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AGIR POUR LA PAIX DANS UN MONDE COMPLEXE ET GLOBALISÉ
À l’heure où des guerres d’agression d’un autre âge, d’une effroyable cruauté, ébranlent le monde entier, s’ajoutant aux autres insécurités humaines -alimentaire, sanitaire, climatique…-, hélas encore bien plus meurtrières à l’échelle de toute la planète, une réflexion de fond s’impose à nous : comment vaincre cet insupportable sentiment d’impuissance et agir pour une paix véritable dans un monde de plus en plus complexe et globalisé ? Dans son dernier livre, au beau titre de « L’Art de la paix », Bertrand Badie, professeur bien connu de relations internationales, a le mérite de nous donner d’utiles repères en la matière, dans leurs différentes et inséparables dimensions : humaine et sociale; institutionnelle; diplomatique…En cela, ce livre est, dans le contexte présent, un ouvrage de référence (1).
Ainsi, puisant dans sa vaste culture historique, l’auteur passe en revue différents types de règlement apparent d’un conflit, dont aucun n’a conduit à une paix digne de ce nom : ni la « paix hégémonique » imposée par la domination du plus fort, ni « l’équilibre de puissance », précaire et menaçant, ni « la transaction » sur la base d’un compromis territorial. « La non guerre n’est pas la paix ». souligne-t-il . « La paix ne peut plus être pensée indépendamment des risques globaux ». Il convient de « placer le social avant la force » car « le monde est dominé par un gigantesque besoin social que chaque État ne peut plus satisfaire individuellement ». Or, « la souffrance sociale (est) un obstacle à la paix ».
De la même façon, insiste Badie, « le mépris crée la méfiance » et « l’humiliation est source de périls ». Cela vaut pour les relations internationales : « les nouvelles logiques d’interdépendance (rendent) la sécurité des uns de plus en plus dépendante de la sécurité des autres ». Rien de pire, à cet égard, que la « tendance irrépressible à se prétendre le centre du monde » ou à « considérer que les cultures sont irrémédiablement différentes et potentiellement hostiles les unes aux autres »…Mais cela vaut également dans notre entourage immédiat : « L’étranger n’est pas l’ennemi » rappelle l’auteur « Le regard individuel porté sur l’Autre est la base même d’une paix ressentie, intériorisée ». Aujourd’hui, « la condition des migrants (installe) un climat de défiance au Sud ». Le sens de la paix suppose l’altérité et la recherche d’une « commune promotion d’une paix globale ».
Le corollaire indispensable de cette ambition est l’existence d’institutions multilatérales efficaces, qui ne soient pas affaiblies par l’égocentrisme des États, particulièrement les plus puissants d’entre eux, accrochés à leur droit de veto. Un renforcement de l’ONU en matière de prévention des conflits comme de missions autour de l’idée de sécurité humaine est, à cet égard, hautement souhaitable. Dans cet esprit, Badie plaide pour « ouvrir la table à tout un ensemble d’acteurs non étatiques » (ONG, acteurs locaux…) à même de « replacer l’individu au centre des enjeux d’une paix réelle ».
Enfin, l’expert, s’il en est, en matière de diplomatie, appelle les « vieilles puissances » à « sortir de cet entre-soi qui apparaît au total plus belligène que pacificateur ». Fustigeant d’une façon générale « cette ignorance dangereuse qui consiste à penser que le monde se régule à partir de soi », Bertrand Badie consacre tout un chapitre de son livre à imaginer « des écoles formant à la paix ». Un projet plus pertinent que jamais.
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(1) Bertrand Badie : « L’Art de la paix »(Flammarion, 2024) 21€
L’EUROPE, GAZA ET « LA SÉCURITÉ D’ISRAËL »
« Gaza est l’incarnation réelle de l’enfer sur Terre. Si ce niveau d’horreur ne réveille pas notre humanité et ne nous pousse pas à agir, alors qu’est-ce qui le fera ? » Ce cri de vérité, le porte parole de l’UNICEF, l’agence de l’ONU chargée de défendre les droits des enfants, l’a lancé le 18 octobre dernier au vu de l’insoutenable désastre humain qu’aggrave jour après jour la guerre de Netanyahu. Au même moment, les Chefs d’Etat ou de gouvernement européens commentaient à leur manière (dans les conclusions de leur Sommet) cette même situation en ces termes: « Le Conseil européen est vivement préoccupé (…) Il invite toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue (…) Il réaffirme le droit d’Israël à se défendre ainsi que l’attachement de l’Union européenne à la sécurité d’Israël et à la stabilité régionale… » Nulle condamnation du pouvoir d’extrême-droite responsable de ces crimes de guerre et de ces crimes contre l’humanité ni, à plus forte raison, de sanction à son encontre, malgré les prises de position exceptionnellement sévères à son propos des plus hautes juridictions internationales -la Cour internationale de Justice et le Procureur de la Cour pénale internationale !
