Posts filed under ‘Francis Wurtz’

IRLANDE, LES « SECRETS » DE LA VICTOIRE DE LA GAUCHE

Il n’est pas superflu de revenir sur un événement qui mérite mieux qu’un furtif coup de chapeau, surtout dans une période davantage marquée par les poussées d’extrême-droite que par les succès progressistes : l’élection, le 24 octobre dernier, de la candidate commune à toute la gauche, Catherine Connolly, à la présidence de la République d’Irlande. Cette fonction n’est, certes, pas comparable en Irlande à ce qu’elle est en France, mais les « secrets » de la victoire de la gauche -une première dans l’histoire de ce pays proche- ne peuvent nous laisser indifférents. 

Comment une femme, issue d’une famille modeste, n’appartenant à aucun parti depuis qu’elle a quitté le Labour (parti travailliste) pour désaccord en 2006, élue locale puis députée indépendante mais n’ayant pas, jusqu’alors, joué de rôle politique de premier plan, a-t-elle pu réussir à infliger une défaite cinglante (63,4% !) à une « classe politique » conservatrice dont les deux principaux partis monopolisent, alternativement ou en coalition, le pouvoir depuis des décennies ! Trois atouts de la candidate expliquent largement son résultat proprement historique : sa personnalité, ses orientations et le rassemblement sur son nom de toutes les forces de gauche.

Sa personnalité ? A l’opposée des politiciens dont les postures lassent les citoyens et citoyennes, elle a mené « une campagne authentique et humaine »,  montrant qu’« elle comprenait les épreuves que subissent les travailleurs et leur famille » -en matière de pouvoir d’achat, de logement, de services publics…-, souligne Declan Kearney, président national du Sinn Féin, résumant la tonalité de nombre de témoignages parus dans la presse irlandaise. Ses orientations ? Outre les priorités sociales, « la menace existentielle que constitue le changement climatique », et naturellement la réunification de l’île, il y a sa solidarité sans faille avec le peuple palestinien et, plus généralement, ses positions fortes sur le plan international, qu’elle expose sans mâcher ses mots ! « C’est ce qui a rendu sa campagne si rafraîchissante pour ses supporters et si menaçante pour l’establishment » note, admiratif, Daniel Finn, de la « New Left Review » de Londres, comme lorsqu’elle lance : « J’ai honte d’être Européenne quand je vois Von der Leyen (Présidente de la Commission) épaule contre épaule avec un criminel de guerre ! », ou qu’elle fustige le démantèlement de « l’Etat-providence » pour financer la militarisation du pays. Totalement hostile à cette dérive, elle se veut « une voix pour la paix ». Aussi condamne-t-elle avec force « l’horrible agression russe » de l’Ukraine, sans taire la lourde responsabilité de l’OTAN qui « a joué un rôle méprisable en avançant jusqu’à la frontière et en se livrant à des actes de guerre ».  

C’est sur ces bases que les 5 partis de gauche et verts, le mouvement syndical et les organisations de défense des droits,  ainsi que des personnalités progressistes indépendantes, ont su forger un rassemblement qui les a conduits à la victoire. Pour les prochaines élections législatives, « si la gauche agit avec la même maturité stratégique, l’Irlande peut avoir un gouvernement populaire », juge Seán Mac Brádaigh, écrivain et ancien conseiller de Gerry Adams, figure historique du Sinn Féin. C’est tout ce que nous souhaitons à nos amis irlandais…et à nous mêmes.

6 novembre 2025 at 1:01 Laisser un commentaire

« LA PAIX PAR LA FORCE » (TRUMP) OU PAR LE DROIT (ONU) ?

Ce 24 octobre, cela fait 80 ans qu’a été ratifiée la Charte des Nations unies instituant l’ONU. Les premiers mots de ce texte historique rédigé en 1945 illustrent à eux seuls son actualité : « Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre (…), à proclamer notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes ainsi que des nations, grandes ou petites »…C’est, en réalité, dès octobre 1943, dans le fracas des bombes, que les Alliés américains, britanniques et soviétiques avaient prévu, à la Conférence de Moscou, de fonder, après la victoire sur le nazisme et le fascisme, une organisation universelle « pour la sauvegarde de la paix ». Aujourd’hui, alors que nous vivons une période de vives tensions internationales et de nouvelle course aux armements, que les violations des principes de la Charte sont légion, et que tend à s’imposer, de Washington à Moscou, en passant par Tel-Aviv, l’implacable loi du plus fort, il est grand temps d’ouvrir un débat de fond sur la place et le rôle des Nations unies.

Il est, en effet, de bon ton d’épiloguer sur l’ « impuissance » et « l’inefficacité » de l’ONU qui serait « décalée » par rapport au monde réel de notre temps… Gardons-nous de jouer, à notre corps défendant, le jeu des adversaires de tout multilatéralisme, tel un Trump qui se targue de ne jamais céder la souveraineté des Etats-Unis « à une bureaucratie mondiale non élue », et qui, en conséquence, asphyxie financièrement l’ONU et quitte l’Organisation mondiale de la santé, tout comme l’UNESCO ! Si le Conseil de sécurité n’empêche effectivement plus certaines guerres, c’est que ses États membres les plus puissants se chargent eux-mêmes de le paralyser. C’est sur eux que doivent s’exercer les pressions, non sur la seule institution universelle, dont la Charte est une référence mondiale, dont l’Assemblée générale est seule à réunir, à égalité, toutes « les nations, grandes et petites » et dont les nombreuses agences spécialisées apportent une aide vitale à des centaines de millions d’humains dans tous les domaines de la vie (alimentation, santé, climat, éducation et culture…) !

