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COMMENT LES DROITES EUROPÉENNES PRÉPARENT LE 9 JUIN
Pour mesurer la portée politique des tractations en cours parmi les droites du Parlement européen en vue des élections du 9 juin prochain, il faut rappeler quels sont les deux groupes de droite et les deux groupes d’extrême-droite qui y siègent aujourd’hui. Le Parti populaire européen (PPE, actuellement 177 député.es), qui réunit la droite « traditionnelle » (CDU allemande, « Républicains » français, Parti populaire espagnol…) est le groupe politique le plus puissant depuis 20 ans. L’autre groupe de droite, « Renew » (renouveler), regroupe 101 élu.es « libéraux », au premier rang desquels les député.es du parti d’Emmanuel Macron. Quant à l’extrême-droite, elle se répartit entre deux groupes : « Identité et Démocratie » (59 membres) -où se côtoient en particulier des partis aussi répugnants que la « Ligue » du vice-président du Conseil italien, Salvini; le RN de Le Pen; l’AfD d’Allemagne; le « Vlaams Belang » belge…- et le groupe des « Conservateurs et réformistes européens » (CRE, 65 membres) où dominent des formations tout aussi repoussantes, comme les « Frères d’Italie » de la Présidente du Conseil italien, hier grande admiratrice de Mussolini, Giorgia Meloni; le parti polonais « Droit et Justice », qui vient de perdre le pouvoir à Varsovie; le seul élu du tandem Marion Maréchal Le Pen-Éric Zémour; ou encore Vox, le parti espagnol nostalgique de Franco…L’ultra-droitier dirigeant hongrois Orban veut que ses futurs élu.s rejoignent également ce groupe.
C’est dans ce contexte qu’ont lieu des tractations politiciennes peu reluisantes qui méritent d’être connues. C’est, logiquement, le PPE qui est à la manœuvre. Lors de son récent congrès, il vient d’envisager une « coalition pro-Europe » avec les libéraux et les socialistes ainsi qu’une « collaboration » fondée sur le « pragmatisme », avec des parlementaires « sains »…à la droite de la droite, quitte à les « aider à se distinguer de l’extrême-droite » ! De qui s’agit-il ? D’abord et avant tout des « Frères d’Italie » de Giorgia Meloni ! Rien d’étonnant pour qui a observé, ces derniers mois, comment la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, membre du PPE et candidate à un second mandat, a littéralement courtisé la Première ministre italienne. Ce rapprochement en dit long sur la droitisation à attendre de la part de la majorité parlementaire comme de la future Commission, si les résultats des votes au soir du 9 juin prochain correspondaient aux projections actuelles !
Un coup d’œil sur le programme électoral du groupe politique européen qui est au cœur de ces manœuvres (le PPE) suffit à comprendre ce qui est en jeu. Ainsi, ses élus estiment que l’Union européenne…en fait trop pour les travailleurs et, en conséquence, « rejettent la bureaucratie sociale européenne tentaculaire »! Même rhétorique en matière de lutte pour le climat, puisqu’ils opposent les priorités du « Pacte vert » européen -défendues jusqu’ici par la Commission elle-même- à la « compétitivité » des entreprises. Par ailleurs, ils accentuent encore leur obsession anti-migrants, en insistant sur l’externalisation des procédures d’asile, la collaboration avec des pays-tiers pour retenir les migrants et accepter les expulsés, ou encore le triplement des effectifs de Frontex pour renforcer les frontières. À quoi s’ajoute une proposition personnelle d’Ursula von der Leyen -elle qui a annoncé vouloir travailler avec des groupes « pro-OTAN »- : « donner un coup de fouet à notre industrie de défense » et nommer un commissaire européen (d’Europe de l’Est) spécialement chargé de cette politique…Autant dire qu’il y a lieu de faire mentir les sondages et d’envoyer à Strasbourg des parlementaires de gauche capables de constituer une opposition claire, déterminée et rassembleuse !
« DANS QUEL MONDE VIVONS-NOUS ?… »
« Dans quel monde vivons-nous lorsque les gens ne peuvent pas se procurer de la nourriture et de l’eau ? » s’indignait il y a quelques jours le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à propos de la situation à Gaza, « devenue une zone de mort ». « Dans quel monde vivons-nous, a-t-il poursuivi, lorsque le personnel de santé risque d’être bombardé(…), que les hôpitaux doivent fermer parce qu’il n’y a plus d’électricité ou de médicaments (…) et qu’ils sont la cible des militaires »…Depuis ce cri d’alarme, le seuil des 30 000 victimes, très majoritairement civiles, a été franchi; une insupportable tragédie s’est ajoutée au bilan effroyable de cette guerre, lorsque, durant une distribution d’aide alimentaire, des soldats israéliens ont ouvert le feu car « ils se sentaient menacés »; et Netanyahou a annoncé le lancement prochain d’une offensive terrestre sur la ville de Rafah où sont massées 1,5 million de personnes…
Jusqu’à quelle extrémité le pouvoir et l’armée d’Israël devront-ils pousser leurs crimes de guerre pour que cessent à leur égard l’indulgence, la complaisance et la complicité des principaux dirigeants politiques occidentaux ? Que pèsent, en effet, quelques protestations verbales de la France après le dernier carnage, ou bien la demande, par l’Allemagne, « que l’armée (sic) israélienne mène une enquête complète » à son sujet, ou encore les bons sentiments de la présidente de la Commission européenne, qui se dit « profondément troublée par les images » du désastre, quand l’Union européenne continue de refuser ne serait-ce que la suspension de l’Accord d’association très avancé qui lie l’Europe à Israël et que tant Berlin que Paris continuent de livrer des armes à Tel-Aviv ! Le ministre français des armées, Sébastien Lecornu, s’est même permis de se référer à …la Charte des Nations unies pour justifier la vente « d’équipements militaires à Israël afin de lui permettre d’assurer sa défense » ! (Fin janvier 2024, dans une déclaration à Mediapart ) . Et que dire du « Chef du monde libre » qui, non content d’avoir, le 20 février dernier, usé, pour la troisième fois, de son veto pour repousser une résolution du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, fournit à son allié inconditionnel tous les armements et les renseignements dont il a besoin pour poursuivre la pire guerre de son règne sanglant ! Rappelons enfin que toutes ces livraisons d’armes contredisent frontalement l’obligation faite à tout État membre de l’ONU -suite à l’arrêt de la Cour internationale de justice, le 26 janvier dernier- d’agir pour prévenir le risque qu’un génocide se produise à Gaza.
