Archive for février, 2025

QUELLE SÉCURITÉ POUR L’EUROPE À L’HEURE DU « NOUVEAU SHÉRIF » ?

Jusqu’ici, les choses étaient (en apparence) simples : la sécurité de l’Europe, c’était l’OTAN. Ou, plus exactement, c’était l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord : « une attaque contre un pays membre est considérée comme une attaque dirigée contre tous ». Bref, si les Russes nous agressaient, les Américains nous sauveraient ! À vrai dire, personne n’a jamais su ce qu’il en aurait été si l’impensable s’était produit. La seule conséquence vérifiée de cette dépendance au gendarme du monde a été le consentement des « alliés » à la limitation de leur souveraineté, depuis leur souveraineté juridique (bridée par les lois extraterritoriales des Etats-Unis) jusqu’à leur souveraineté stratégique (qui a, par exemple, conduit l’Europe occidentale à rejeter en juin 2008 le « traité paneuropéen de sécurité »  que lui proposait la Russie de l’époque, car Washington y voyait un frein à l’extension de l’OTAN vers l’Est). Quoiqu’il en soit, cette garantie de protection, qu’elle ait été réelle ou supposée, vient d’expirer de fait avec l’arrivée d’un « nouveau shérif dans la ville », selon l’élégante métaphore du Vice-Président  américain. 

Dès lors, que faire ? Le moment est venu d’ouvrir un débat de fond sur cet enjeu majeur aux implications fondamentales : quelle sécurité pour l’Europe, non dépendante des aléas de l’agenda géopolitique des dirigeants des Etats-Unis ? Depuis des années, les dirigeants européens parlent de « défense européenne », mais toujours dans le cadre de l’OTAN. Comme l’a encore rappelé Emmanuel Macron au lendemain de l’élection de Donald Trump : « L’OTAN a évidemment un rôle-clé et, au sein de l’OTAN, (…) le pilier européen n’a rien à retrancher à l’Alliance » (1). La conception même de la sécurité européenne -et, dans ce cadre, d’une éventuelle défense authentiquement européenne- est donc à réinventer. 

On pourrait envisager la mise en commun de troupes et d’équipements entre certains pays européens dans deux cas : soit pour aider l’un des pays concernés à défendre son territoire contre un agresseur, soit dans le cadre d’une mission de maintien de la paix des Nations unies. En tout état de cause, la décision de prendre part à une  action relèverait de la souveraineté de chaque Etat concerné, à partir d’une évaluation sérieuse et responsable de la situation. En outre, toute « autonomie stratégique » européenne digne de ce nom supposerait, pour les pays concernés, de se libérer de la tutelle des Etats-Unis en matière d’armements. 

 Mais l’essentiel devrait toujours être une grande politique de prévention des tensions et des conflits. Dès lors, la priorité des priorités devrait être de reconstruire un système de sécurité collective de tout le continent européen, incluant par définition la Russie. Naturellement, la guerre atroce menée par ce pays en Ukraine et, partant, la défiance abyssale qu’inspire Poutine rendent cet objectif quasi-inatteignable à court terme. Il n’en est pas moins vital de s’y atteler au plus vite. On en est, hélas, très loin dans l’UE, où les débats tournent exclusivement autour de  l’explosion des budgets de la défense, quand ce n’est de l’européanisation de « la défense antimissile, (des) tirs d’armes de longue portée, (voire de) l’arme nucléaire » selon Emmanuel Macron, qui, dans ce contexte, envisage ni plus ni moins que  d’augmenter le budget de la défense en France de…90 milliards d’euros PAR AN ! (2) Oui, décidément, un vrai débat de fond s’impose ! Si les États calent ou s’égarent,  c’est le moment de lancer des initiatives citoyennes sur ce sujet. La sécurité est l’affaire de toutes et de tous.

