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UKRAINE : PLACE À LA DIPLOMATIE, LA VRAIE !

Ce 24 février, cela fera trois ans qu’a été lancée l’agression russe contre l’Ukraine. Les responsabilités historiques de Vladimir Poutine dans le déclenchement de ce conflit comme dans la conduite, particulièrement cruelle, de la guerre relèvent de crimes ineffaçables. 

Pour leur part, la plupart des dirigeants occidentaux ont, très tôt, fait le choix de rechercher, comme seule issue à cette tragédie, une victoire militaire. Cette voie n’avait pourtant rien de fatal. Ainsi, dès avril 2022, des pourparlers très prometteurs entre Russes et Ukrainiens avaient eu lieu à Istanbul. Un ancien conseiller du Président Zelensky, Oleksiy Arestovitch, révélera par la suite qu’ en rentrant dans son pays après ces discussions « couronnées de succès, 90% des questions litigieuses ayant été résolues, (son) équipe a sabré le champagne pour fêter l’occasion » (1) . Ce fut le moment choisi par le ministre de la Défense américain, représentant l’aile jusqu’au boutiste de l’équipe du Président Biden, pour faire une visite-surprise à Kiev, convaincre les Ukrainiens qu’ « ils peuvent gagner s’ils ont les bons équipements » et engager la livraison des armes lourdes. Si cette option fut approuvée par la plupart des dirigeants européens, elle ne fit, paradoxalement, pas l’unanimité au plus haut niveau du pouvoir à Washington. En témoigna cette déclaration retentissante du Chef d’Etat-major des armées des Etats-Unis, le Général Mark A. Milley : « Il peut y avoir une solution politique, où, politiquement, les Russes se retirent. C’est possible ! » (2). On connaît la suite…Un gâchis humain, matériel et politique incommensurable .

On ne peut donc que se réjouir d’entrevoir enfin des négociations de paix. Malheureusement, ce qu’on en sait à ce stade n’inspire guère confiance. Créer les conditions d’une paix juste et durable passe par le respect d’une série de principes dont ne s’embarrassent ni Trump ni Poutine.

 Le premier d’entre eux est de placer au centre des futures négociations les deux principales parties au conflit, même si, à l’évidence, un face à face exclusif entre Ukrainiens et Russes est inconcevable, tant le rapport des forces est inégal. En plus, il s’agit d’un enjeu mondial. Dès lors, c’est sous l’égide des Nations unies que d’autres acteurs devraient être associés à la recherche d’une solution : l’Union européenne, voisine et alliée de Kiev ; les Etats-Unis, directement impliqués dans le conflit; mais aussi, sous une forme ou une autre, des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud, qui ont l’oreille de Moscou tout en étant des interlocuteurs de Kiev, clairement opposés depuis le début à cette guerre. 

Un autre principe essentiel à respecter est naturellement le droit international, à commencer par l’interdiction de tout recours à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance d’un pays. Aussi, tout compromis territorial éventuel serait problématique et supposerait, en tout état de cause, pour pouvoir être internationalement reconnu, d’être  démocratiquement ratifié par les citoyens concernés.

Enfin, les garanties de sécurité, légitimement réclamées par le peuple ukrainien , gagneraient, pour être durables, à éviter d’être assimilables à une source d’insécurité par le peuple russe. Ce qui suppose d’exclure l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN (ou la présence de l’OTAN en Ukraine…). En fait, c’est d’un accord paneuropéen de sécurité collective, incluant tous les Etats et tous les peuples du continent, que nous avons besoin, mais relever ce défi-là prendra plus de temps. Dans l’immédiat, place à la diplomatie, la vraie ! 

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(1) Interview à « UnHerd » -voir « Courrier international » (27/1/2024)

(2) AFP, 19/11/2022

20 février 2025 at 1:13 Laisser un commentaire

TRUMP A-T-IL LES MOYENS DE SES PRÉTENTIONS ?

Force est de le constater : bien mieux élu qu’en 2016 et, cette fois, solidement préparé; bénéficiant de la majorité absolue dans les deux chambres et d’une Cour suprême extrêmement conservatrice; entouré des champions mondiaux de la tech et du numérique; doté par la Constitution américaine de pouvoirs importants et surtout régnant sur la première puissance économique, financière et militaire, Donald Trump est en mesure de faire beaucoup de mal à qui se met en travers de ses projets ultra-nationalistes et impériaux. 

Dans le même temps, chacun de ses atouts doit être relativisé. Ainsi, nombre d’Etats américains  fédérés comme la Californie ou New York ont décidé de coordonner les batailles anti-Trump devant les tribunaux : pas moins de 22 d’entre eux (sur 50) ont contesté en justice le décret présidentiel remettant en cause le droit du sol. Même la Cour suprême, qui est largement acquise au Président, pourra difficilement avaliser des mesures manifestement inconstitutionnelles. De même, sa majorité au Sénat ne lui est pas acquise en toutes circonstances, comme vient de le confirmer le vote d’extrême justesse de la Chambre haute pour la confirmation du candidat du Président au poste stratégique de Chef du Pentagone. Le tandem diabolique Trump-Musk commence lui-même à tanguer, puisque le second a osé critiquer « Stargate », le projet-phare du premier, prévoyant des investissements de 500 milliards de dollars dans un mastodonte de l’intelligence artificielle, qui risque de faire de l’ombre au business de « l’homme le plus riche du monde ». Quant à la puissance américaine, si elle reste encore dominante sur le plan mondial, elle doit de plus en plus compter , non seulement avec la Chine -qui vient encore d’affoler les « élites » américaines en dévoilant un concurrent particulièrement compétitif de ChatGPT malgré l’embargo de Washington sur les puces américaines les plus performantes- , mais, plus généralement avec les BRICS et le « Sud global » dont les perspectives de développement sont précisément au cœur de l’obsession trumpienne du « Make America Great Again ». Enfin, il y aura des réactions de la société américaine contre les égarements du pouvoir.

