Archive for 30 octobre 2025
NE LAISSONS PAS INVISIBILISER LES KURDES !
Cela fait huit mois que le leader kurde, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 26 ans sur l’île d’Imrali, a demandé aux combattants et combattantes de son mouvement de déposer les armes et de dissoudre l’organisation qu’il a fondée en 1978 : le PKK. Deux mois plus tard, ce fut chose faite. Ses forces viennent d’ailleurs d’annoncer leur départ pour le Nord de l’Irak. Une page se tourne, mettant fin aux affrontements sanglants entre les forces du pouvoir et la guérilla qui ont endeuillé le pays durant quatre décennies. Désormais, c’est par la lutte exclusivement politique que sera défendue l’exigence de la reconnaissance des droits politiques et culturels des quelque 15 millions de Kurdes de Turquie.
On était en droit d’attendre des autorités turques qu’elles saisissent la main qui leur était tendue en produisant des actes significatifs ouvrant la voie à un processus de paix digne de ce nom. À ce stade, il n’en est rien : Öcalan est maintenu dans son isolement; des dirigeants du parti progressiste pro-kurdes HDP (aujourd’hui DEM) -comme Selahattin Demirtas, démocrate convaincu et totalement innocent- restent en prison ! Il en va de même de nombre d’élus, de journalistes, d’avocats, de militantes et de militants des droits humains, et, plus généralement, des opposants à Erdogan, comme le maire d’Istanbul, du parti social-démocrate CHP. Nombre de maires kurdes arbitrairement destitués restent empêchés d’exercer leur mandat…Certes, une « Commission de la solidarité nationale » a été créée au Parlement pour élaborer un cadre légal pour le processus de paix , mais on attend toujours des mesures concrètes, en particulièrement en matière de reconnaissance des droits culturels des Kurdes ou de réintégration des combattants. Plus le temps passe, plus la défiance l’emporte sur l’espoir. Erdogan joue avec le feu.
Le Président turc ne se contente pas de mettre en péril une chance historique de paix civile dans son pays, il exerce son influence toxique sur ses alliés islamistes au pouvoir en Syrie pour y contrer les intérêts des Kurdes syriens. Et ce alors que les autorités kurdes mènent de difficiles négociations avec Damas concernant le respect de leurs acquis obtenus par 15 ans d’engagement courageux, tant contre le régime de Bachar el-Assad que contre les terroristes de Daesh, qu’ils ont grandement contribué à vaincre.
Ils entendent conserver une relative autonomie de leur région, le Rojava; obtenir la garantie des droits de toutes les composantes de la société syrienne; défendre l’égalité des genres, qui est une de leurs conquêtes essentielles…Or, Damas exige le monopole du pouvoir et des richesses et ne réserve, dans l’assemblée populaire de transition, que 4 sièges sur 191 aux Kurdes (et 6 sièges à des femmes !), au point que l’envoyée spéciale de l’ONU en Syrie a souligné devant le Conseil de sécurité des Nations unies « le risque de marginalisation de groupes sociaux-clés qui ont contribué à mettre fin à la dictature » !
C’est dans ce contexte qu’Erdogan entend éviter toute résonance internationale de la cause kurde afin de garder les mains libres. Ainsi, il a, par des pressions sur ses alliés du pouvoir syrien, torpillé des pourparlers entre le gouvernement syrien et les représentants kurdes, prévus à Paris en présence de représentants des Etats-Unis et de la France, comme garants de l’ accord espéré. Face à ces nouveaux défis, ne laissons pas invisibiliser les Kurdes !




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