Archive for novembre, 2025
QUESTIONS SUR L’UKRAINE
L’Ukraine traverse une période particulièrement sombre. À la situation militaire qui se détériore de jour en jour et à l’énorme scandale de corruption qui touche les plus hautes sphères de l’Etat était venu s’ajouter le « Plan de paix » de Donald Trump, véritable ultimatum dont l’acceptation par Kiev aurait été une humiliante capitulation, mais dont le rejet pur et simple aurait compromis sérieusement ses relations avec Washington. Puis fut évoquée une version sérieusement amendée du plan, mais toujours peu susceptible de conduire à la paix .Comment va réagir à cette impasse une population traumatisée par une guerre qui n’en finit pas et ulcérée par les allégations de corruption massive visant des personnages de plus en plus proches du pouvoir, jusqu’au Chef de l’administration présidentielle ! Comment sortir de la nasse ? Et d’abord, quelle issue acceptable à cette guerre ?
A cet égard, l’histoire jugera très sévèrement le pouvoir russe pour son agression militaire contre un pays souverain et la conduite particulièrement cruelle de la guerre à l’égard de la population civile. Le fait que la Russie soit membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, et, à ce titre, chargée de veiller, selon la Charte de l’ONU, au « maintien de la paix et de la sécurité internationale » aggrave encore cette responsabilité , tout comme le fait de s’être engagée, après la chute de l’URSS, « envers l’Ukraine (…) à respecter son indépendance et sa souveraineté, ainsi que ses frontières existantes » en échange de la ratification par l’Ukraine du traité de non-prolifération des armes nucléaires (1). Moscou paye déjà et payera longtemps au prix fort ses crimes, en particulier en termes de rayonnement et d’influence, y compris parmi certains de ses partenaires du « Sud global ».
Dans une tout autre mesure, naturellement, les dirigeants européens -et occidentaux en général- auront également, un jour, des comptes à rendre. Mais au fait : quelle est la stratégie de l’Europe concernant le conflit russo-ukrainien ? Après avoir misé, un temps, sur une victoire militaire de Kiev grâce aux livraisons d’armes occidentales, ses principaux leaders reconnaissent depuis bien longtemps que les territoires occupés ne pourront être reconquis militairement. Pourtant, rien n’a été tenté par le biais diplomatique.
Pis que cela : la seule occasion où une solution politique au conflit était sérieusement envisageable fut torpillée par les Européens comme par les « Anglo-saxons » pour reprendre le terme choisi à l’époque par Boris Johnson pour appeler les Ukrainiens à abandonner les négociations pour la poursuite de la guerre. C’était au printemps 2022, dans une période où l’armée russe était en grande difficulté . Des pourparlers russo-ukrainiens, à Istanbul, étaient jugés prometteurs par les négociateurs ukrainiens, tandis qu’à Washington, une personnalité de poids, puisqu’il s’agissait du…Chef d’état-major des armées des Etats-Unis, le général Milley, brisait le consensus guerrier ambiant en déclarant qu’ « une solution politique impliquant le départ des Russes est possible ». Mais ni Joe Biden ni ses alliés européens ne voulurent tester cette hypothèse cruciale . Au contraire, ils proclamèrent de concert que l’Ukraine pouvait gagner la guerre grâce aux armements occidentaux. On connaît la suite. Et maintenant ?
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(1) Mémorandum de Budapest (5/12/1994)
ALGÉRIE, SAHARA, ISRAEL : PAUVRE DIPLOMATIE FRANÇAISE !
En l’espace de quelques jours, plusieurs événements marquants se sont succédés, illustrant tous une révoltante médiocrité de la diplomatie française actuelle. Le premier est la libération de Boualem Sansal, après un an d’incarcération en Algérie . Cela faisait des mois que l’obtention de la remise en liberté de l’écrivain franco-algérien était présentée par Paris comme un dossier diplomatique « prioritaire ». Pourtant, c’est à la médiation allemande que l’on doit l’issue heureuse de cette affaire, et plus précisément au Président Steinmeier, à ne pas confondre avec le brutal et très réactionnaire Chancelier Merz. C’est que le Président allemand, lui-même ancien diplomate, tout comme son parti, le SPD, entretiennent traditionnellement avec Alger -quelle que soit leur appréciation de la politique du gouvernement algérien- des relations de partenariat qui tranchent avec les relents post-coloniaux d’un Retailleau ou les postures versatiles d’un Macron.
Un autre événement qui vient de refléter les évolutions peu flatteuses de la diplomatie française concerne le Sahara occidental. Sous la houlette de Donald Trump -qui devait une récompense au Roi du Maroc pour son ralliement aux « Accords d’Abraham »(1)- la France vient de voter pour une résolution du Conseil de sécurité qui, pour la première fois, cautionne unilatéralement -donc au mépris du droit des peuples à l’autodétermination- le plan d’autonomie marocain de ce territoire, en contradiction avec la doctrine de l’ONU, selon laquelle il s’agit d’un « territoire non autonome » inscrit depuis les années 60 sur la liste des territoires à décoloniser. Quelle crédibilité reste-t-il aux références pompeuses à « la France, berceau des droits humains » ?