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(1) Discours au Sommet de la « Communauté politique européenne »,  Budapest (7/11/2024) 

(2) France Info (20/2/2025)

27 février 2025 at 4:38 Laisser un commentaire

UKRAINE : PLACE À LA DIPLOMATIE, LA VRAIE !

Ce 24 février, cela fera trois ans qu’a été lancée l’agression russe contre l’Ukraine. Les responsabilités historiques de Vladimir Poutine dans le déclenchement de ce conflit comme dans la conduite, particulièrement cruelle, de la guerre relèvent de crimes ineffaçables. 

Pour leur part, la plupart des dirigeants occidentaux ont, très tôt, fait le choix de rechercher, comme seule issue à cette tragédie, une victoire militaire. Cette voie n’avait pourtant rien de fatal. Ainsi, dès avril 2022, des pourparlers très prometteurs entre Russes et Ukrainiens avaient eu lieu à Istanbul. Un ancien conseiller du Président Zelensky, Oleksiy Arestovitch, révélera par la suite qu’ en rentrant dans son pays après ces discussions « couronnées de succès, 90% des questions litigieuses ayant été résolues, (son) équipe a sabré le champagne pour fêter l’occasion » (1) . Ce fut le moment choisi par le ministre de la Défense américain, représentant l’aile jusqu’au boutiste de l’équipe du Président Biden, pour faire une visite-surprise à Kiev, convaincre les Ukrainiens qu’ « ils peuvent gagner s’ils ont les bons équipements » et engager la livraison des armes lourdes. Si cette option fut approuvée par la plupart des dirigeants européens, elle ne fit, paradoxalement, pas l’unanimité au plus haut niveau du pouvoir à Washington. En témoigna cette déclaration retentissante du Chef d’Etat-major des armées des Etats-Unis, le Général Mark A. Milley : « Il peut y avoir une solution politique, où, politiquement, les Russes se retirent. C’est possible ! » (2). On connaît la suite…Un gâchis humain, matériel et politique incommensurable .

On ne peut donc que se réjouir d’entrevoir enfin des négociations de paix. Malheureusement, ce qu’on en sait à ce stade n’inspire guère confiance. Créer les conditions d’une paix juste et durable passe par le respect d’une série de principes dont ne s’embarrassent ni Trump ni Poutine.

 Le premier d’entre eux est de placer au centre des futures négociations les deux principales parties au conflit, même si, à l’évidence, un face à face exclusif entre Ukrainiens et Russes est inconcevable, tant le rapport des forces est inégal. En plus, il s’agit d’un enjeu mondial. Dès lors, c’est sous l’égide des Nations unies que d’autres acteurs devraient être associés à la recherche d’une solution : l’Union européenne, voisine et alliée de Kiev ; les Etats-Unis, directement impliqués dans le conflit; mais aussi, sous une forme ou une autre, des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud, qui ont l’oreille de Moscou tout en étant des interlocuteurs de Kiev, clairement opposés depuis le début à cette guerre. 

Un autre principe essentiel à respecter est naturellement le droit international, à commencer par l’interdiction de tout recours à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance d’un pays. Aussi, tout compromis territorial éventuel serait problématique et supposerait, en tout état de cause, pour pouvoir être internationalement reconnu, d’être  démocratiquement ratifié par les citoyens concernés.

Enfin, les garanties de sécurité, légitimement réclamées par le peuple ukrainien , gagneraient, pour être durables, à éviter d’être assimilables à une source d’insécurité par le peuple russe. Ce qui suppose d’exclure l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN (ou la présence de l’OTAN en Ukraine…). En fait, c’est d’un accord paneuropéen de sécurité collective, incluant tous les Etats et tous les peuples du continent, que nous avons besoin, mais relever ce défi-là prendra plus de temps. Dans l’immédiat, place à la diplomatie, la vraie ! 

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(1) Interview à « UnHerd » -voir « Courrier international » (27/1/2024)

(2) AFP, 19/11/2022

20 février 2025 at 1:13 Laisser un commentaire

LES DÉCRETS TRUMP : DES PROVOCATIONS-BOOMERANG ?

