Archive for avril, 2025
NUCLÉAIRE IRANIEN : LA DIPLOMATIE OU LA GUERRE ?
Samedi prochain, 26 avril, auront lieu des pourparlers cruciaux entre les Etats-Unis et l’Iran, sous la médiation du Sultanat d’Oman, pour tenter de trouver un accord mutuellement acceptable sur le programme nucléaire de Téhéran. Il s’agira, en l’espace de trois semaines, de la troisième rencontre entre les deux pays, qui n’ont plus de relations diplomatiques depuis 46 ans. En ce sens, ces négociations méritent attention. En outre, le fait que Washington ait évoqué jusqu’ici des discussions « très positives » et Téhéran une « atmosphère constructive et de respect mutuel » nourrit l’espoir que l’on puisse enfin revenir à la seule voie responsable susceptible de parvenir à éviter que l’Iran n’acquière des armes nucléaires.
Rappelons, en effet, qu’il y a dix ans, un accord historique avait pu être conclu avec Téhéran après des années d’efforts d’une large coalition d’Etats comprenant -excusez du peu- les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (Etats-Unis, Chine, Russie, Grande-Bretagne et France), auxquels s’étaient joints l’Allemagne ainsi que l’Union européenne comme telle ! Cet emblématique « Accord de Vienne » de 2015 permettait le contrôle du programme nucléaire iranien par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et prévoyait, en retour, la levée progressive des sanctions économiques internationales qui frappaient durement l’Iran. Le monde entier salua cette performance diplomatique… jusqu’à l’élection d’un certain Donald Trump, en 2016. Celui-ci torpilla cet accord en en retirant la signature de son pays et rétablit unilatéralement de très lourdes sanctions contre Téhéran. Le résultat de cette violation imbécile du droit international fut, comme attendu, la reprise par l’Iran de l’enrichissement d’uranium au-delà des limites autorisées. Au point que, selon le directeur général de l’AIEA, le pays n’est, aujourd’hui, « pas loin » de disposer de la bombe atomique.
Dés lors, que faire ? Pour Netanyahu , enhardi par le sérieux affaiblissement de l’Iran, privé de ses principaux alliés -notamment le Hezbollah, très diminué- , l’heure est plus que jamais au bombardement des sites iraniens concernés, fussent-ils profondément enterrés et protégés, et donc atteignables que par des bombes très lourdes, quitte à provoquer l’embrasement général du Moyen-Orient. Devant la difficulté de l’aventure et les risques de représailles, le criminel de guerre en chef israélien fit, au début du mois d’avril, le voyage de Washington pour s’assurer du concours de la Maison Blanche. En vain, à ce stade, les conseillers de Trump étant conscients du prix à payer en cas d’implication directe de l’armée américaine dans ce bourbier. En outre, l’Arabie saoudite -dont Trump entend se faire le second grand allié de la région (à côté d’Israël)- , a renoué avec l’Iran (sous l’égide de la Chine) en 2023 et voit d’un très mauvais œil pour son propre développement le spectre d’une nouvelle guerre dévastatrice. D’où, jusqu’ici, le choix d’une nouvelle tentative de solution diplomatique du problème du nucléaire iranien.
Aussi assiste-t-on, ces derniers jours, à un « ballet diplomatique tous azimuts » (« L’Orient-Le-Jour »), impliquant -séparément- les Etats-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite, la France, l’Italie et, naturellement, l’Iran, au plus haut niveau. Du côté de l’Iran, un accord est visiblement souhaité, à la condition que l’enrichissement d’uranium dans les limites correspondant à une industrie nucléaire civile ne soit pas prohibé – ce que l’émissaire de Trump avait accepté…avant de se raviser ! Manifestement, les pressions de Netanyahu sur la Maison Blanche ne sont pas sans effet. Espérons que la sagesse prévaudra ! L’alternative est dramatiquement simple : la diplomatie ou la guerre !
LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT DE PALESTINE
Ainsi donc, la France s’apprête-t-elle à reconnaître l’Etat de Palestine. La « patrie des droits de l’homme » sera le 149 ème État du monde (sur 193) à prendre cette décision, 37 ans après la proclamation de la « Déclaration d’indépendance de l’Etat de Palestine » par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), alors présidée par Yasser Arafat, à Alger (15 novembre 1988). On ne peut que regretter l’attentisme et le perpétuel renvoi à un hypothétique « bon moment » manifesté à cet égard par nos dirigeants successifs. Pour autant, plutôt que de s’appesantir sur les regrets, il est plus productif d’examiner les dynamiques positives pouvant découler de cette initiative diplomatique, « a priori » bienvenue.
Le premier enjeu à prendre en considération me semble être l’appropriation de la signification politique de cet acte solennel par les citoyennes et les citoyens français comme par l’opinion publique internationale. En faisant ce choix, la France réaffirme officiellement qu’il existe, en droit international, une autorité politique palestinienne -« l’Autorité palestinienne »-; un territoire palestinien -la Cisjordanie, Jérusalem Est et la bande de Gaza-; enfin, une population sur ce territoire : le peuple palestinien. Cela paraît banal, sauf qu’il s’agit précisément de réalités essentielles battues en brèche par l’occupant israélien, qui prétend depuis des lustres qu’il « n’a pas d’interlocuteur avec qui négocier », qui a annexé Jérusalem, colonise la Cisjordanie et prétend expulser les Gazaouis de leur territoire anéanti et les déporter hors de Palestine ! Décider, pour la France, d’entrer officiellement en relation avec l’État de Palestine doit donc comporter l’engagement d’expliciter en toute clarté, nationalement et internationalement, la portée politique de sa prise de position. Et, à plus forte raison, faut-il cesser de traiter en quasi-délinquants celles et ceux qui se mobilisent pacifiquement pour le respect des droits fondamentaux des Palestiniens.