Un troisième fait significatif vient de confirmer l’humiliante déchéance de la diplomatie française : le revirement des autorités françaises à propos de la participation de huit entreprises israéliennes d’armement au salon international de la sécurité et de la défense Milipol, qui se tient du 18 au 25 novembre prochains à Paris. Initialement interdite pour des raisons aisées à comprendre, compte tenu de l’usage que ce pouvoir fait de ses armes en matière de « sécurité », cette participation fut finalement autorisée sur décision personnelle d’Emmanuel Macron à la suite d’ « une offensive diplomatique d’envergure menée par Jérusalem » (2). Rappelons que cette décision est intervenue quelques jours après la scandaleuse annulation, sur injonction gouvernementale, d’un colloque académique et scientifique du Collège de France « La Palestine et l’Europe: poids du passé et dynamiques contemporaines »! Cette fois, le Président de la République s’est gardé de casser l’interdiction. On ne sait s’il a, dans ce cas, subi ou anticipé des pressions de Netanyahou…Pauvre diplomatie française !
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(1) Ces Accords, lancés par Donald Trump, consistent en une normalisation des relations diplomatiques des pays arabes avec Israël, hors de toute reconnaissance par Tel Aviv des droits fondamentaux du peuple palestinien.
(2) IsraJ-media (12/11/2025)
ZOHRAN MAMDANI : ÉCHEC AUX CALOMNIATEURS !
Que Donald Trump voie rouge après l’élection -à la majorité absolue !- de Zohrane Mamdani dans la ville la plus emblématique des Etats-Unis , cela se comprend aisément. Malgré son vibrant appel à faire barrage à ce « communiste cinglé »; malgré sa menace de couper les vivres à la « Big Apple » en cas de succès de cet « immigré en situation irrégulière »; malgré sa sortie raciste qualifiant de « stupide (…) toute personne juive qui vote pour Zohran Mamdani », c’est l’antithèse de l’Amérique chère à l’actuel locataire de la Maison Blanche qui a triomphé ! « Le peuple organisé bat l’argent organisé » selon la belle formule du nouvel élu. Et comme l’a souligné la chaîne NBC, Mamdani est arrivé en tête dans tous les groupes : Blancs, Africains-Américains, Latinos et Asiatiques, le « New York Times » rapportant de son côté qu’un certain nombre de dirigeants juifs de la métropole ont salué, chez le nouveau Maire, un message d’ouverture et de réconciliation, à l’opposé de l’amalgame indigne, repris par Trump, assimilant la dénonciation du génocide perpétré par le pouvoir de Netanyahu contre le peuple palestinien à Gaza à de l’antisémitisme.
Mais si l’on s’explique facilement la haine viscérale de Trump envers l’intrus -qui ose se présenter comme « musulman, socialiste démocrate (et qui) refuse de (s’) excuser pour tout cela »- lorsqu’il le voit ovationné dans la ville qui l’a vu naître, pourquoi diable tant d’ « observateurs » de la vie politique, de ce côté-ci de l’Atlantique, manifestent-ils la même aversion et la même malveillance que le milliardaire raciste américain pour ce jeune progressiste qui fait renaître l’espoir d’un sursaut démocratique dans ce grand pays ?
Que l’extrême-droite s’en prenne à ce « représentant du communautarisme radical musulman affiché comme antisémite » (Gilbert Collard) ne nous surprend pas, pas plus que d’entendre Bernard-Henri Lévy parler du jour de la victoire de Mamdani comme d’ « une date noire pour les juifs de New York ». Mais la chasse aux sorcières ne s’arrête pas là. À la question de Radio J: « Sa victoire serait-elle un signal d’alerte pour les juifs new yorkais ? » , Christophe Barbier, ancienne figure de l’ Express et de BFM-TV, répondit du tac au tac : « Bien sûr, bien sûr ». Franz-Olivier Giesbert, quant à lui, n’en revenait pas qu’il y eût « 16% des juifs de New York (qui) s’apprêtaient selon les sondages, à voter pour Zohran Mamdani, candidat -insista-t-il- quasi ouvertement antisémite à la mairie de la ville ». Il n’hésita pas à insulter ces brebis égarés, lâchant à leur propos : « Si ce n’est pas de l’inconscience ou de la haine de soi, c’est de la bêtise ». Au risque de décevoir l’éditorialiste du Point, signalons que, finalement, ce ne sont pas 16% des électeurs juifs à avoir voté pour Mamdani, mais 33%, d’après la chaîne TV israélienne i24NEWS…
Comment interpréter ce chapelet de calomnies à l’égard d’un homme qui ne sépare pourtant pas sa ferme condamnation du pouvoir israélien de sa détermination à combattre l’antisémitisme ? Manifestement, pour ses impitoyables censeurs, Zohran Mamdani a tous les défauts d’un authentique homme de gauche, mais son anomalie rédhibitoire est, outre d’être musulman, celle d’exprimer sans détour sa solidarité avec le peuple palestinien. Bon vent, Zohran Mamdani !




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