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GUERRE DE GAZA : FAILLITE MORALE ET FIASCO POLITIQUE

L’opinion internationale -largement solidaire du peuple israélien au lendemain des actes terroristes du 7 octobre- constate jour après jour, avec effarement, les effets du choix funeste du « cabinet de guerre » réuni autour de Netanyahou de se livrer à une punition collective d’une férocité sans nom contre toute la population de Gaza et, au-delà, contre le peuple palestinien dans son ensemble, comme en témoignent les violences criminelles des colons et de l’armée qui ont cours quotidiennement en Cisjordanie (200 Palestiniens tués en l’espace de six semaines !) En moins de deux mois, la guerre de Gaza aura provoqué des évolutions sensibles de l’image du  pays dans le monde entier. « L’atmosphère change » notait à ce propos un journaliste-vedette de la télévision à la mi-novembre, avant de poser à ses invités une question inconcevable avant cette guerre : « peut-on parler de désastre moral, de faillite morale » (d’Israël) ? (1)

C’est que les signes d’un tel ressenti s’accumulent désormais dans des secteurs très divers de l’opinion publique internationale. Ainsi, un sondage publié le 23 octobre dernier indique que 66% des citoyens des Etats-Unis -et même 80% chez les démocrates- , bouleversés par le sort réservé à la population civile de Gaza, sont favorables à un cessez-le-feu auquel Tel-Aviv et ses plus proches alliés s’opposent farouchement !  Par ailleurs, de Londres à New-York en passant par Paris, Genève, Lisbonne, Amsterdam, Varsovie… -pour n’évoquer que le monde occidental- se multiplient des mobilisations massives et d’autres formes de contestation de cette guerre dont la cruauté sidère et révolte. Significatifs sont  également les remous qui secouent le Département d’Etat, la Commission européenne et le Quai d’Orsay. 

Quelle honte, enfin, pour les dirigeants Israéliens, de faire l’unanimité contre leur sale guerre parmi les agences des Nations unies : « Le monde est témoin d’une catastrophe humanitaire qui se déroule sous nos yeux »    (Secrétaire général de l’ONU); « Ce carnage à Gaza ne peut pas continuer » (Chef des opérations humanitaires de l’ONU); « Il y a un risque immédiat de famine »(Programme alimentaire mondial); « Je n’ai jamais vu une telle dose de peur, de colère et de désespoir dans ma carrière » (Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme); « Je pense qu’il y a une tentative délibérée d’étrangler notre opération » (Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, dont plus de 100 membres du personnel sont morts !); « En moyenne, 160 enfants sont tués chaque jour à Gaza »(Organisation mondiale de la santé);  « La situation est insoutenable » (Comité international de la Croix rouge); « Une population entière est assiégée et attaquée, privée d’accès aux éléments essentiels à sa survie » (appel d’une vingtaine d’agences des Nations unies et d’ONG partenaires) ! À la faillite morale s’ajoute, pour le pouvoir israélien, un fiasco politique, cette guerre atroce risquant d’entraîner une radicalisation des Palestiniens et un isolement accru d’Israël dans la région. 

Dans ce contexte, qui veut sauver l’honneur de ce pays et les chances d’une paix durable avec ses voisins doit appeler à un cessez-le-feu immédiat ainsi qu’à l’ouverture d’une négociation globale sur la constitution d’un État palestinien digne de ce nom…Et contribuer, dans cette optique, à faire grandir l’exigence de la libération de Marwan Barghouti !

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(1) David Pujadas sur LCI (17/11/2023)

23 novembre 2023 at 3:10 Laisser un commentaire

« QU’AS-TU FAIT, BIBI ? TU AS TUÉ MA FILLE ! »

Une attaque massive contre la population civile comme celle du Hamas en Israël est inacceptable et appelle une ferme condamnation. Déroger à ce principe ouvre la porte à toutes les dérives et ne rend pas service à la cause palestinienne. Nombre de responsables politiques à travers le monde occidental vont se servir hypocritement de cette situation pour resserrer leurs liens avec un Netanyahou devenu jusqu’alors de plus en plus infréquentable. Le risque est immense que ce pouvoir d’extrême-droite tente de retourner en sa faveur l’affront subi en se lançant dans une escalade meurtrière, voire en poussant encore plus loin ses plans de reconquête de toute la Palestine -conformément à la carte récemment exhibée par le Premier Ministre aux Nations unies. 

Quiconque serait enclin, dans ce contexte dramatique, à chercher des circonstances atténuantes à ce gouvernement et à son chef, aux mains couvertes de sang, devrait méditer la leçon de dignité que donna il y a un quart de siècle une femme israélienne qui venait de perdre sa fille dans un attentat palestinien à Jérusalem. Cette femme est Madame Nurit Peled-Elhanan. À la question, qui fut souvent posée à cette combattante pour une paix juste et durable avec le peuple palestinien : « Qu’est-ce que vous diriez si votre fille ou votre fils était tué dans une opération terroriste palestinienne ? », elle répondait : « Je continuerais d’affirmer que la politique désastreuse qui réduit les Palestiniens au désespoir est la source de cette catastrophe. Un tel malheur, s’il devait tomber sur moi, me renforcerait dans ma conviction que seule la coexistence entre les deux peuples mettra fin au cycle de la violence et de la mort d’innocents » (1). Le 4 septembre 1997, ce qu’elle appellera « la plus monstrueuse des monstruosités qu’on puisse imaginer » l’a effectivement frappée : sa fille Smadar, 14 ans et son amie Sivane ont perdu la vie. 