Un autre enjeu, qui découle de ce qui précède, est l’action que va entreprendre la France pour contribuer à passer du slogan de « la solution à deux États » à sa concrétisation. Cela passe par le refus de l’insoutenable impunité dont bénéficie sans discontinuité le pouvoir israélien, fût-il dirigé par un criminel de guerre frappé d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale . À cet égard, on est en droit d’attendre de Paris, dans ce nouveau contexte, qu’il use de son influence au sein de l’Union européenne, pour que celle-ci opère un véritable tournant dans ses relations avec Tel-Aviv, en suspendant jusqu’à nouvel ordre l’ « accord d’association » ultra-privilégié dont Israël est le seul pays au monde à bénéficier.
Enfin, si le but à atteindre est bien d’arriver à une situation où les deux États, souverains, vivant côte à côte et en sécurité, soient mutuellement reconnus par tous les États de la région, la condition de cette normalisation diplomatique est la conclusion d’un accord de paix entre Israël et l’Etat palestinien. Nous en sommes loin ! Que signifient, dès lors, ces propos sibyllins d’Emmanuel Macron, accolant à son initiative de juin prochain avec l’Arabie saoudite le projet de « finaliser le mouvement de reconnaissance réciproque par plusieurs pays » ? Cela ressemble furieusement aux « Accords d’Abraham » lancés par Donald Trump 1…pour priver les Palestiniens de leur dernier atout : sans État palestinien, pas de porte ouverte pour Israël sur toute la région ! Troquer la reconnaissance de l’Etat de Palestine contre la relance du plan Trump auprès des dirigeants arabes constituerait un sommet d’hypocrisie ! Espérons qu’il n’en sera rien.
L’EUROPE FACE AU DÉFI EXISTENTIEL DU FLÉAU TRUMP
On s’en doute : la guerre des « tariffs »lancée par Donald Trump risque de faire mal. Les calculs délirants des mauvais génies de la Maison Blanche sont autant de menaces sur l’emploi, le pouvoir d’achat, la viabilité d’un certain nombre de filières, tant agricoles qu’industrielles, et l’économie mondiale en général. Cependant, l’unilatéralisme forcené du Président américain génère de sérieuses contradictions, susceptibles de se retourner contre son auteur. Ainsi de l’effet-boomerang de la politique de Trump dite de « droits de douane réciproques » -les premiers touchés sont ses propres concitoyens- ou bien le fait que son offensive extravagante et pernicieuse vise quasiment tous les pays du monde, riches ou pauvres, en paix ou en guerre, alliés ou concurrents !
L’Union européenne serait bien inspirée en tirant de cet embrouillamini une double conclusion. Séance tenante, elle devrait entamer un dialogue approfondi et des coopérations actives avec toutes les forces de résistance au trumpisme, aux Etats-Unis même : États fédérés hostiles au pouvoir; partisans de Bernie Sanders et des interlocuteurs démocrates prêts à s’engager; dirigeants syndicaux refusant de céder à la démagogie populiste du milliardaire de Mar-a-Lago; scientifiques en lutte pour l’indépendance de la recherche; acteurs culturels piétinés par la dictature du fric; défenseurs du climat ou simples patriotes effarés par l’abaissement que ce régime déshonorant fait subir à leur pays…Et, dans le même temps, l’Europe devrait briser l’étroit carcan occidentaliste dans lequel elle n’a que trop tendance à s’enfermer, et s’ouvrir résolument au monde réel du 21ème siècle, et notamment ce qu’on appelle le « Sud global » ou le groupe de pays, d’une diversité croissante, qui coordonnent leurs objectifs communs au sein des « BRICS + ».
Cette double ouverture constitue, à mes yeux, une composante majeure d’une « autonomie stratégique » constructive et pacifique de l’Europe, « autonomie » ne signifiant pas isolement et « stratégique » ne s’identifiant pas au seul domaine militaire. Poussée par les circonstances -le basculement des relations transatlantiques- l’Union européenne (UE) ferait ainsi d’un mal un bien, en se libérant progressivement d’une relation étroite de dominant à dominés, et, désormais sans foi ni loi, pour avancer vers des partenariats d’égal à égal, dans le respect des principes et des règles du multilatéralisme.
Dans cet esprit, il serait, en outre, logique, pour l’UE, d’avoir, à l’égard des Etats-Unis de Trump, recours, pour la première fois, à son « instrument anti-coercition » conçu, précisément, « pour lutter contre les menaces économiques et les restrictions commerciales injustes imposées par des pays tiers » ! Toute une palette de mesures est envisageable dans ce cadre, comme la limitation de l’accès aux marchés publics européens , qui représentent plus de 2000 milliards d’euros par an ! En outre, afin de financer l’indispensable développement décarbonné de notre économie et des services publics, c’est le moment de mettre à profit la capacité de la Banque centrale européenne de créer de la monnaie, non pour financer des dépenses d’armement comme il en est question (pour un montant de 1000 milliards d’euros !), mais pour produire des richesses socialement, économiquement et écologiquement utiles.
Les transformations de l’Europe, c’est maintenant !




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