Posts filed under ‘Actualité’
NE LAISSONS PAS INVISIBILISER LES KURDES !
Cela fait huit mois que le leader kurde, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 26 ans sur l’île d’Imrali, a demandé aux combattants et combattantes de son mouvement de déposer les armes et de dissoudre l’organisation qu’il a fondée en 1978 : le PKK. Deux mois plus tard, ce fut chose faite. Ses forces viennent d’ailleurs d’annoncer leur départ pour le Nord de l’Irak. Une page se tourne, mettant fin aux affrontements sanglants entre les forces du pouvoir et la guérilla qui ont endeuillé le pays durant quatre décennies. Désormais, c’est par la lutte exclusivement politique que sera défendue l’exigence de la reconnaissance des droits politiques et culturels des quelque 15 millions de Kurdes de Turquie.
On était en droit d’attendre des autorités turques qu’elles saisissent la main qui leur était tendue en produisant des actes significatifs ouvrant la voie à un processus de paix digne de ce nom. À ce stade, il n’en est rien : Öcalan est maintenu dans son isolement; des dirigeants du parti progressiste pro-kurdes HDP (aujourd’hui DEM) -comme Selahattin Demirtas, démocrate convaincu et totalement innocent- restent en prison ! Il en va de même de nombre d’élus, de journalistes, d’avocats, de militantes et de militants des droits humains, et, plus généralement, des opposants à Erdogan, comme le maire d’Istanbul, du parti social-démocrate CHP. Nombre de maires kurdes arbitrairement destitués restent empêchés d’exercer leur mandat…Certes, une « Commission de la solidarité nationale » a été créée au Parlement pour élaborer un cadre légal pour le processus de paix , mais on attend toujours des mesures concrètes, en particulièrement en matière de reconnaissance des droits culturels des Kurdes ou de réintégration des combattants. Plus le temps passe, plus la défiance l’emporte sur l’espoir. Erdogan joue avec le feu.
Le Président turc ne se contente pas de mettre en péril une chance historique de paix civile dans son pays, il exerce son influence toxique sur ses alliés islamistes au pouvoir en Syrie pour y contrer les intérêts des Kurdes syriens. Et ce alors que les autorités kurdes mènent de difficiles négociations avec Damas concernant le respect de leurs acquis obtenus par 15 ans d’engagement courageux, tant contre le régime de Bachar el-Assad que contre les terroristes de Daesh, qu’ils ont grandement contribué à vaincre.
Ils entendent conserver une relative autonomie de leur région, le Rojava; obtenir la garantie des droits de toutes les composantes de la société syrienne; défendre l’égalité des genres, qui est une de leurs conquêtes essentielles…Or, Damas exige le monopole du pouvoir et des richesses et ne réserve, dans l’assemblée populaire de transition, que 4 sièges sur 191 aux Kurdes (et 6 sièges à des femmes !), au point que l’envoyée spéciale de l’ONU en Syrie a souligné devant le Conseil de sécurité des Nations unies « le risque de marginalisation de groupes sociaux-clés qui ont contribué à mettre fin à la dictature » !
C’est dans ce contexte qu’Erdogan entend éviter toute résonance internationale de la cause kurde afin de garder les mains libres. Ainsi, il a, par des pressions sur ses alliés du pouvoir syrien, torpillé des pourparlers entre le gouvernement syrien et les représentants kurdes, prévus à Paris en présence de représentants des Etats-Unis et de la France, comme garants de l’ accord espéré. Face à ces nouveaux défis, ne laissons pas invisibiliser les Kurdes !
