicite est en elle-même scandaleuse et inacceptable. L’obsession de longue date du pouvoir Israélien d’en finir avec l’UNRWA tient précisément au fait que cet organisme -crée au lendemain de la  fondation de l’Etat d’Israël pour venir en aide aux Palestiniens chassés de leur terre, dans l’attente d’une « solution juste et durable » du conflit- rappelle en permanence, par son existence même, le « droit au retour » des réfugiés (résolution 194 de l’ONU) et le statut de puissance occupante de Tel-Aviv, ainsi que le fait que celle-ci se soustrait, en plus, à ses obligations de protection des populations soumises à cette occupation. 

Si cette interdiction est mise en œuvre, elle aura des « conséquences dévastatrices », prévient le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Dr Ghebreyesus, car il s’agira ni plus ni moins que de la destruction d’une « bouée de sauvetage irremplaçable pour le peuple palestinien ». Selon le grand quotidien de Genève, « Le Temps »,  Israël envisagerait de substituer à l’agence onusienne des « convois d’aide encadrés par des mercenaires ». Le journal précise qu’un millionnaire israélo-américain partirait favori pour diriger ce « projet pilote » où « se mêlent organismes privés, anciens barbouzes et technologies de reconnaissance faciale a grande échelle » ! (1)

 Pour une fois, la réprobation de la décision de la Knesset est quasi-générale, y compris de la part de gouvernements européens hier encore  prompts à suspendre leurs financements à l’UNRWA parce que douze de ses employés -sur 30 000 dont 13 000 à Gaza- étaient accusés, sans preuves, par Netanyahu d’avoir pris part à l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023. Ainsi, les lois anti-UNRWA sont-elles  vues comme un « un précédent désastreux »par la Belgique; comme « une décision profondément troublante » par le Danemark; comme « une catastrophe humaine » par la Suède; comme « un précédent très grave » par l’Irlande, la Norvège, la Slovénie et l’Espagne, tandis que la France, la Grande-Bretagne, le Luxembourg, le Portugal et l’Allemagne réaffirment leur soutien à l’agence de l’ONU, jugée indispensable. Mais la simple réprobation de la décision israélienne ne saurait suffire pour venir à bout du projet scélérat en cours, alors  même que la situation à Gaza est apocalyptique, en particulier dans le nord où, alertent, dans un appel désespéré, 15  responsables des grandes agences humanitaires de l’ONU, « l’ensemble de la population est exposée à un risque imminent de mourir de maladie, de famine et de violence » ! Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a, pour sa part, fort pertinemment, évoqué la possibilité de porter l’affaire devant la Cour internationale de justice. Si ces circonstances extrêmes ne conduisent pas les alliés inconditionnels des autorités israéliennes à déroger à la règle de l’impunité, alors quoi et quand ?

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(1) Le Temps (30/10/2024)

8 novembre 2024 at 6:48 Laisser un commentaire

AGIR POUR LA PAIX DANS UN MONDE COMPLEXE ET GLOBALISÉ 

À l’heure où des guerres d’agression d’un autre âge, d’une effroyable cruauté, ébranlent le monde entier, s’ajoutant aux autres insécurités humaines -alimentaire, sanitaire, climatique…-, hélas encore bien plus meurtrières à l’échelle de toute la planète, une réflexion de fond s’impose à nous : comment vaincre cet insupportable sentiment d’impuissance et agir pour une paix véritable dans un monde de plus en plus complexe et globalisé ? Dans son dernier livre, au beau titre de « L’Art de la paix », Bertrand Badie, professeur bien connu de relations internationales, a le mérite de nous donner d’utiles repères en la matière, dans leurs différentes et inséparables dimensions : humaine et sociale;  institutionnelle; diplomatique…En cela, ce livre est, dans le contexte présent, un ouvrage de référence (1). 

Ainsi, puisant dans sa vaste culture historique, l’auteur passe en revue différents types de règlement apparent d’un conflit, dont aucun n’a conduit à une paix digne de ce nom : ni la « paix hégémonique » imposée par la domination du plus fort, ni « l’équilibre de puissance », précaire et menaçant, ni « la transaction » sur la base d’un compromis territorial. « La non guerre n’est pas la paix ». souligne-t-il . « La paix ne peut plus être pensée indépendamment des risques globaux ». Il convient de  « placer le social avant la force » car « le monde est dominé par un gigantesque besoin social que chaque État ne peut plus satisfaire individuellement ». Or, « la souffrance sociale (est) un obstacle à la paix ».

 De la même façon, insiste Badie, « le mépris crée la méfiance » et « l’humiliation est source de périls ». Cela vaut pour les relations internationales : « les nouvelles logiques d’interdépendance (rendent) la sécurité des uns de plus en plus dépendante de la sécurité  des autres ». Rien de pire, à cet égard, que la « tendance irrépressible à se prétendre le centre du monde » ou à « considérer que les cultures sont irrémédiablement différentes et potentiellement hostiles les unes aux autres »…Mais cela vaut également dans notre entourage immédiat : « L’étranger n’est pas l’ennemi » rappelle l’auteur « Le regard individuel porté sur l’Autre est la base même d’une paix ressentie, intériorisée ». Aujourd’hui, « la condition des migrants (installe) un climat de défiance au Sud ». Le sens de la paix suppose l’altérité et la recherche d’une « commune promotion d’une paix globale ». 

Le corollaire indispensable de cette ambition est l’existence d’institutions multilatérales efficaces, qui ne soient pas affaiblies par l’égocentrisme des États, particulièrement les plus puissants d’entre eux, accrochés à leur droit de veto. Un renforcement de l’ONU en matière de prévention des conflits comme de missions autour de l’idée de sécurité humaine est, à cet égard, hautement souhaitable. Dans cet esprit, Badie plaide pour « ouvrir la table à tout un ensemble d’acteurs non étatiques » (ONG, acteurs locaux…) à même de « replacer l’individu au centre des enjeux d’une paix réelle ». 

Enfin, l’expert, s’il en est, en matière de diplomatie, appelle les « vieilles puissances » à « sortir de cet entre-soi qui apparaît au total plus belligène que pacificateur ». Fustigeant d’une façon générale « cette ignorance dangereuse qui consiste à penser que le monde se régule à partir de soi », Bertrand Badie consacre tout un chapitre de son livre à imaginer « des écoles formant à la paix ». Un projet plus pertinent que jamais.

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(1) Bertrand Badie : « L’Art de la paix »(Flammarion, 2024) 21€

1 novembre 2024 at 4:57 1 commentaire

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