Arrêtons-nous sur cette tragédie familiale, qui ressemble à chacune des tragédies touchant les proches des nombreuses victimes de l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier. Sauf que Nurit Peled, fille d’un ancien général de l’armée israélienne -devenu un militant exemplaire de la paix-, était une amie d’enfance de Benjamin Netanyahou. Celui-ci, alors (déjà) Premier Ministre, et qui connaissait la jeune victime, appela Nurit pour lui présenter ses condoléances. C’est à cette occasion que cette mère éplorée lança cette réplique ayant pris valeur de symbole : « Qu’as-tu fait, Bibi ? Tu as tué ma fille ! » Un représentant de Yasser Arafat assistera aux obsèques de Smadar. Quant à Nurit, elle consacre toute sa vie à combattre la politique d’occupation, de colonisation, d’oppression et d’humiliation des dirigeants de son pays, dont résultent à ses yeux les attaques telles que celle qui lui enleva sa fille.

En 2001, le groupe politique que j’avais l’honneur de présider au Parlement européen proposa -avec succès- pour le Prix Sakharov, conjointement l’Israélienne Nurit Peled et le Palestinien Izzat Ghazzawi, dont le fils de 16 ans avait été tué par l’armée israélienne alors qu’il portait secours à un ami blessé dans la Cour de leur école. Durant leur témoignage respectif, dans un hémicycle archi-comble, un impressionnant recueillement laissa espérer que, pour le moins dans l’esprit des présents, la cause d’une paix juste au Proche Orient avançât d’un grand pas . Puisse un phénomène semblable se reproduire aujourd’hui.

(Cette chronique, destinée à l’Humanité-Magazine du 12 octobre 2023, a été rédigée le 7 octobre.)

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(1) Voir « Monde diplomatique », octobre 1997

12 octobre 2023 at 6:01 1 commentaire

VERS UNE DÉFAITE D’ERDOGAN ? UN ESPOIR ET DES QUESTIONS 

 Après 21 ans de règne, Erdogan et son parti, l’AKP, risquent l’échec lors du double scrutin du 14 mai prochain : l’élection présidentielle (1er tour) et les élections législatives (à un seul tour). Pour analyser les enjeux de cet événement politique majeur, l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) vient d’organiser une passionnante table ronde (1) : l’essentiel de ce qui suit est inspiré de ces échanges.

Depuis dix ans, les signes d’une volonté de changement de la société turque se sont multipliées : depuis le spectaculaire mouvement de protestation de 2013 jusqu’à la victoire de l’opposition à Ankara, et surtout dans le fief d’Erdogan, Istanbul (16 millions d’habitants), en 2019, en passant par l’irruption du parti progressiste HDP du très respecté Selahattin Demirtas, qui priva pour la première fois Erdogan de la majorité absolue au Parlement en 2015 (et qui est en prison depuis 2016 !)  L’hyper-centralisation autoritaire du régime qu’a permise la mise en place d’un régime présidentiel; l’instrumentalisation du coup d’Etat avorté de 2016 pour mener une répression de masse, féroce et arbitraire; l’insupportable ordre moral et conservateur institué par le pouvoir; la profonde crise économique et sociale en cours (une inflation proche de 100%); enfin les graves négligences de l’administration révélées par les récents séismes, ont sérieusement entamé la base sociale du régime. 

Dans ce contexte, l’opposition a travaillé à constituer une coalition autour du grand parti de centre-gauche, membre du PSE, le CHP. C’est le Président de ce parti, Kemal Kiliçdaroglu, qui représentera les six partis coalisés à l’élection présidentielle. Le HDP (11 à 13 % des voix) ayant, au vu des circonstances, décidé de ne pas désigner de candidat et d’appeler à tout faire pour battre Erdogan, Kiliçdaroglu a de réelles chances de devenir le prochain président de la Turquie. Tout va dépendre de la dynamique politique à l’œuvre durant les trois semaines à venir. 

Si l’éventualité d’une défaite d’Erdogan suscite des espoirs -notamment en matière de démocratie- à la hauteur du rejet d’un régime massivement honni, des questions demeurent sur les changements concrets à attendre, le cas échéant, de cette nouvelle coalition, très hétérogène (avec une dominante de centre-gauche, mais aussi une formation de droite nationaliste et plusieurs anciens Premiers ministres ou ex-ministres d’Erdogan) et divisée sur des sujets majeurs, comme la question kurde, qui doit faire l’objet, en cas de victoire, d’un grand débat au Parlement, le principal atout du HDP étant que la coalition a besoin de son soutien. Par ailleurs, si la volonté de revenir à un régime parlementaire et de pratiquer une gestion du pouvoir moins agressive semblent, le cas échéant, assurée, des incertitudes demeurent sur ce que serait la politique économique des nouvelles autorités. Quant à la politique extérieure (relations avec la Grèce, Chypre, l’Arménie vs l’Azerbaïdjan, l’OTAN, la Russie, la Syrie, l’Afrique…), elle ne devrait pas fondamentalement changer, si ce n’est par un renforcement de la « vocation européenne et occidentale » de la Turquie. A suivre…

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(1) Autour de Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS, lui-même expert de la Turquie, étaient réunis le 20 avril 2023 Ahmet Insel, économiste et politologue ; Bahadir Kaleagasi, président de l’Institut du Bosphore et Barçin Yinanç, journaliste. 

27 avril 2023 at 5:53 Laisser un commentaire

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