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PLAN TRUMP : UN ESPOIR, MAIS LOIN D’UN PLAN DE PAIX
L’arrêt de la guerre la plus dévastatrice jamais menée par Israël, la fin des déplacements de masse sous les bombes et le retour d’un minimum d’aide alimentaire pour survivre : cette seule perspective, vitale pour les plus de deux millions de sinistrés Gazaouis, donnait au plan de Donald Trump une force irrésistible. Même les chefs du Hamas, pourtant peu enclins aux concessions, ne pouvaient refuser cet espoir au peuple du territoire palestinien. Ils ont donc accepté le principe de la libération des derniers otages israéliens : on ne peut que s’en réjouir.
Bien que cette décision n’épuise pas toutes les exigences formulées par le président américain, celui-ci -manifestement décidé à réussir son opération « Prix Nobel »- a aussitôt demandé à son allié israélien d’ arrêter « immédiatement » ses bombardements, ce que l’intéressé s’est permis de refuser en poursuivant ses frappes sur Gaza. Il est vrai que le locataire de la Maison Blanche avait promis « l’Enfer » au Hamas s’il n’obtempérait pas à ses injonctions , mais a laissé à Netanyahou nombre d’échappatoires possibles, dont l’intéressé a ainsi rappelé qu’il ne manquera pas de se servir chaque fois qu’il l’estimera nécessaire à sa propre stratégie.
Voilà qui illustre les grandes limites du « Plan Trump » : s’il est actuellement en mesure d’obtenir ce qu’il attend des Palestiniens, il laisse largement la bride sur le cou du pouvoir israélien. Qu’on en juge. Le retrait des forces israéliennes de Gaza ? Il se fera « par étapes » et « jusqu’à une ligne convenue » : Jusqu’où ? Mystère. Dans quels délais ? « A mesure que la Force internationale de sécurité contrôlera » le territoire. Et d’ailleurs, l’armée israélienne restera dans un « périmètre de sécurité » jusqu’à ce que la bande de Gaza soit « correctement sécurisée », sans autre précision, si ce n’est qu’Israël gardera, en tout état de cause, le contrôle de toutes les frontières de la bande de Gaza, y compris celle qui la sépare de l’Egypte !
Les mêmes lourdes ambiguïtés caractérisent les points du plan concernant la future administration de Gaza. Celle-ci doit être confiée à un « Comité palestinien technocratique et apolitique », supervisé par un « Conseil de la paix » présidé par Trump (!) et animé par Tony Blair (en référence au mandat britannique d’avant 1948 ?), « jusqu’à ce que l’Autorité palestinienne ait terminé son programme de réformes »…
Quant à la perspective de la création d’un Etat palestinien, si le mot apparaît dans le plan en question -ce qui est sans doute la marque de la pression de dirigeants arabes dont Trump voulait le soutien- , il n’y est question ni de la Cisjordanie criblée de colonies et menacée d’annexion, encore moins de Jérusalem-Est, ni des réfugiés, ni des frontières internationalement reconnues de 1967. Bref, si le plan Trump suscite, dans l’immédiat, un espoir, on est loin d’un « Plan de paix » !
L’avenir dépendra des rapports de force que les partisans sincères d’une « paix juste et durable » fondée sur le droit international seront capables d’instaurer. Avis aux dirigeants arabes de la région comme aux responsables européens, mais surtout aux opinions publiques, aujourd’hui majoritairement sensibles -y compris aux États-Unis- aux profondes injustices dont le pouvoir israélien se rend coupable envers les Palestiniens.
TONY BLAIR PRESSENTI COMME « GOUVERNEUR » DE GAZA !
Ainsi, Tony Blair serait pressenti pour diriger une future « Autorité internationale de transition pour Gaza » (GITA), dont la création serait envisagée après un éventuel cessez-le-feu ! Bref, l’ex-Premier Ministre du Royaume-uni deviendrait en quelque sorte « gouverneur » provisoire de l’enclave palestinienne, à l’issue de sa destruction par l’armée israélienne. Cette idée saugrenue aurait émergé à la suite d’une rencontre réunissant cet été à la Maison Blanche l’ancien Chef du gouvernement britannique et le gendre de Donald Trump, le tristement fameux Jared Kushner, auto-proclamé « spécialiste » du Moyen-Orient.
Voilà qui nous rajeunirait de près de 20 ans, en nous ramenant à l’époque où le même Tony Blair était nommé « Émissaire spécial » du « Quartet » (Etats-Unis, Union européenne, Russie et ONU) au Proche-Orient, en 2007. Il accomplira (à sa manière) sa « mission » jusqu’en 2015. À l’époque, tous les observateurs de la vie politique se rappelaient l’alignement obséquieux du locataire du 10 Downing Street sur George W. Bush lors de la guerre d’Irak, engagée sur la base d’un mensonge d’Etat -une attitude qui lui valut le surnom de « caniche » du Président des Etats-Unis . Chacun comprit d’emblée qu’il ne fallait pas attendre de miracle de cette nomination. Pour le quotidien britannique « The Independent », « Tout le monde savait que Tony Blair vendait surtout de l’illusion », tandis qu’aux yeux de la « Suddeutsche Zeitung » , « Un caniche reste un caniche : Bush imposera ses vues » (1)
De fait,le moins qu’on puisse dire est que son passage dans la région n’a pas laissé de souvenirs impérissables, ni du point de vue de son bilan politique ni en matière d’investissement personnel…sauf dans le business des milieux d’affaires du Golfe, où le prestigieux « consultant » a bien su mettre à profit son entregent et son carnet d’adresses pour arrondir ses fins de mois (si l’on peut dire). Accessoirement, sa présence épisodique dans les territoires palestiniens, son hébergement de luxe et ses frais de déplacements dans la région coûteront quelque 20 000 euros (de l’époque)… par semaine (2).