Dernier élément susceptible de relativiser les moyens du Président américain : les choix stratégiques à venir des Européens ! S’ils décidaient de s’émanciper de la tutelle américaine et -dans un esprit de multilatéralisme et d’intérêt mutuel- d’ouvrir une négociation stratégique avec la Chine, les émergents en général et les pays du Sud, tant sur les enjeux globaux (notamment le climat) que sur les relations économiques,  Trump finirait par comprendre qu’il n’est pas le maître du monde ! Lourde est, à cet égard,  la responsabilité des principaux dirigeants de l’UE ! C’est l’alignement pur et simple sur Washington des uns, derrière Giorgia Meloni, et les capitulations de fait d’un certain nombre d’autres : la Présidente de la Commission suggère d’acheter plus de pétrole et d’armes aux Etats-Unis; la Pologne -qui préside actuellement le Conseil européen- veut en finir avec le Pacte vert européen et demande que chaque pays de l’UE dépense 5% du PIB pour la défense (comme l’exige Trump); la Présidente de la Banque centrale européenne veut que l’effet Trump nous aide à lutter contre la « paresse » et la « bureaucratie » en Europe ! Et on attend toujours une vraie levier de bouclier de l’UE contre les menaces ahurissantes proférées contre 11 millions d’immigrés et la prétention extravagante de refaire des Etats-Unis « une nation (…) qui étend son territoire ». Voilà pourquoi il est si important que s’ouvre un débat citoyen sur ces enjeux de civilisation. 

30 janvier 2025 at 10:06 Laisser un commentaire

AGIR POUR LA PAIX DANS UN MONDE COMPLEXE ET GLOBALISÉ 

À l’heure où des guerres d’agression d’un autre âge, d’une effroyable cruauté, ébranlent le monde entier, s’ajoutant aux autres insécurités humaines -alimentaire, sanitaire, climatique…-, hélas encore bien plus meurtrières à l’échelle de toute la planète, une réflexion de fond s’impose à nous : comment vaincre cet insupportable sentiment d’impuissance et agir pour une paix véritable dans un monde de plus en plus complexe et globalisé ? Dans son dernier livre, au beau titre de « L’Art de la paix », Bertrand Badie, professeur bien connu de relations internationales, a le mérite de nous donner d’utiles repères en la matière, dans leurs différentes et inséparables dimensions : humaine et sociale;  institutionnelle; diplomatique…En cela, ce livre est, dans le contexte présent, un ouvrage de référence (1). 

Ainsi, puisant dans sa vaste culture historique, l’auteur passe en revue différents types de règlement apparent d’un conflit, dont aucun n’a conduit à une paix digne de ce nom : ni la « paix hégémonique » imposée par la domination du plus fort, ni « l’équilibre de puissance », précaire et menaçant, ni « la transaction » sur la base d’un compromis territorial. « La non guerre n’est pas la paix ». souligne-t-il . « La paix ne peut plus être pensée indépendamment des risques globaux ». Il convient de  « placer le social avant la force » car « le monde est dominé par un gigantesque besoin social que chaque État ne peut plus satisfaire individuellement ». Or, « la souffrance sociale (est) un obstacle à la paix ».

 De la même façon, insiste Badie, « le mépris crée la méfiance » et « l’humiliation est source de périls ». Cela vaut pour les relations internationales : « les nouvelles logiques d’interdépendance (rendent) la sécurité des uns de plus en plus dépendante de la sécurité  des autres ». Rien de pire, à cet égard, que la « tendance irrépressible à se prétendre le centre du monde » ou à « considérer que les cultures sont irrémédiablement différentes et potentiellement hostiles les unes aux autres »…Mais cela vaut également dans notre entourage immédiat : « L’étranger n’est pas l’ennemi » rappelle l’auteur « Le regard individuel porté sur l’Autre est la base même d’une paix ressentie, intériorisée ». Aujourd’hui, « la condition des migrants (installe) un climat de défiance au Sud ». Le sens de la paix suppose l’altérité et la recherche d’une « commune promotion d’une paix globale ». 

Le corollaire indispensable de cette ambition est l’existence d’institutions multilatérales efficaces, qui ne soient pas affaiblies par l’égocentrisme des États, particulièrement les plus puissants d’entre eux, accrochés à leur droit de veto. Un renforcement de l’ONU en matière de prévention des conflits comme de missions autour de l’idée de sécurité humaine est, à cet égard, hautement souhaitable. Dans cet esprit, Badie plaide pour « ouvrir la table à tout un ensemble d’acteurs non étatiques » (ONG, acteurs locaux…) à même de « replacer l’individu au centre des enjeux d’une paix réelle ». 

Enfin, l’expert, s’il en est, en matière de diplomatie, appelle les « vieilles puissances » à « sortir de cet entre-soi qui apparaît au total plus belligène que pacificateur ». Fustigeant d’une façon générale « cette ignorance dangereuse qui consiste à penser que le monde se régule à partir de soi », Bertrand Badie consacre tout un chapitre de son livre à imaginer « des écoles formant à la paix ». Un projet plus pertinent que jamais.

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(1) Bertrand Badie : « L’Art de la paix »(Flammarion, 2024) 21€

1 novembre 2024 at 4:57 1 commentaire

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