« Dans quel monde vivons-nous ? » : l’interpellation du directeur général de l’OMS pourrait s’appliquer tout autant à l’abominable guerre russe en Ukraine comme aux menaces nucléaires que vient à nouveau de brandir Poutine. Comme en Palestine, la solidarité envers le peuple agressé s’impose et toute complicité avec l’agresseur est intolérable. Et, pas plus qu’en Palestine, il n’y a à rechercher de solution au conflit dans une « victoire » militaire d’un camp sur l’autre, et encore moins dans une fuite en avant militaire au risque d’un embrasement du continent. Il est consternant que le Président de la République -aveuglé par sa soif de « leadership » international ou prêt à instrumentaliser la tragédie ukrainienne à des fins de politique intérieure ?!- ait pu déclarer qu’il ne fallait « pas exclure » d’envoyer des troupes combattre les Russes en Ukraine ! Dans quel monde vivons-nous ? Un monde dangereux qui a un besoin vital d’esprit de responsabilité, de vision à long terme, et, dans l’immédiat, tant en Palestine qu’en Ukraine, de cessez-le-feu durables !
RIMA HASSAN : LE DÉBAT, OUI ! LE LYNCHAGE, NON !
Est-il encore possible de débattre sérieusement, à partir de faits établis, et dans le respect mutuel, sur le Proche-Orient, en France ? La question se pose une fois de plus à propos des graves accusations portées sur les réseaux sociaux par un célèbre animateur, fort de son audience, contre la jeune juriste franco-palestinienne Rima Hassan. Pour qui n’a pas suivi cet épisode déplorable, rappelons que Rima Hassan, à qui on doit notamment la création de l’Observatoire des camps de réfugiés palestiniens, et qui est devenue une figure de la jeunesse palestinienne, avait été classée parmi « les 40 femmes d’exceptions »par le magazine américain Forbes. Cette distinction n’a manifestement pas plu à la vedette de la télévision, qui a accusé la jeune femme de « faire l’apologie du terrorisme du Hamas » -alors même qu’elle a condamné « les crimes de guerre du Hamas »- et « d’être une antisémite patentée » ! Des propos outrageants sur lesquels l’intéressé devra s’expliquer devant la Justice, Rima Hassan ayant, logiquement, décidé de porter plainte pour diffamation.
Que lui reproche-t-on dans les faits ? De qualifier d’ « apartheid » le régime en place en Israël à l’égard des Palestiniens ? Faut-il rappeler à ses détracteurs que des responsables israéliens de haut rang eux-mêmes font leur cette analyse. Le dernier en date est l’ancien chef …du Mossad, Tamir Pardo, pour qui « les mécanismes israéliens de contrôle des Palestiniens (…) alors que les colons juifs dans les territoires occupés sont gouvernés par des tribunaux civils, sont à la hauteur de l’ancienne Afrique du Sud » (1).
Certes, je ne partage pas toutes les positions de Rima Hassan. Par exemple, elle semble davantage miser sur l’hypothèse d’un futur État binational israélo-palestinien que sur « la solution à deux Etats » nécessitant un engagement fort de la communauté internationale. Je comprends la désillusion alimentée par l’abandon, de fait, de la cause palestinienne par les dirigeants occidentaux tout comme par ceux des pays arabes, malgré la radicalisation jusqu’à l’extrême du pouvoir israélien. Je suis néanmoins de ceux qui restent convaincus qu’il n’y a pas d’alternative à la bataille pour l’édification d’un État palestinien sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. De même, la reprise du slogan « De la rivière (le Jourdain) à la mer (Méditerranée) » (souvent assimilé à la non-reconnaissance de l’Etat d’Israël) me semble malheureuse et contre-productive. Certes, Rima Hassan précise la signification qu’elle donne à cette expression, à savoir : « on veut libérer TOUS les Palestiniens; ceux des camps, ceux de Gaza, ceux de Cisjordanie, ceux d’Israël et tous ceux de la diaspora ». Mais le risque d’incompréhension est réel.
En tout état de cause : comment ne pas comprendre qu’une personne née dans un camp de réfugiés, qui n’a connu de la part des dirigeants israéliens que la politique coloniale, et de la part des dirigeants occidentaux que l’impunité à l’égard des occupants, avant d’assister au « cauchemar de Gaza » (Antonio Guterres) et à des « actes susceptibles de tomber sous le coup de la Convention sur le Génocide » (Cour Internationale de Justice) de la part de hauts responsables israéliens, n’use pas nécessairement, pour exprimer ses sentiments, des mêmes mots que nous, qui, tout solidaires que nous soyons du peuple palestinien, sommes néanmoins loin du front? L’échange respectueux permet aisément de clarifier d’éventuels malentendus ou d’acter, le cas échéant, des différences. Rien de plus méprisable, en revanche, que la chasse aux sorcières fondée sur la mauvaise foi et la volonté de nuire.
Le débat, Oui ! Le lynchage, Non !
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(1) France Culture (7/9/2023)




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