Posts filed under ‘Bruxelles’

RÉGRESSIONS EN SÉRIE EN EUROPE AU NOM DU « REARMEMENT » !

La culture de guerre qui règne, ces temps-ci, parmi les dirigeants des États membres de l’Union européenne n’en finit pas de tirer vers le bas ce qui restait comme acquis positifs de la construction européenne. 

Le « Pacte vert » destiné à stimuler la lutte contre le changement climatique ? Sa  déconstruction a commencé au profit de la nouvelle priorité: la défense. La Banque européenne d’investissements, dont la mission est de financer notamment les actions dans des domaines tels que « les infrastructures sociales », l’agriculture, « le climat et la durabilité environnementale », « l’innovation technologique », « le développement dans le monde », etc…, mais dont le mandat lui interdit d’investir dans « les munitions et les armes (…) ainsi que dans les équipements ou les infrastructures militaires » ? 19 Etats membres -dont la France- lui demandent une « réévaluation de la liste des activités exclues » afin de pouvoir financer de nouveaux projets de défense ! Les « fonds de cohésion » dédiés à la réduction des inégalités de développement entre les régions de l’UE ? La Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, propose officiellement de piocher dans les 350 milliards d’euros de ces fonds, restant à dépenser d’ici 2027, pour financer le « réarmement » de l’Europe ! 

Et comme si toute cette ignominie ne suffisait pas, la dernière des régressions en série qu’entraîne la militarisation obsessionnelle de l’Europe est le rapprochement spectaculaire que sont en train d’opérer les dirigeants européens -ces vigies autoproclamées du « monde libre » –  avec le dictateur Erdogan  ! Alors que le président turc , après avoir jeté en prison les principaux responsables du parti progressiste HDP/DEM (pro-Kurdes) et destitué nombre de maires de ce parti, vient d’arrêter le maire d’Istanbul, du Parti républicain du peuple (CHP), principal opposant et rival du président en vue des prochaines élections; et tandis que, depuis ce coup de force, de véritables marées humaines défilent dans les villes de Turquie pour défendre la démocratie, …« dans les couloirs du pouvoir bruxellois, circule désormais l’idée que la Turquie reste un partenaire et un allié partageant les mêmes valeurs, et que les intérêts de sécurité à long terme devraient l’emporter sur les intérêts à court terme de quelques uns » ! (1) 

L’initiative de ce « rapprochement » reviendrait au Secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, qui aurait exercé des pressions sur l’Union européenne afin qu’elle resserre sa coopération avec « la deuxième plus grande armée permanente de l’OTAN ». Ankara devrait donc bénéficier du tout nouveau programme de défense de 150 milliards d’euros (le « Security action for Europe »-SAFE-). En retour, Erdogan serait prêt à envoyer des « soldats de la paix » en Ukraine pour garantir un cessez-le-feu…Les plus cyniques soulignent sans vergogne que l’équipement militaire turc a fait ses preuves sur le terrain, comme…en Azerbaïdjan (contre l’Arménie) ! La honte !

Fénelon avait raison : « la guerre est un mal qui déshonore le genre humain ».

—————

(1) «Relations UE-Turquie: le temps du rapprochement » (Euractiv, 24/3/2025)

3 avril 2025 at 5:47 Laisser un commentaire

 FACE À TRUMP, L’EUROPE PEUT-ELLE SURMONTER SES DIVISIONS ? 

  (L’HUMANITÉ, 11/3/2025)

 Il arrive que, face à des enjeux quasi-existentiels, les États membres de l’Union européenne resserrent les rangs. Ainsi, le « Brexit » s’avéra représenter en définitive un puissant facteur de cohésion de l’UE jusqu’à ce que le danger redouté -le détricotage progressif de l’UE- fût conjuré. Le retour de Donald Trump au pouvoir et sa cascade de premières provocations annoncent-ils une réaction du même type ? Rien n’est moins sûr : il y a loin des postures aux actes concrets.

D’abord, parce qu’existaient au sein même de l’Union, dès avant l’élection de l’actuel Président des Etats-Unis, des gouvernements d’inspiration « trumpiste » à bien des égards -nationalisme, conservatisme, hostilité extrême aux migrants, proximité de la Russie de Vladimir Poutine…-, dont le ralliement explicite au nouveau locataire de la Maison Blanche était prévisible et s’est confirmé. C’est notamment le cas de l’équipe de Viktor Orban, en Hongrie, rejoint par celle de Robert Fico, en Slovaquie. Bien plus grave pour la cohésion future de l’UE est le cas de la « post-fasciste » Meloni. La Présidente du Conseil de l’un des six pays fondateurs de l’UE ne cache ni sa proximité idéologique et ses liens anciens avec la droite la plus réactionnaire des Etats-Unis ni sa complicité avec Elon Musk. Elle s’est auto-désignée médiatrice entre l’UE et Trump. Déjà, certains la soupçonnent de favoriser ses intérêts propres ou ceux de ses alliés au détriment de ceux de l’Europe. Ce clivage est probablement appelé à se creuser dans la période à venir. 

