LE CAPITAL OU LE SOCIAL: LE CHOIX CRUCIAL
11 mars 2011 at 5:39 Laisser un commentaire
S’il avait encore fallu une preuve qu’il est décidément urgent de se donner les moyens de rompre avec la toute-puissance des marchés financiers en Europe, la lecture d’un éditorial de la presse économique de vendredi dernier nous l’aurait fournie. Tel Philippulus le Prophète qui, dans Tintin et l’ « Etoile mystérieuse », annonce à grand bruit que la fin du monde est proche, un chroniqueur-vedette nous prévient sans détour: si, par malheur, le 11 mars, les Chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro n’entérinent pas le projet de « pacte de compétitivité » tel que le veulent Madame Merkel et Nicolas Sarkozy, « des milliards de bombes spéculatives vont s’abattre sur le Portugal, l’Irlande, la Grèce. L’Espagne se retrouvera en première ligne », et derrière ce « verrou de l’euro », c’est tout le « continent de l’euro » qui risque Trafalgar! [1]
Pourquoi ce vent de panique et que se passe-t-il donc de si décisif le 11 mars prochain? Ce jour-là, les dirigeants de la zone euro doivent harmoniser leur position sur le projet démentiel du pacte Merkel-Sarkozy visant – prétention sans précédent dans toute l’histoire de la construction européenne – à mettre en place une police des salaires et un alignement sur le modèle allemand en matière de retraite (allongement progressif de l’âge de départ jusqu’à 67 ans), de fiscalité (pas d’ISF et hausse des impôts indirects sur la consommation), de « flexicurité »… Tout cet arsenal coercitif de répression sociale devant s’ajouter aux autres mesures déjà en préparation: la « consolidation budgétaire » (réduction des déficits publics, allègement de la dette…) et la « réforme de la gouvernance économique » (renforcement des sanctions du Pacte de Stabilité, soumission de chaque projet de budget annuel à Bruxelles avant son examen au parlement national; inscription dans la Constitution de l’obligation de limiter les déficits publics…). Les « marchés », donc, attendent des leaders de la zone euro qu’ils leur envoient le 11 mars, un « signal » clair montrant leur détermination à faire passer ces mesures sans les « édulcorer ». Sinon…
Or, cette « solution globale à la crise » – c’est la terminologie officielle – ne passe vraiment pas! Les syndicats européens la rejettent avec pertes et fracas. Y compris la Confédération européenne des syndicats au plus haut niveau. Des gouvernements s’indignent eux-mêmes. L’Autriche refuse carrément. Voilà pourquoi les serviteurs des marchés financiers s’étranglent et menacent! Ce chantage au chaos devrait à lui seul convaincre les hésitants qu’il devient absolument essentiel – parallèlement à l’opposition vents debout à ce « pacte » diabolique – de hisser la bataille jusqu’au niveau de la transformation des structures européennes elles-mêmes.
Rappelons que la Banque centrale européenne a le pouvoir de financer des projets à taux très bas voire nuls en créant elle-même la monnaie nécessaire sans le moindre emprunt sur les marchés de capitaux. Que ne fait-on bénéficier de ces crédits bon marché les investissements publics créateurs d’emploi, orientés vers le développement social, l’environnement, le service publics? Court-circuiter les marchés financiers: c’est inacceptable pour le capital, mais c’est indispensable pour le social. Voilà le choix stratégique n°1 à faire en Europe aujourd’hui. Il faut ouvrir à ce sujet un grand débat citoyen.
[1] « Zone euro: le calme avant Trafalgar »: Eric Le Boucher, » Les Echos » (4/3/2011)
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