Archive for 29 avril 2011
Sortir de l’Euro ? Ma réponse à un lecteur
La publication du programme économique de la candidate du FN a relancé le débat sur la « sortie de l’Euro », voire « de l’Europe ». Un lecteur m’interpelle : « Changer l’Europe, c’est flou et lointain ; sortir de l’Euro, c’est clair et immédiat. Allons-nous laisser Marine Le Pen grimper dans les sondages ? Un pays comme la France n’est pas voué à dépendre du bon vouloir de Bruxelles. » Je suis d’accord sur un point : « changer l’Europe » ne doit en aucun cas rester un slogan « flou et lointain », mais devenir un objectif de luttes très concrètes, dès aujourd’hui ! Car s’ils laissaient s’accentuer la dérive populiste qui menace, les artisans du « non de gauche » à l’ex-traité constitutionnel européen se laisseraient voler un acquis essentiel de leur succès éclatant de 2005 : l’expression conjointe d’une opposition radicale à l’« Europe libérale » et d’un engagement résolu pour une « Europe sociale » –clouant au sol et les inconditionnels de l’UE et les anti-européens d’extrême droite. A l’opposé de tout repli nationaliste, illusoire et dangereux, les progressistes se doivent d’opter pour un combat solidaire, en convergence avec les millions d’Européennes et d’Européens confrontés aux mêmes problèmes et intéressés aux mêmes transformations.
Mais je veux répondre aux deux remarques de mon interlocuteur. D’abord, il n’y a pas de lien mécanique entre la montée de l’extrême-droite et sa position sur l’Euro. Ainsi, la poussée récente des partis nationalistes en Europe touche des pays comme la France, les Pays-Bas, la Belgique, l’Italie, l’Autriche ou la Finlande – membres de la zone Euro. Mais ce phénomène se manifeste tout autant en Grande-Bretagne, au Danemark, en Suède, en Lettonie, en Hongrie, en Bulgarie – extérieurs à la zone Euro, ou en Norvège et en Suisse non membres de l’UE du tout. Quitter l’Euro ou l’UE ne « règlerait » donc pas les problèmes – réels et profonds !– qui poussent une grande partie de cet électorat dans la désespérance et le désarroi politique. Quels changements promouvoir dans et hors l’UE : voilà la question.
Dans le cas de la France, est tout aussi inexacte l’idée selon laquelle « Bruxelles » nous dicterait la conduite à tenir, et que, dès lors, se libérer de cette tutelle nous ouvrirait en soi une perspective de changement dans notre pays. On ne le sait pas assez : la « classe dirigeante » française occupe des postes-clé dans l’actuelle construction européenne. C’est, symptomatiquement, à un ancien Président français, Valéry Giscard d’Estaing, que les dirigeants européens ont fait appel pour rédiger le projet de Constitution qui a conduit au traité de Lisbonne. L’actuel président du plus puissant groupe du Parlement européen, le PPE (droite) est un Français (Joseph Daul). Le Commissaire européen chargé du porte-feuille-vedette, le marché intérieur et les services, notamment financiers (Michel Barnier), est Français. Le Secrétaire général du Conseil, qui pilote les travaux des représentants des 27 gouvernements (Pierre de Boissieu) également, tout comme le Secrétaire général du Service d’Action Extérieur Européen, le « Quai d’Orsay » européen (Pierre Vimont). Sans oublier l’ineffable Jean-Claude Trichet, le très puissant Président de la Banque centrale européenne ! Et bien sûr Nicolas Sarkozy lui-même auprès de ses alliés privilégiés : Angela Merkel pour l’hyperaustérité et David Cameron pour la guerre humanitaire… Quelle meilleure illustration du lien indissociable des dimensions nationale et européenne (et internationale) de la lutte pour un vrai changement ? La question n’est donc pas de « sortir de l’Europe », mais bien de changer de structures et d’orientations tant à Bruxelles (et Frankfort) qu’à Paris.
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