Archive for janvier, 2025

TRUMP A-T-IL LES MOYENS DE SES PRÉTENTIONS ?

Force est de le constater : bien mieux élu qu’en 2016 et, cette fois, solidement préparé; bénéficiant de la majorité absolue dans les deux chambres et d’une Cour suprême extrêmement conservatrice; entouré des champions mondiaux de la tech et du numérique; doté par la Constitution américaine de pouvoirs importants et surtout régnant sur la première puissance économique, financière et militaire, Donald Trump est en mesure de faire beaucoup de mal à qui se met en travers de ses projets ultra-nationalistes et impériaux. 

Dans le même temps, chacun de ses atouts doit être relativisé. Ainsi, nombre d’Etats américains  fédérés comme la Californie ou New York ont décidé de coordonner les batailles anti-Trump devant les tribunaux : pas moins de 22 d’entre eux (sur 50) ont contesté en justice le décret présidentiel remettant en cause le droit du sol. Même la Cour suprême, qui est largement acquise au Président, pourra difficilement avaliser des mesures manifestement inconstitutionnelles. De même, sa majorité au Sénat ne lui est pas acquise en toutes circonstances, comme vient de le confirmer le vote d’extrême justesse de la Chambre haute pour la confirmation du candidat du Président au poste stratégique de Chef du Pentagone. Le tandem diabolique Trump-Musk commence lui-même à tanguer, puisque le second a osé critiquer « Stargate », le projet-phare du premier, prévoyant des investissements de 500 milliards de dollars dans un mastodonte de l’intelligence artificielle, qui risque de faire de l’ombre au business de « l’homme le plus riche du monde ». Quant à la puissance américaine, si elle reste encore dominante sur le plan mondial, elle doit de plus en plus compter , non seulement avec la Chine -qui vient encore d’affoler les « élites » américaines en dévoilant un concurrent particulièrement compétitif de ChatGPT malgré l’embargo de Washington sur les puces américaines les plus performantes- , mais, plus généralement avec les BRICS et le « Sud global » dont les perspectives de développement sont précisément au cœur de l’obsession trumpienne du « Make America Great Again ». Enfin, il y aura des réactions de la société américaine contre les égarements du pouvoir.

Dernier élément susceptible de relativiser les moyens du Président américain : les choix stratégiques à venir des Européens ! S’ils décidaient de s’émanciper de la tutelle américaine et -dans un esprit de multilatéralisme et d’intérêt mutuel- d’ouvrir une négociation stratégique avec la Chine, les émergents en général et les pays du Sud, tant sur les enjeux globaux (notamment le climat) que sur les relations économiques,  Trump finirait par comprendre qu’il n’est pas le maître du monde ! Lourde est, à cet égard,  la responsabilité des principaux dirigeants de l’UE ! C’est l’alignement pur et simple sur Washington des uns, derrière Giorgia Meloni, et les capitulations de fait d’un certain nombre d’autres : la Présidente de la Commission suggère d’acheter plus de pétrole et d’armes aux Etats-Unis; la Pologne -qui préside actuellement le Conseil européen- veut en finir avec le Pacte vert européen et demande que chaque pays de l’UE dépense 5% du PIB pour la défense (comme l’exige Trump); la Présidente de la Banque centrale européenne veut que l’effet Trump nous aide à lutter contre la « paresse » et la « bureaucratie » en Europe ! Et on attend toujours une vraie levier de bouclier de l’UE contre les menaces ahurissantes proférées contre 11 millions d’immigrés et la prétention extravagante de refaire des Etats-Unis « une nation (…) qui étend son territoire ». Voilà pourquoi il est si important que s’ouvre un débat citoyen sur ces enjeux de civilisation. 

30 janvier 2025 at 10:06 Laisser un commentaire

GAZA : DU CESSEZ-LE-FEU A LA PAIX, 10 ENJEUX À SUIVRE

À la joie des Gazaouis à l’annonce de la conclusion de l’accord entre Israël et le Hamas sur le cessez-le-feu, le 15 janvier dernier, s’était mêlée de la circonspection, tant cette trêve leur semblait inespérée. Désormais, les armes se sont enfin tues. Mais il y a loin du cessez-le-feu à une paix durable. Rappel sommaire de quelques enjeux cruciaux dont le bon règlement conditionne les avancées vers une paix véritable.

La première phase prévue par l’accord est « a priori » la moins problématique. Prévue pour durer six semaines, elle doit se traduire par le retour à un approvisionnement des Gazaouis en nourriture, en médicaments, en carburant…dix fois plus important que durant la guerre -ce qui en dit long sur le calvaire innommable imposé par l’occupant, durant tous ces mois, à la population civile de ce territoire ! Avec le retrait des troupes israéliennes des « zones densément peuplées », les Gazaouis sont à présent libres de circuler pour rejoindre leur ancien lieu d’habitation. Enfin, à la libération de 33 otages israéliens doit répondre celle, selon la presse israélienne, de 1904 prisonniers palestiniens, dont 737 condamnés à de lourdes peines (1). 

Seulement voilà : comment les populations déplacées vont-elles pouvoir se « réinstaller » en plein hiver dans un territoire où le niveau de destruction est « sans précédent dans l’histoire récente » (ONU) ? Et quid de l’UNRWA, l’agence de l’ONU au service des réfugiés palestiniens, bannie de tous les territoires occupés par une loi scélérate, adoptée en octobre dernier par le Parlement israélien et censée entrer en vigueur ces jours-ci ? Des questions jusqu’ici sans réponse.