14 JUILLET 2015 : RETOUR SUR UN ACCORD DE PAIX EXEMPLAIRE
La « guerre préventive » d’Israël contre les sites nucléaires iraniens et les assassinats ciblés de scientifiques iraniens, complétés par les super-bombes américaines, ont-ils mis fin au programme nucléaire de Téhéran ? La plupart des experts en doutent. A l’inverse, cette folle aventure militaire coûte très cher au peuple iranien : outre les centaines de victimes civiles de l’agression israélienne, elle a entraîné une vague de répression du régime contre ses opposants sous couvert de chasse aux espions. Les seules frappes israéliennes sur la (tristement célèbre) prison d’Evin ont coûté la vie à 71 personnes parmi lesquelles nombre de détenus politiques, de proches en visite, de gardiens respectés. Elles ont « fragilisé la lutte des dissidents » note « L’Orient-le Jour ». S’ajoutent à ce désastre le projet de l’Iran de refuser désormais les contrôles de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, voire de se retirer du Traité de Non-Prolifération nucléaire (qui entraînerait la fin définitive des contrôles internationaux), ainsi que la certitude, selon des spécialistes de la région, que cette guerre va « alimenter au Moyen-Orient la haine de l’Occident et le désir de vengeance » (1). Un chaos qui tranche tragiquement avec le résultat prometteur obtenu il y a tout juste 10 ans grâce à un accord de paix exemplaire conclu entre la communauté internationale et l’Iran : l’emblématique Accord de Vienne. Retour sur ce succès historique, torpillé par Trump 1 en 2018, avec les conséquences que l’on sait.
Tout avait commencé, en 2002, par des révélations sur la construction clandestine d’un site d’enrichissement de l’uranium en Iran. Le pays se préparerait-il à se doter de l’arme atomique ? La France, l’Allemagne et la Grande Bretagne prirent ensemble la bonne initiative d’engager, à partir de 2003, des négociations avec Téhéran. Ils furent rejoints en 2006 par les Etats-Unis, la Chine et la Russie, ainsi que par l’Union européenne comme telle. Cette coalition exceptionnelle travailla en relation étroite avec l’AIEA. Les bases de la négociation étaient, en principe, claires (même si la France en eut une lecture volontiers plus exigeante que d’autres) : dès lors que l’Iran, signataire du Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP), respecte les règles de celui-ci -qui interdisent l’usage militaire mais autorisent l’usage civil du nucléaire sous la supervision de l’AIEA- le pays échappera aux sanctions économiques internationales et pourra trouver sa place dans les relations internationales (2).
La structure très particulière du pouvoir iranien -celui, archi-dominant, du « Guide », celui des inflexibles « gardiens de la révolution », mais aussi celui du Président élu, auquel le guide peut laisser une certaine marge de manœuvre en fonction des rapports de force dans le pays- n’a pas simplifié les pourparlers. Après 10 années de langage de sourds sans résultats concluants -malgré l’application de sanctions internationales de plus en plus sévères à l’économie Iranienne- la situation se débloqua en 2013, après l’élection d’un Président iranien « modéré » : Hassan Rohani. Celui-ci dépêcha à Genève puis à Vienne des négociateurs brillants, avec un mandat réaliste : obtenir la levée des sanctions contre l’acceptation d’une limitation stricte du nombre de centrifugeuses et du niveau d’enrichissement de l’uranium ainsi que d’un contrôle international conséquent. L’AIEA confirma le plein respect de ces engagements. Un pari historique était gagné.
————-
(1) Robert Malley, ancien négociateur américain de l’accord de Vienne de 2015, éminent spécialiste du Moyen-Orient (in « Le Monde » , 25/6/2025)
(2) Israël est la seule puissance nucléaire du Moyen-Orient. Elle n’a pas signé le TNP et ne fait donc l’objet d’aucun contrôle de l’AIEA
ON ASSASSINE UN PEUPLE ET ILS VOUDRAIENT QU’ON SE TAISE !
