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14 JUILLET 2015 : RETOUR SUR UN ACCORD DE PAIX EXEMPLAIRE
La « guerre préventive » d’Israël contre les sites nucléaires iraniens et les assassinats ciblés de scientifiques iraniens, complétés par les super-bombes américaines, ont-ils mis fin au programme nucléaire de Téhéran ? La plupart des experts en doutent. A l’inverse, cette folle aventure militaire coûte très cher au peuple iranien : outre les centaines de victimes civiles de l’agression israélienne, elle a entraîné une vague de répression du régime contre ses opposants sous couvert de chasse aux espions. Les seules frappes israéliennes sur la (tristement célèbre) prison d’Evin ont coûté la vie à 71 personnes parmi lesquelles nombre de détenus politiques, de proches en visite, de gardiens respectés. Elles ont « fragilisé la lutte des dissidents » note « L’Orient-le Jour ». S’ajoutent à ce désastre le projet de l’Iran de refuser désormais les contrôles de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, voire de se retirer du Traité de Non-Prolifération nucléaire (qui entraînerait la fin définitive des contrôles internationaux), ainsi que la certitude, selon des spécialistes de la région, que cette guerre va « alimenter au Moyen-Orient la haine de l’Occident et le désir de vengeance » (1). Un chaos qui tranche tragiquement avec le résultat prometteur obtenu il y a tout juste 10 ans grâce à un accord de paix exemplaire conclu entre la communauté internationale et l’Iran : l’emblématique Accord de Vienne. Retour sur ce succès historique, torpillé par Trump 1 en 2018, avec les conséquences que l’on sait.
Tout avait commencé, en 2002, par des révélations sur la construction clandestine d’un site d’enrichissement de l’uranium en Iran. Le pays se préparerait-il à se doter de l’arme atomique ? La France, l’Allemagne et la Grande Bretagne prirent ensemble la bonne initiative d’engager, à partir de 2003, des négociations avec Téhéran. Ils furent rejoints en 2006 par les Etats-Unis, la Chine et la Russie, ainsi que par l’Union européenne comme telle. Cette coalition exceptionnelle travailla en relation étroite avec l’AIEA. Les bases de la négociation étaient, en principe, claires (même si la France en eut une lecture volontiers plus exigeante que d’autres) : dès lors que l’Iran, signataire du Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP), respecte les règles de celui-ci -qui interdisent l’usage militaire mais autorisent l’usage civil du nucléaire sous la supervision de l’AIEA- le pays échappera aux sanctions économiques internationales et pourra trouver sa place dans les relations internationales (2).
La structure très particulière du pouvoir iranien -celui, archi-dominant, du « Guide », celui des inflexibles « gardiens de la révolution », mais aussi celui du Président élu, auquel le guide peut laisser une certaine marge de manœuvre en fonction des rapports de force dans le pays- n’a pas simplifié les pourparlers. Après 10 années de langage de sourds sans résultats concluants -malgré l’application de sanctions internationales de plus en plus sévères à l’économie Iranienne- la situation se débloqua en 2013, après l’élection d’un Président iranien « modéré » : Hassan Rohani. Celui-ci dépêcha à Genève puis à Vienne des négociateurs brillants, avec un mandat réaliste : obtenir la levée des sanctions contre l’acceptation d’une limitation stricte du nombre de centrifugeuses et du niveau d’enrichissement de l’uranium ainsi que d’un contrôle international conséquent. L’AIEA confirma le plein respect de ces engagements. Un pari historique était gagné.