Par ailleurs, la guerre commerciale lancée par Trump touche, certes, tous les pays européens, mais inégalement. Pour les uns, c’est un gros inconvénient, pour les autres une catastrophe. En outre, si les uns sont favorables à une riposte ferme, d’autres préconisent la recherche d’un « deal » avec le puissant partenaire. Concernant la défense de l’Europe, la fin de la garantie de la protection de l’OTAN (en fait, des Etats-Unis) suscite, elle aussi, des réactions disparates. Si le Chef du gouvernement polonais est fier d’avoir porté ses dépenses militaires au niveau exigé par Trump (5% du PIB) et si la France vise entre 3 et 5%,  des pays comme  l’Autriche, l’Irlande ou Malte, voire l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg ou la Slovénie et d’autres…sont très loin de les suivre. Le cas de l’Allemagne est singulier : hier pays le plus proche de Washington, elle est aujourd’hui au centre des attaques du nouveau pouvoir américain. De quoi déstabiliser ses « élites » et expliquer, par exemple, le ralliement du futur Chancelier, Friedrich Merz, à l’idée iconoclaste et fort  périlleuse d’un parapluie nucléaire franco-britannique de l’Europe -une option loin de faire l’unanimité dans l’UE ! Le simple fait de faire son deuil de la tutelle militaire des Etats-Unis n’est pas acquis par nombre de gouvernements qui ne voient tout simplement pas d’alternative crédible à l’OTAN. 

On risque donc d’assister à un double mouvement au sein des « 27 » : une large convergence dans le désarroi, propice à un rapprochement dans la recherche d’une issue ; mais, dans le même temps, la ré-émergence des divergences de vision politique et d’intérêts matériels face aux solutions envisagées. 

17 mars 2025 at 7:00 Laisser un commentaire

UKRAINE : PLACE À LA DIPLOMATIE, LA VRAIE !

Ce 24 février, cela fera trois ans qu’a été lancée l’agression russe contre l’Ukraine. Les responsabilités historiques de Vladimir Poutine dans le déclenchement de ce conflit comme dans la conduite, particulièrement cruelle, de la guerre relèvent de crimes ineffaçables. 

Pour leur part, la plupart des dirigeants occidentaux ont, très tôt, fait le choix de rechercher, comme seule issue à cette tragédie, une victoire militaire. Cette voie n’avait pourtant rien de fatal. Ainsi, dès avril 2022, des pourparlers très prometteurs entre Russes et Ukrainiens avaient eu lieu à Istanbul. Un ancien conseiller du Président Zelensky, Oleksiy Arestovitch, révélera par la suite qu’ en rentrant dans son pays après ces discussions « couronnées de succès, 90% des questions litigieuses ayant été résolues, (son) équipe a sabré le champagne pour fêter l’occasion » (1) . Ce fut le moment choisi par le ministre de la Défense américain, représentant l’aile jusqu’au boutiste de l’équipe du Président Biden, pour faire une visite-surprise à Kiev, convaincre les Ukrainiens qu’ « ils peuvent gagner s’ils ont les bons équipements » et engager la livraison des armes lourdes. Si cette option fut approuvée par la plupart des dirigeants européens, elle ne fit, paradoxalement, pas l’unanimité au plus haut niveau du pouvoir à Washington. En témoigna cette déclaration retentissante du Chef d’Etat-major des armées des Etats-Unis, le Général Mark A. Milley : « Il peut y avoir une solution politique, où, politiquement, les Russes se retirent. C’est possible ! » (2). On connaît la suite…Un gâchis humain, matériel et politique incommensurable .

On ne peut donc que se réjouir d’entrevoir enfin des négociations de paix. Malheureusement, ce qu’on en sait à ce stade n’inspire guère confiance. Créer les conditions d’une paix juste et durable passe par le respect d’une série de principes dont ne s’embarrassent ni Trump ni Poutine.

 Le premier d’entre eux est de placer au centre des futures négociations les deux principales parties au conflit, même si, à l’évidence, un face à face exclusif entre Ukrainiens et Russes est inconcevable, tant le rapport des forces est inégal. En plus, il s’agit d’un enjeu mondial. Dès lors, c’est sous l’égide des Nations unies que d’autres acteurs devraient être associés à la recherche d’une solution : l’Union européenne, voisine et alliée de Kiev ; les Etats-Unis, directement impliqués dans le conflit; mais aussi, sous une forme ou une autre, des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud, qui ont l’oreille de Moscou tout en étant des interlocuteurs de Kiev, clairement opposés depuis le début à cette guerre. 

Un autre principe essentiel à respecter est naturellement le droit international, à commencer par l’interdiction de tout recours à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance d’un pays. Aussi, tout compromis territorial éventuel serait problématique et supposerait, en tout état de cause, pour pouvoir être internationalement reconnu, d’être  démocratiquement ratifié par les citoyens concernés.

Enfin, les garanties de sécurité, légitimement réclamées par le peuple ukrainien , gagneraient, pour être durables, à éviter d’être assimilables à une source d’insécurité par le peuple russe. Ce qui suppose d’exclure l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN (ou la présence de l’OTAN en Ukraine…). En fait, c’est d’un accord paneuropéen de sécurité collective, incluant tous les Etats et tous les peuples du continent, que nous avons besoin, mais relever ce défi-là prendra plus de temps. Dans l’immédiat, place à la diplomatie, la vraie ! 

———

(1) Interview à « UnHerd » -voir « Courrier international » (27/1/2024)

(2) AFP, 19/11/2022

20 février 2025 at 1:13 Laisser un commentaire

Older Posts


Entrer votre adresse e-mail pour vous inscrire à ce blog et recevoir les notifications des nouveaux articles par courriel.

Rejoignez les 5 297 autres abonnés

Chronique européenne dans l’Humanité Dimanche

Intervention au Parlement européen (vidéo)

GUE/NGL : vidéo

décembre 2025
L M M J V S D
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
293031  

Archives

Catégories

Pages

Pages