Une telle insensibilité fait froid dans le dos en même temps qu’elle interroge : comment expliquer cette complaisance et cette impunité, sinon cette connivence à l’égard du pire gouvernement que ce pays ait jamais connu ? Quelle justification peuvent avancer des démocraties occidentales pour un tel déni, elles qui sont, par ailleurs, si promptes à punir les Etats qui attentent aux droits d’un peuple ? Les seules réponses à ces questions majeures que fournisse en l’occurrence le Conseil européen est « le droit d’Israël à se défendre »et « l’attachement de l’UE à la sécurité d’Israël ». La première n’est pas recevable, rien ne pouvant justifier ces crimes de masse en série -pas même la riposte à l’épouvantable attaque terroriste du 7 octobre 2023. Quant à la sécurité d’Israël, elle relève, certes, d’une préoccupation légitimée par l’Histoire. Mais qui peut croire qu’organiser l’anéantissement de Gaza; semer la mort, la faim et la terreur parmi ses 2,4 millions d’habitants; déshumaniser son peuple au point de le traiter d’ « animaux humains », prépare un avenir de paix pour la société israélienne ! Qui peut ignorer cette évidence, internationalement reconnue depuis 1967 : la sécurité d’Israël est intimement liée à l’établissement d’une paix juste et durable avec ses voisins, ce qui passe en premier lieu par la fin de l’occupation et de la colonisation des territoires palestiniens. Ofer Bronchtein, ancien conseiller d’Yitzhak Rabin, que personne ne peut suspecter de sympathie pour le Hamas, le Hezbollah ou le régime iranien, se dit lui-même convaincu que « S’il y avait eu un État palestinien, il n’y aurait pas eu le 7 octobre »(1) Or, Netanyahu et ses semblables s’opposent à toute perspective de création d’un État palestinien comme ils ont systématiquement rejeté depuis 2002 le plan de paix de la Ligue des Etats arabes, proposant la normalisation des relations avec Israël dans le cadre d’une paix globale comprenant l’ensemble des pays arabes, en échange du retrait total des territoires occupés et de la reconnaissance d’un État palestinien sur la base des résolutions de l’ONU.
Là est l’avenir pour tous les peuples de la région. Couvrir les ennemis de cette perspective de paix, c’est se condamner à accepter l’inacceptable.
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(1) TF1-info, 2/10/2024
GAZA, LIBAN : L’EFFROYABLE RANÇON DE L’IMPUNITÉ !
« Nous nous dirigeons vers une longue guerre », déplorait la semaine dernière à l’ONU le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, « mais personne ne semble capable d’arrêter Netanyahu, pas même les Etats-Unis ». Non ! L’impuissance a bon dos. Les terrifiantes bombes « bunker buster » utilisées dans les frappes dantesques de ces derniers jours sur Beyrouth et le Sud-Liban provenaient toutes des Etats-Unis. Leurs dirigeants les ont livrées sans relâche, en pleine connaissance de l’usage qui en serait fait, tant à Gaza qu’au Liban ! Le veto protecteur systématique de Washington au Conseil de sécurité pour faire échec à toute tentative d’enrayer l’escalade de la « dévorante machine de guerre israélienne »(« L’Orient-Le Jour ») n’a fait que nourrir l’arrogance et l’irresponsabilité de la « seule démocratie du Moyen Orient » ! Si leur créature échappe aujourd’hui à ses parrains en risquant d’entraîner toute la région dans une guerre totale dont Washington ne voulait pas, il ne s’agit ni plus ni moins que de l’effroyable rançon de l’impunité garantie, en l’occurrence, à la pire équipe de criminels de guerre qu’Israël ait connues.
Cette nouvelle guerre aux développements potentiellement dévastateurs est le résultat d’un an de tolérance sans limite face aux incommensurables exactions de l’armée israélienne à Gaza dont le bilan monstrueux est à rappeler sans cesse ! Plus de 40 000 morts identifiés -dont 16 756 enfants !- ; d’innombrables disparus « présumés morts sous les décombres » ; 100 000 blessés -dont 6168 enfants (Chiffes de l’ONU) ! Une situation humanitaire alarmante : population au bord de la famine; privation délibérée d’eau, de nourriture, de médicaments; dénuement total; exode massif sans fin à la recherche éperdue d’un refuge qui n’existe pas…Rien ne pouvait excuser un tel acharnement barbare contre une écrasante majorité de civils, coupables d’aucun crime ! Et pourtant…
Autant la population israélienne mérite notre solidarité face au traumatisme durable provoqué par l’ignoble massacre et les prises en otage d’innocents par le Hamas le 7 octobre, autant cette déshumanisation, par Israël, du peuple de Gaza, significativement traité d’ « animaux vivants » par le ministre de la défense, exigeait-elle d’emblée des sanctions internationales exemplaires, à commencer par l’arrêt immédiat des livraisons d’armes à Israël et la suspension des relations économiques privilégiées (comme celles induites par l’accord d’association Union européenne-Israël) . Au lieu de cela, Washington, Londres et Berlin ont multiplié les pressions sur la Cour pénale internationale pour éviter la délivrance des mandats d’arrêt demandés par le Procureur de la CPI contre Netanyahu et son ministre de la défense ! Même la simple reconnaissance de l’Etat de Palestine fut jugée « prématurée » sinon « déplacée » par les principaux États occidentaux, à la notable exception d’une poignée de pays européens, mais pas de la France ! Il ne s’agit pourtant que de revenir à la condition essentielle de la sécurité de tous les pays de la région : le respect des droits fondamentaux de chaque peuple, et donc, la fin de l’occupation des territoires palestiniens !
Ils rétorqueront qu’Israël a « le droit de se défendre contre le terrorisme ». Assurément . Mais, que n’ont-ils entendu à temps, à ce propos, les avertissements répétés d’un Abraham Burg, ancien Président de la Knesset : « Les bombes ne font pas la guerre au terrorisme (…) La question que je me pose, c’est si Israël a fait assez en sorte qu’un enfant qui a deux ans aujourd’hui ne se fasse pas exploser dans 15 ou 20 ans ». C’était en 2003 (1)
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(1) Interview au Haaretz (14/11/2003)




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