Ce rappel s’impose d’autant plus que Trump tente manifestement d’utiliser le cessez-le-feu obtenu à Gaza pour légitimer sa devise « la paix par la force » comme une sorte d’alternative au principe onusien de la paix par le droit. Il est, dès lors, crucial, de rappeler les conditions dans lesquelles ce (faux) « plan de paix » a connu un (vrai) succès dans l’immédiat. D’abord, ce n’est que lorsque l’isolement mondial du gouvernement Netanyahou rendait intenable la poursuite du soutien politique et militaire inconditionnel à son allié privilégié -au point que l’opinion américaine, électeurs trumpistes compris, a majoritairement condamné le pouvoir israélien- que Trump s’est résolu à lui dire Stop, rendant ainsi possible la libération des otages. Pour la suite, son plan est d’une telle ambiguïté que tout est possible, y compris le pire : la reprise de la guerre. Enfin, le rôle personnel inouï que s’attribue Trump dans l’organisation de l’avenir du peuple palestinien  disqualifie définitivement sa conception de « la paix par la force ». L’ONU, le droit international et le droit des peuples à choisir leur destin sont décidément irremplaçables.

24 octobre 2025 at 9:59 Laisser un commentaire

EUROPE : LE « LEADERSHIP » DÉFRAÎCHI D’ EMMANUEL MACRON

Si en matière de politique intérieure, l’aura d’Emmanuel Macron se réduit visiblement en peau de chagrin, l’ambition européenne affichée par le Président de la République subit, elle aussi, l’outrage des ans…La séquence inouïe qui secoue la France depuis l’irresponsable dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024 fait peu à peu de notre pays le nouvel « homme malade » de l’Europe. Mais c’est bien avant cette date que certains anciens inconditionnels du Jupiter de l’Elysée constataient déjà avec amertume ses  renoncements aux objectifs énoncés à son arrivée, dans ses grands discours de 2017.

Ah, 2017, et ses stimulantes promesses  ! « Il faut refonder l’Europe, sans répliquer les erreurs d’hier ! Non pas poursuivre ce qui ne va pas ou essayer de l’ajuster, mais commencer par l’examen critique, sans concession, de ces dernières années ! » (7/9/2017). « Ce qui s’est passé en 2005 (NB : le succès du NON au traité constitutionnel européen à l’issue d’un débat citoyen d’une ampleur et d’une qualité sans précédent en France, FW), c’est qu’une page s’est tournée et nous ne l’avons pas vu tout de suite (sic) : l’Europe ne peut plus avancer à part des peuples. Elle ne peut continuer son destin que si elle est choisie, voulue ». (11/9/2017). L’action du Chef de l’Etat a-t-elle fait avancer d’un iota l’Europe à cet égard ? Poser la question, c’est y répondre. 

Quant au discours-phare de La Sorbonne (26/9/2017), il était centré sur les « 6 clés de la souveraineté européenne » : réaliser une défense européenne « complémentaire de l’OTAN »; relever le « défi migratoire »; construire « un nouveau partenariat avec l’Afrique »; faire de l’Europe le « Chef de file de la transition écologique »; réguler le monde numérique; faire de l’Europe « une puissance économique et monétaire ». 

8 ans après : où en sommes-nous ? Passons sur la « souveraineté » : la soumission des chefs européens aux injonctions de Trump l’a enterrée pour longtemps ! Pour le reste, si la militarisation de l’Europe n’a que trop progressé -mais dans le cadre d’un renforcement substantiel de l’OTAN- et si la politique migratoire de l’Europe s’est sensiblement durcie,  au point que 160 ONG l’ont sévèrement critiquée, que dire des autres grands ex-objectifs du grand timonier de l’Europe ? Sur l’écologie, c’est Emmanuel Macron lui-même qui a demandé « une pause réglementaire », symbole du détricotage en cours du « Pacte vert » européen. Sur les relations avec l’Afrique, une initiative -le « Global Gateway »- fut effectivement lancée en 2021 pour contrer l’influence chinoise dans la région : les « investisseurs » privés sont désormais encouragés à s’intéresser au continent,…tandis que l’aide publique au développement chute depuis deux ans de la part de l’Europe, France comprise ! En ce qui concerne la régulation du numérique, des lois européennes ont effectivement été instaurées : reste à voir si l’Europe saura mieux résister aux menaces proférées par Trump à leur sujet qu’elle ne l’a fait sur les taxes douanières ! Quant à l’économie, loin de sa « puissance » promise, le Rapport Draghi, commandée par la Commission, voit dans son « décrochage » un véritable « défi existentiel »…Naturellement, Emmanuel Macron n’est pas seul responsable de ce bilan déplorable, mais son « leadership » européen est passablement défraîchi. Il ne lui suffira pas de promettre d’ « envoyer des troupes » en Ukraine ni d’ouvrir son « parapluie nucléaire » sur toute l’Europe pour le rafraîchir. 

17 octobre 2025 at 5:03 Laisser un commentaire

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