Mais ce n’est rien en comparaison des incertitudes liées à la deuxième phase de l’accord. Celle-ci prévoit en principe -outre la libération des derniers otages- le retrait complet des troupes israéliennes et « la fin définitive de la guerre » (Biden). La mise en œuvre rapide et complète ou, à l’opposé, la violation de tout ou partie de ce double engagement israélien constitue un enjeu colossal ! Ces  deux mesures sont, en effet,  diamétralement opposées à l’objectif martelé par Netanyahou depuis des mois :  sa guerre ne s’arrêterait pas « tant que le Hamas ne sera pas éliminé sur le plan militaire et organisationnel » -ce qui est loin d’être le cas, le sort réservé par Israël au peuple de Gaza depuis 15 mois n’ayant pu que pousser à la radicalisation un nombre toujours plus grand de Palestiniens . Dès lors, Netanyahou acceptera-t-il, jusqu’au bout, d’acter l’échec de sa stratégie à Gaza, ou cherchera-t-il des prétextes pour contourner, retarder, voire torpiller l’application de l’accord ?

La troisième phase de l’accord est celle de la « reconstruction » de Gaza ! Une affaire de 15 ans selon l’ONU ! Qui paiera ? Comment vivront les habitants en attendant ? Qu’en est-il de l’ « administration internationale intérimaire » envisagée pour gérer le territoire pendant cette période ? Quel avenir pour l’Autorité palestinienne ? Toutes ces questions de grande portée restent à discuter. Enfin, demeurera l’essentiel : quel chemin vers une solution politique d’ensemble, englobant, outre Gaza, la Cisjordanie -que le pouvoir israélien rêve de ré-annexer dans sa totalité- et Jérusalem Est, pour constituer l’indispensable État palestinien ? On le voit: plus que jamais, la plus large solidarité internationale avec le peuple palestinien est requise .

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(1) i24 NEWS (18/1/2025)

23 janvier 2025 at 7:12 Laisser un commentaire

L’EUROPE FACE À L’OURAGAN TRUMP

Le retour fracassant de Donald Trump au pouvoir sème le désarroi dans l’Union européenne, car les plus lourdes menaces -économiques, politiques, stratégiques- viennent, cette fois-ci, de « nos alliés ».

 L’imposition générale des tarifs douaniers de 10 à 20% sur l’ensemble des produits exportés d’Europe vers le marché américain risque, en effet, de se payer au prix fort, tant sur le plan social qu’en ce qui concerne l’économie, d’autant qu’elle est mal en point. La concurrence -déjà fortement exacerbée par Biden et sa cagnotte de 370 milliards de dollars destinée à attirer les entreprises du monde entier, à commencer par l’Europe- est appelée à se muer en guerre économique. 

Dans le même temps, la situation politique de l’Europe sera durement impactée par l’effet-Trump.  L’ultra-populisme de ce dernier lui vaut le soutien spontané des dirigeants européens les plus réactionnaires sous la conduite de la Cheffe du gouvernement italien, la « post-fasciste » Giulia Meloni, accentuant d’autant les fractures  au sein de l’Europe. De son côté, le futur bras droit, sans foi ni loi, du nouveau Président américain , Elon Musk, met son immense fortune, son réseau social X et son nouveau « statut » au service d’une campagne de promotion inédite des partis d’extrême-droite dans les pays européens. 

Et comme si toutes ces menées déstabilisatrices bien réelles ne suffisaient pas, certains  voient déjà tout l’édifice stratégique des Etats de l’UE menacé par le supposé « lâchage », par Trump, de l’OTAN, voire son ralliement à Poutine. Des Cassandre annonçaient dès le lendemain de la victoire de Trump, outre une paix imposée à l’Ukraine aux conditions « maximalistes » du Kremlin,  « le retrait des troupes américaines déployées en Europe », un manque à gagner de « 288 à 350 milliards de dollars par an » correspondant à l’actuelle « subvention américaine à la sécurité européenne », et même… « une guerre entre la Russie et l’OTAN à un horizon d’environ 5 ans »! (1) Et voilà que s’annoncent depuis Washington de nouveaux périls, hier encore inimaginables, avec les prétentions effarantes de Trump sur le Canada, le Groenland et le canal du Panama, « par la force » si nécessaire ! 

Comment l’Europe va-t-elle réagir face à cet ouragan prêt à déferler sur le monde ? La plupart des Etats membres étant incapables d’une vision du monde autre qu’atlantiste, il y a fort à parier qu’aucune idée neuve ne surgira pour répondre à ces enjeux inédits. Les premières réactions parlent d’elles-mêmes. Concernant les visées impérialistes de Trump, la cheffe de la diplomatie européenne fraîchement nommée, l’Estonnienne Kaja Kallas, au lieu de se montrer solidaire des pays visés, se dit « certaine » que les Etats-Unis respecteront la Charte des Nations unies…À propos de la sécurité européenne, l’actuel Président (durant le premier semestre 2025) du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, table sur la militarisation accélérée de l’Europe (avec des armes américaines) sans aucun projet de Conférence paneuropéenne de sécurité, pourtant indispensable. Quant aux futures relations économiques entre l’Europe et les Etats-Unis,  la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, plutôt que d’envisager d’ouvrir un dialogue avec l’autre grande victime désignée de Trump, la Chine, pour trouver un terrain d’entente, a proposé…de flatter Trump en augmentant les importations européennes de gaz naturel liquéfié américain ! Quo vadis, Europa ? (2)

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(1) Olivier Schmitt, Professeur de science politique au « Center for War Studies » à l’Université-du-Sud, au Danemark ( « Le Grand Continent »-18/11/2024 )

(2) « Europe, où vas-tu ? »

16 janvier 2025 at 7:12 Laisser un commentaire

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