« Rejeter le fascisme ! », « Défendre la démocratie » : dans toutes les grandes villes des Etats-Unis, des manifestants crient leur opposition absolue à Donald Trump et à son âme damnée, Elon Musk. À la tête de son « Department of Government Efficiency » (DOGE) -ce gouvernement fantôme créé par décret au nom de « l’efficacité gouvernementale »- le multimilliardaire, hors de tout contrôle du Congrès , taille et tranche tous azimuts au mépris des conséquences de ses colossales coupes  budgétaires, de ses suppressions de postes massives comme de ses violations de données privées. 

À ce jour, certes, le mouvement « Build the resistance » reste très minoritaire, tant est encore forte la sidération, sinon la peur, dans le camp des adversaires du pouvoir en place. Dans le même temps, des réactions inattendues se font jour comme les critiques de la politique migratoire de Trump par la Conférence des évêques catholiques américains, pourtant peu connue pour son progressisme. On peut  imaginer que les outrances phénoménales du criminel de la Maison Blanche -« le mal incarné » (Robert De Niro)- et l’extrême brutalité des mesures de son acolyte au salut nazi vont peu à peu susciter des ripostes de plus en plus larges dans la société américaine. 

En revanche, sur le plan international, c’est d’ores et déjà que se multiplient les prémices d’un effet-boomerang de la stratégie révoltante et totalement irresponsable de Trump. Qu’on en juge. Les principaux dirigeants du monde arabe -dont le dévouement à la cause palestinienne n’est pourtant pas l’obsession première- sont unanimes à rejeter la prétention ubuesque du Président américain concernant la Palestine en général et les Gazaouis en particulier -véritable incitation à commettre un crime contre l’humanité ! Tout alliés stratégiques de Washington que soient ces pays, à commencer par l’Arabie saoudite, leur peuple n’accepterait pas une telle soumission au pire parrain de Netanyahu : Trump n’obtiendra pas le ralliement, naguère quasiment acquis, de Riyad aux Accords d’Abraham ! Au Canada, menacé de sanctions économiques, voire d’annexion, un boycott des produits américains se met en place. Même dans la très atlantiste Union européenne, mis à part chez les alliés directs de Trump, comme l’Italienne Meloni ou le Hongrois Orban, le désarroi s’amplifie au fil des provocations américaines, jusqu’à la trèsopportuniste Présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, qui, face à une opinion publique de plus en plus scandalisée, se sent contrainte d’élever le ton en promettant de « répondre avec fermeté » à Washington en cas de surtaxe des exportations européennes. Quant à la  la cheffe du gouvernement du Danemark, soutenue par ses trois homologues scandinaves, tous pourtant membres zélés de l’OTAN, elle est vent debout contre Trump et sa prétention colonisatrice sur la région autonome du Groenland, allant même jusqu’à renforcer ses installations militaires dans l’Arctique et en Atlantique Nord !

Plus généralement, Trump est en train de miner le « soft power » américain  -qui joue un si grand rôle dans le rayonnement des Etats-Unis dans le monde- en piétinant les Accords de Paris sur le climat, en quittant l’Organisation mondiale de la santé, en sanctionnant la Cour pénale internationale …et en gelant 64,7 milliards de dollars d’aide internationale à 158 pays, entraînant des effets dévastateurs pour les populations les plus fragiles, en Afrique, en Haïti, en Afghanistan ou en Ukraine ! Les réactions à ce crime sont à la mesure du cynisme de son auteur, dont les 3 critères de l’aide seront dorénavant, selon Musk, qu’elle rende « l’Amérique plus sûre, plus forte et plus prospère » ! Trump, « Ton bras est invaincu, mais non pas invincible » ! (1)

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(1) Pierre Corneille : le Cid II, 2

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13 février 2025 at 11:45 Laisser un commentaire

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