Archive for mars, 2025

EUROPE : UNE DIPLOMATIE PARTIALE ET INOPÉRANTE 

« Le monde libre a besoin d’un nouveau leader. C’est à nous, Européens, de relever le défi » s’exclama Kaja Kallas, la nouvelle Cheffe de la diplomatie européenne, au lendemain de l’altercation spectaculaire opposant Donald Trump à Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche. Le vrai défi à relever, en l’occurrence, serait plutôt de doter l’Union européenne d’une diplomatie digne de ce nom. Celle-ci est en train d’illustrer jusqu’à la caricature son caractère partial, et, qui plus est, inopérant. 

Alors que, dans toutes les régions du monde,  s’expriment l’indignation et les plus fermes  condamnations de la rupture unilatérale du cessez-le-feu par Israël à Gaza, du bilan humain effroyable de sa nouvelle agression et des menaces directes d’annexion de parties de l’enclave palestinienne, l’Union européenne s’est, une fois de plus déshonorée en se contentant de « déplorer » la rupture de la trêve et d’appeler Israël « à la retenue » ainsi que « toutes les parties » au respect de leurs obligations ! Sans l’ombre d’une sanction ! 

En plus de son insupportable partialité au Proche-Orient, la diplomatie européenne -fût-elle élargie à d’autres Etats que ceux de l’UE- apparaît d’une inefficience troublante en ce qui concerne la recherche d’une issue au terrifiant conflit russo-ukrainien. Ainsi, à quoi a abouti, à  ce jour, l’impressionnante succession de sommets de Chefs d’Etat ou de gouvernement (avec le concours du Secrétaire général de l’OTAN) qui marque depuis peu, comme jamais auparavant,  l’agenda européen ? 

Qu’on en juge : 17 février, Emmanuel Macron réunit un Sommet informel de 7 pays dont la Grande-Bretagne. Rebelote deux jours après, avec 11 autres pays. Le 2 mars, c’est au tour du britannique Keir Starmer d’inviter 15 pays européens (dont la Turquie et la Norvège) à Londres afin de constituer une « coalition de bonnes volontés ». Le 11 mars, Macron s’entoure de 37 Chefs d’Etat-major d’armée européens, mais aussi canadien et australien, tandis que, quatre jours plus tard, Starner réunit depuis Londres un Sommet virtuel de 25 pays. Enfin, le Président français invite à son tour à Paris, ce 27 mars, la « coalition des volontaires » constituée à Londres ! Pour quel bilan jusqu’ici et quelle perspective prochaine ? Emmanuel Macron nous en donne une idée : « On a fait un gros travail avec les Britanniques sur les conditions d’encadrement du cessez-le-feu, et donc, là, je pense que ça va être l’occasion d’en discuter et de le préciser »…

En attendant, les seules annonces qui émergent de ce chapelet de rencontres de haut niveau ont peu à voir avec l’élaboration  annoncée d’un « plan pour faire cesser les combats en Ukraine » ou de garanties pour une paix durable. Elles tiennent plutôt d’une croisade pour la militarisation de l’Union européenne, élargie à ses alliés de circonstance. Et, dans ce contexte, le Président français, manifestement fier d’être à la tête du « seul pays doté » (de l’arme nucléaire) parmi les « 27 », a estimé être dans son rôle en prenant l’initiative. Lui qui brûle depuis longtemps d’étendre son « parapluie nucléaire » à ses partenaires européens, entend saisir l’occasion historique qui se présente -« aujourd’hui », où les missiles russes déployés en Biélorussie « nous exposent »(1)- pour se hisser à l’avant-garde de la « protection » des Européens, tout en rendant « la France plus forte » ! (2) Dès lors, « l’autre » puissance nucléaire d’Europe occidentale, le Royaume-Uni, qui estime, en plus, pouvoir encore tirer quelque profit de son (ex)-« relation spéciale » avec Washington, se devait de disputer à son collègue français le prestigieux  leadership ! 

Ce chemin n’est décidément pas le nôtre : si tu veux la paix, prépare la paix !