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(1) Robert Malley, ancien négociateur américain de l’accord de Vienne de 2015, éminent spécialiste du Moyen-Orient (in « Le Monde » , 25/6/2025)
(2) Israël est la seule puissance nucléaire du Moyen-Orient. Elle n’a pas signé le TNP et ne fait donc l’objet d’aucun contrôle de l’AIEA
TRUMP ET LA (NOUVELLE) CRISE EXISTENTIELLE DE L’EUROPE
« Les temps où nous pouvions totalement nous reposer sur d’autres sont en partie révolus. Nous, les Européens, nous devons vraiment prendre notre destin en main » : ainsi parla Angela Merkel le 28 mai 2017 après un sommet des puissances occidentales au cours duquel les discussions entre « alliés » s’étaient déroulées de façon « très insatisfaisante » selon la Chancelière, pourtant tenue jusqu’alors pour une atlantiste inconditionnelle. Le fait nouveau portait un nom : Trump. En qualifiant l’Union européenne d’« ennemie, peut-être pire que la Chine », le nouveau Président américain avait suffisamment bouleversé les fondamentaux transatlantiques pour que soit alors évoquée une « crise existentielle » de l’Europe. Pour autant, le désarroi de ses dirigeants ne conduisit nullement ces derniers à délaisser leur suivisme de Washington pour s’engager dans un authentique multilatéralisme. « L’autonomie stratégique » demeura, pour l’essentiel, un slogan.
Il aura suffi que Joe Biden arrive au pouvoir pour éteindre toutes les velléités réformatrices des Européens : « America is back! », lança le premier; « Notre amitié transatlantique est irremplaçable » répondit sans la moindre nuance, au nom des seconds, celle qui semblait, quatre ans auparavant, décidée à rebattre les cartes de l’allégeance au protecteur américain. Tout à leur soulagement, les Européens voulurent oublier que, même débarrassée des dangereuses dérives d’un Trump, la relation UE-USA restait celle de vassaux à leur suzerain. Et, pire : que la défaite de Trump ne signifiait pas la fin du trumpisme (la politique de Biden n’y étant pas pour rien…). Plutôt que de profiter du retour de l’« amitié »euro-américaine pour tenter de négocier un partenariat à tout le moins plus équilibré et moins exclusif, l’écrasante majorité des dirigeants européens se satisfirent du retour, aussi précaire que furtif, au « confort »occidentalo-occidental.
Pendant quatre ans, ils acceptèrent au nom du moindre mal la poursuite des privilèges exorbitants du dollar et l’extraterritorialité du droit américain ; les 369 milliards de dollars de subventions promises aux industries vertes, à condition qu’elles s’installent aux Etats-Unis; la conclusion-surprise d’un partenariat stratégique avec l’Australie et la Grande Bretagne conduisant à la rupture du « contrat du siècle » pour la livraison de sous-marins français à Canberra; les pressions grandissantes pour le « partage du fardeau »des dépenses militaires de l’OTAN; le retrait unilatéral, brutal et chaotique de l’armée américaine d’Afghanistan, le soutien indéfectible de Washington à Israël dans sa guerre monstrueuse à Gaza et l’accentuation de la fragmentation du monde opposant l’Occident-modèle à un Sud global jugé non fiable, voire traité de « rival systémique ». Tout cela pour finir par le retour de Trump, plus agressif et imprévisible que jamais. Un véritable fiasco stratégique.
Nous voilà en face d’une nouvelle crise existentielle de l’Europe, car, en plus du décrochage économique et de la crise climatique, qui risquent fort de s’accentuer, l’UE subit désormais le «trumpisme » en son sein même, bien au-delà du petit dictateur hongrois. Par choix ou par opportunisme, des stratégies « Trump-compatibles » ont été mises en place avant même les élections américaines. Ainsi du projet lancé par le responsable de la politique européenne et internationale de la CDU, la puissante droite allemande proche du retour au pouvoir à Berlin : faire de la « post-fasciste » Giorgia Meloni l’architecte d’une nouvelle relation Bruxelles-Washington sous Trump ! (1) L’idée fait son chemin… Un vrai combat de civilisation en perspective !
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(1) Klaus Welle, ancien Secrétaire général du Parlement européen (le 4/11/2024 sur X)




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