Il est vrai que l’affichage de sa mission était prometteur. A l’entendre, elle consistait ni plus ni moins qu’à « faire avancer la paix » entre Israéliens et Palestiniens. Les ministres des affaires étrangères européens qui l’avaient missionné n’étaient pas moins ambitieux en lui demandant d’ « offrir une véritable solution politique aux peuples de la région », à tout le moins d’« obtenir d’Israël le gel des colonies » et la levée du blocus de Gaza. Qu’en fût-il dans les faits ?
Dès 2009, alors que le processus de paix était en échec depuis l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995, qu’une nouvelle guerre -l’opération « plomb durci », la plus meurtrière menée jusqu’alors par l’armée israélienne- venait de ravager Gaza et que Netanyahou venait de réitérer son refus de geler les colonies en Cisjordanie, Blair salua « les améliorations apportées par les autorités israéliennes à la liberté de circulation des Palestiniens » . Il tira de son observation « de chaque côté » la docte conclusion qu’il « s’agit d’une crise de confiance et de bonne volonté ». On connaît la suite ! Réitérer aujourd’hui cette indigne parodie d’action diplomatique constituerait une insupportable forme de mépris pour le peuple de Gaza. Inacceptable !
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(1) Citations tirées d’une revue de presse de France Culture (28/6/2007)
(2) Selon « The Telegraph », cité par « Le Monde » (12/6/2015)
ÉTAT DE PALESTINE : L’EUROPE AU PIED DU MUR
« Israël s’attend à un tsunami diplomatique », avait annoncé la chaîne privée israélienne i24News à la veille de l’Assemblée générale des Nations unies : de fait, la vague de reconnaissances de l’Etat de Palestine qui vient d’y déferler constitue, non pour les forces de paix israéliennes, mais pour le gouvernement Netanyahu et tous ses soutiens, un revers de taille.
Désormais, les Etats-Unis restent le seul des 5 Etats membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies à continuer à mener son combat d’arrière-garde, tandis que plusieurs de leurs plus proches alliés traditionnels -Canada et Australie, en plus de la Grande-Bretagne- viennent à leur tour de renforcer, au sein de l’Assemblée générale de l’ONU, l’écrasante majorité de pays souhaitant voir l’Etat de Palestine pouvoir s’établir souverainement à côté de l’Etat d’Israël, dans des frontières sures et reconnues, telles que prévues par l’ONU depuis 1967 !
Que dire de l’Europe, dans ce contexte ? On est loin de ce que fut la Communauté européenne quand, en 1980, ses dirigeants d’alors furent les premiers au monde à affirmer « la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien » (Sommet de Venise). Loin aussi de l’accueil fait à Yasser Arafat à Rome, Madrid, Athènes et Paris, après la Déclaration d’indépendance de la Palestine en 1988. Après l’échec des Accords d’Oslo de 1993 et l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995, la diplomatie européenne est à l’arrêt. Il faudra attendre 2014 pour qu’un pays de l’UE, la Suède, décide de reconnaître l’Etat de Palestine. Ce n’est que très récemment que l’Espagne, l’Irlande et la Slovénie osent, à leur tour, briser le tabou de la « solidarité de la famille occidentale » en cessant enfin d’attendre « le moment opportun » pour franchir le pas. Quant aux pays d’Europe centrale, qui ont « hérité » du régime politique précédent la reconnaissance de l’Etat de Palestine, ils l’ont purement et simplement oubliée, quand ils ne l’ont pas, de facto, récusée, telle la Hongrie ou la République tchèque.
Quant à la France, son initiative présente est naturellement bienvenue, tout comme l’est la décision de quatre autres pays de l’UE -Belgique, Luxembourg, Portugal et Malte- de lui emboîter le pas. Pour autant, nul n’oubliera le lourd passif de l’Union européenne, prise globalement, France comprise, dans sa politique proche-orientale, faite, depuis un quart de siècle, d’une irresponsable garantie d’impunité totale accordée au pouvoir israélien, quelqu’il fût, et d’une inertie politique délibérée quant aux droits fondamentaux du peuple palestinien -inertie que ne compensent ni l’aide humanitaire effectivement accordée ni le discours creux sinon hypocrite sur le « ferme attachement de l’Union européenne à la solution à deux Etats » !
Et maintenant ? Le tournant qui vient d’intervenir à l’ONU doit se traduire par un changement d’orientation en Europe. Puissent les récalcitrants qui se veulent solidaires d’Israël s’inspirer de l’appel de 9000 Israéliens lancé à la veille de l’Assemblée générale des Nations unies : « Nous sommes opposés à la poursuite de la guerre à Gaza et nous croyons à la paix. Nous appelons les pays du monde entier à reconnaître la Palestine » (1).
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(1) The Times of Israël, 19/9/2025




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