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(1) « Ouest-France », 1/3/2025

(2) « Le Parisien », 1/3/2025

27 mars 2025 at 6:53 Laisser un commentaire

LA SÉCURITÉ EUROPÉENNE PASSE PAR UN ACCORD D’ « HELSINKI 2 »

Dans son excellent ouvrage, « L’Art de la paix », Bertrand Badie rappelle que « Mandela affirmait qu’on ne peut pas faire la paix autrement qu’en travaillant avec son ennemi et en en faisant même un associé ». Et le spécialiste des relations internationales de préciser pour éviter tout malentendu : « Ce mode de gestion pacifique des séparations (…) n’engage ni à l’affection ni à l’approbation ni à la trahison de ses propres valeurs (…) Tel est l’un des socles les plus fermes de la diplomatie » (1). Comment rapporter cette leçon fondamentale de l’histoire des conflits à la tragédie russo-ukrainienne ? Il ne s’agit pas de diluer l’écrasante responsabilité du pouvoir russe ni d’entériner ses annexions de territoires ukrainiens par la force. Le but est, en revanche -par delà la recherche immédiate d’un cessez-le-feu- de tout faire pour dépasser le stade paroxystique de l’affrontement pour tenter d’établir avec l’ennemi les conditions d’une paix durable. S’imprégner du réalisme, du sang froid, du sens du compromis et de l’intelligence politique nécessaires pour réussir cette prouesse est plus facile à préconiser qu’à réaliser, surtout pour le peuple agressé, mais la sécurité réciproque est à ce prix. 

On objectera que tant l’Ukraine que l’Europe occidentale avaient essayé cette méthode après les combats meurtriers de 2014-2015, avec le « protocole de Minsk 2 », sans éviter l’agression russe de 2022. De fait, le compromis alors officiellement envisagé -le respect de la souveraineté ukrainienne, mais avec une large autonomie de la partie russophone du pays-  était équilibré et intelligent. Il aurait dû éviter la guerre. Malheureusement, cet accord ne fut appliqué ni par Moscou ni par Kiev, ni traité de façon responsable par ses deux « parrains » européens (Angela Merkel et François Hollande, qui reconnaîtront qu’ils n’avaient signé ce texte que pour faire gagner du temps à l’armée ukrainienne pour se réarmer !) La leçon à tirer de ce lamentable gâchis est qu’une paix durable n’est possible que s’il existe un minimum de confiance réciproque. Or celle-ci est aujourd’hui au niveau zéro entre les deux parties du continent européen. Comment espérer sortir à terme de cette dangereuse impasse ? 

Certainement pas en se lançant dans une nouvelle course folle aux armements ni en hystérisant le débat public à la manière de la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour qui il « est maintenant de la plus haute importance que nous nous préparions au pire » ! (2) Qu’attendre à cet égard du versatile  Emmanuel Macron -qui, après avoir, un temps, osé maintenir un canal de dialogue ouvert avec Moscou en soulignant que « Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie », s’est mué en porte-drapeau de la mobilisation générale contre « la menace russe » ? Et que dire du très ambitieux Premier Ministre de la Pologne ?  Il veut une armée deux fois plus nombreuse que la France et vient d’annoncer vouloir doter son pays de son propre arsenal nucléaire ! Et voilà qu’il se tourne vers les 5 pays nordiques et les 3 pays baltes, tous membres fanatiques de l’OTAN, « pour faire bloc contre la Russie » (3). L’Europe « a abdiqué tout rôle diplomatique » souligne un ancien ambassadeur de France en Russie (4), laissant l’initiative à l’imprévisible et fantasque Donald Trump . La voilà réduite à quémander un strapontin lors de potentiels pourparlers élargis.  Il est grand temps de réagir : pour créer, le moment venu, les conditions de l’ouverture de négociations entre « notre » Europe et « l’autre » grand voisin du continent européen -d’autant plus qu’il est aujourd’hui notre ennemi- sur un traité de sécurité collective, une sorte d’ « HELSINKI 2 »,  indispensable à l’instauration d’une paix durable, le Président des États-Unis ne nous sera d’aucun secours, pas plus que les va-t-en-guerre compulsifs européens. 