« Honte à ces pays qui se prétendent démocratiques et pour la paix, mais soutiennent Israël coupable quotidiennement de crimes de guerre ! Nous ne sommes pas des animaux ! » (Hamdan Ballal, co-réalisateur palestinien de « No other Land », documentaire oscarisé en 2024, œuvre d’un collectif palestino-israélien comme acte de résistance). « Nos enquêtes le confirment : en plus de l’entrave systématique à l’acheminement de l’aide humanitaire et des déplacements forcés des populations, l’armée israélienne détruit systématiquement tout ce qui est nécessaire à la vie: terres arables, structures d’adduction d’eau, écoles, hôpitaux » C’est la définition même d’un crime de génocide (Aymeric Elluin, Amnesty International) . « J’ai peur pour mes parents à Gaza. Ils étouffent. Les mots ne sortent plus. Tout ce qu’ils arrivent à dire, c’est « on est toujours en vie ». Il n’y existe plus d’humanité. Et ce silence international ! » (Rana, une jeune Gazaouie du camp de Jabalya, réfugiée en France) . « Votre accueil montre qu’il y a encore des pays sur Terre qui sont solidaires et reconnaissent nos droits (…) Un seul mot de réconfort nous donne de l’espoir (…) Nous sommes touchés par votre courage » (Des réfugiés et réfugiées de camps palestiniens, invités à Paris). « Ce que vous pouvez faire ? Une chose simple : parlez partout de la cause palestinienne ! Nous avons besoin de votre soutien moral » (Mohamed, responsable des réfugiés palestiniens au sein de l’OLP)…
Ces paroles, parmi tant d’autres de même teneur, sont celles de participantes et de participants à une Conférence, exceptionnelle à tous égards, qui a réuni, toute une journée durant, le 17 mai dernier, à Paris, des réfugiés de camps palestiniens et d’autres acteurs concernés avec plusieurs centaines d’élus et de militantes et militants de la cause palestinienne français (1). Cette expérience, aussi émouvante qu’éclairante, est entrée en résonance avec le dernier ouvrage de Pascal Boniface, « Permis de tuer » (*) que je venais de découvrir. Le directeur de l’IRIS s’y insurge légitimement contre la trop longue invisibilisation du massacre du peuple de Gaza, tant par les « médias mainstream » que par nombre de responsables politiques français et européens. La sauvagerie de l’armée israélienne rend également insupportable « l’impunité » garantie par la plupart des dirigeants occidentaux à leur allié privilégié. Le mandat d’arrêt de la CPI est jugé normal s’il concerne Poutine, pas s’il vise Netanyahou. Plus généralement , « Pourquoi des sanctions contre la Russie et la poursuite de livraisons d’armes à Israël ? » Les institutions internationales habituellement louées tout comme de grandes ONG généralement tenues en haute estime sont subitement ignorées ou critiquées lorsqu’elles multiplient les alertes sur les exactions israéliennes dans les territoires palestiniens. Pire: des politiciens français sont prêts à instrumentaliser l’antisémitisme pour « diaboliser ceux qui critiquent le gouvernement israélien ». L’auteur ne se contente pas d’affirmer ses convictions. Comme à son habitude, il énumère faits et citations, souvent très pertinentes, telle celle, qui fait froid dans le dos, de Netanyahu, il y a un an, sur une chaîne française : « Notre victoire, c’est votre victoire! C’est la victoire de la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie. C’est la victoire de la France! » (2) L’un des mérites du livre est l’hommage rendu aux « Israéliens (qui) ont conservé leur humanité ». Laissons l’un d’eux conclure : « Pour nous, Israël n’a pas d’avenir sûr à moins d’être étroitement lié à un avenir sûr pour les Palestiniens dans un État indépendant et séparé » (3).
——-
(*) Pascal Boniface, « Permis de tuer », chez Max Milo, 2025.
(1) Conférence à l’initiative de l’Association pour le jumelage entre des villes françaises et des camps de réfugiés palestiniens (AJPF), théâtre Traversière, Paris 12.
(2) LCI, mai 2024
(3) Ilran Baruch, ancien ambassadeur d’Israël en Afrique du Sud et ancien secrétaire général de ministère israélien des Affaires étrangères.




Commentaires récents