LE DROIT EUROPÉEN ET LE « DUMPING SOCIAL »
5 décembre 2013 at 12:39 1 commentaire
Pour « re-fonder » l’Europe, il est bon de bien cerner ses fondements actuels , pour mieux les cibler dans les débats comme dans les actions. Exemple très actuel: la directive sur les « travailleurs détachés » de 1996 . Rappelons-en la teneur: une entreprise établie dans un pays de l’Union européenne (UE) peut « détacher » des travailleurs dans un autre Etat de l’UE pour y fournir un service pendant une période limitée. Dans ce cas, l’entreprise étrangère peut appliquer les règles de son pays d’origine, sauf en ce qui concerne « un noyau dur de règles protectrices clairement définies »pour lesquelles s’applique le droit du travail du pays d’accueil. Dans ce « noyau dur » figure notamment le respect du salaire minimum du pays d’accueil, mais ….pas le versement des cotisations sociales . Celles-ci doivent être payées dans le pays d’origine (soit, selon l’Etat en question, deux voire trois fois moins qu’en France,par exemple.) Le « coût du travail » – qui obsède tant le patronat- sera donc bien moindre pour l’entreprise étrangère que pour ses concurrentes locales. Ce qui encourage naturellement les employeurs du pays d’accueil à accentuer encore leur chantage à l’emploi et les pressions à la baisse des salaires et des « charges » sociales , ou encore à sous-traiter les travaux qui s’y prêtent à des entreprises de pays voisins, aux législations plus douces aux patrons.
Il est beaucoup question de cette directive en ce moment . A Bruxelles, on fait grand cas de la préparation d’une nouvelle directive (annoncée par M. Barroso, le président de la Commission, depuis … 2009 ) visant à améliorer « l’application » de la précédente pour limiter (à la veille des élections européennes) les abus scandaleux qui révulsent légitimement les citoyens. Il faut naturellement suivre de près ces négociations .Toute (éventuelle) avancée, même très partielle , mériterait, le cas échéant , notre soutien. Mais la bataille ne peut s’arrêter là.
Elle doit éclairer les citoyens sur l’imposant arsenal juridique européen progressivement mis en place, et qu’il faut remettre en cause car il « légalise » le « dumping » social par la mise en concurrence des travailleurs et des modèles sociaux . La directive de 1996 sur les « travailleurs détachés »n’est que la partie émergée de cet iceberg . Elle était même censée en être le « garde-fou » grâce à son « noyau dur de règles protectrices » destiné à éviter des explosions sociales.
Le problème de fond, ce sont d’abord les traités, dont tout découle. La « libre circulation des services » est citée dès le traité de Rome en 1957 parmi les « libertés du marché », mais sa réalisation commence réellement à la fin des années 80 avec le « marché unique », puis se poursuit avec Maastricht. La directive « Bolkestein » était directement inscrite dans cette ligne stratégique. Par ailleurs, la Cour de Justice de l’UE s’est lancée , à partir de 1991 ,dans une interprétation de plus en plus libérale des traités, allant jusqu’à autoriser, en 2008, une entreprise de construction polonaise à payer ses ouvriers « détachés » en Basse-Saxe moitié moins que le …salaire minimum en vigueur dans le secteur du bâtiment de ce Land allemand, sous prétexte qu’il ne s’agissait pas d’un SMIC national! Elle a également condamné le Luxembourg pour avoir obligé des entreprises étrangères d’appliquer à leurs « travailleurs détachés » la loi luxembourgeoise qui prévoit l’indexation automatique des salaires sur le coût de la vie!.La directive de 1996 s’avère être un garde-fou qui n’arrête pas les fous …C’est bien pourquoi il faut aller beaucoup plus loin et réorienter en profondeur cette Europe, en visant sa refondation .
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1.
Pascal GRANDJEAT | 9 décembre 2013 à 10:33
Refonder l’europe en tournant le dos aux européens?!
3 semaines après la convention du PCF sur l’Europe, le mur édifié pour écarter les citoyens de toute implication sur ces enjeux est plus opaque que jamais:
* aucune trace des améliorations apportées à l’avant-projet par la convention (à en croire l’huma du surlendemain).
La seule version du projet, très laborieusement accessible sur le site du PC,F est une version antérieure à la convention.
Pas la moindre fenètre n’est offerte au lecteur pour s’approprier , enrichir, commenter ce texte et rien ne parait envisager pour encourager sa diffusion et sa mise en débat.
* interdiction pure et simple d’accès au document préparatoire au congrès du PGE (par le site du PCF, sur lequel ce document n’est même pas mentionné, ni sur le site PGE, sur lequel il faut un mot de passe pour accèder au document!!! (mieux vaut en rire qu’en pleurer.
Et comme les statuts du PGE interdisent toujours une adhésion directe, renvoyant les citoyens des pays où il existe des partis membres à une adhésion à ces partis membres, considérant à quel point les dits partis dédaignent les enjeux de mobilisation politique à l’échelle européenne, les dirigeants de l’europe libérale peuvent dormir tranquille.
Si on se souvient que le 25 juillet, francis Wurtz nous annonçait l’ouverture d’une coconstruction des réponses de rupture avec l’europe qui nous musellent, il y a de quoi rager… Y-a-t-il un pilote et une volonté politique dans l’avion de la gauche européenne???