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(1) Bertrand Badie,  « L’Art de la paix », Flammarion, 2025

(2) La Tribune (2/3/2025)

(3) « Le Monde » (28/11/2024)

(4) Jean de Gliniasty, L’Humanité, 11/3/2025

20 mars 2025 at 12:10 1 commentaire

 FACE À TRUMP, L’EUROPE PEUT-ELLE SURMONTER SES DIVISIONS ? 

  (L’HUMANITÉ, 11/3/2025)

 Il arrive que, face à des enjeux quasi-existentiels, les États membres de l’Union européenne resserrent les rangs. Ainsi, le « Brexit » s’avéra représenter en définitive un puissant facteur de cohésion de l’UE jusqu’à ce que le danger redouté -le détricotage progressif de l’UE- fût conjuré. Le retour de Donald Trump au pouvoir et sa cascade de premières provocations annoncent-ils une réaction du même type ? Rien n’est moins sûr : il y a loin des postures aux actes concrets.

D’abord, parce qu’existaient au sein même de l’Union, dès avant l’élection de l’actuel Président des Etats-Unis, des gouvernements d’inspiration « trumpiste » à bien des égards -nationalisme, conservatisme, hostilité extrême aux migrants, proximité de la Russie de Vladimir Poutine…-, dont le ralliement explicite au nouveau locataire de la Maison Blanche était prévisible et s’est confirmé. C’est notamment le cas de l’équipe de Viktor Orban, en Hongrie, rejoint par celle de Robert Fico, en Slovaquie. Bien plus grave pour la cohésion future de l’UE est le cas de la « post-fasciste » Meloni. La Présidente du Conseil de l’un des six pays fondateurs de l’UE ne cache ni sa proximité idéologique et ses liens anciens avec la droite la plus réactionnaire des Etats-Unis ni sa complicité avec Elon Musk. Elle s’est auto-désignée médiatrice entre l’UE et Trump. Déjà, certains la soupçonnent de favoriser ses intérêts propres ou ceux de ses alliés au détriment de ceux de l’Europe. Ce clivage est probablement appelé à se creuser dans la période à venir. 

Par ailleurs, la guerre commerciale lancée par Trump touche, certes, tous les pays européens, mais inégalement. Pour les uns, c’est un gros inconvénient, pour les autres une catastrophe. En outre, si les uns sont favorables à une riposte ferme, d’autres préconisent la recherche d’un « deal » avec le puissant partenaire. Concernant la défense de l’Europe, la fin de la garantie de la protection de l’OTAN (en fait, des Etats-Unis) suscite, elle aussi, des réactions disparates. Si le Chef du gouvernement polonais est fier d’avoir porté ses dépenses militaires au niveau exigé par Trump (5% du PIB) et si la France vise entre 3 et 5%,  des pays comme  l’Autriche, l’Irlande ou Malte, voire l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg ou la Slovénie et d’autres…sont très loin de les suivre. Le cas de l’Allemagne est singulier : hier pays le plus proche de Washington, elle est aujourd’hui au centre des attaques du nouveau pouvoir américain. De quoi déstabiliser ses « élites » et expliquer, par exemple, le ralliement du futur Chancelier, Friedrich Merz, à l’idée iconoclaste et fort  périlleuse d’un parapluie nucléaire franco-britannique de l’Europe -une option loin de faire l’unanimité dans l’UE ! Le simple fait de faire son deuil de la tutelle militaire des Etats-Unis n’est pas acquis par nombre de gouvernements qui ne voient tout simplement pas d’alternative crédible à l’OTAN. 

On risque donc d’assister à un double mouvement au sein des « 27 » : une large convergence dans le désarroi, propice à un rapprochement dans la recherche d’une issue ; mais, dans le même temps, la ré-émergence des divergences de vision politique et d’intérêts matériels face aux solutions envisagées. 

17 mars 2025 at 7:00 Laisser un commentaire

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