AFGHANISTAN: LECON D’UN FIASCO
30 juin 2011 at 9:23 Laisser un commentaire
Une fois de plus – mais à quel prix! – l’histoire nous enseigne que « dès que vous créez une guerre, elle devient un sujet et acquiert sa dynamique propre; toute guerre dérive de ses buts », comme le souligne avec pertinence le Général Vincent Desportes, qui parle d’expérience puisqu’il a dirigé le « centre de Doctrine et d’Emploi des Forces » puis le « Collège interarmées de défense », avant d’être sanctionné par son ministre, Hervé Morin, pour des propos jugés iconoclastes sur la stratégie américaine en Afghanistan…
Je ne doute pas, en effet, qu’aux yeux de nombre de personnes, et même de responsables politiques, en 2001, aux lendemains de l’attentat terroriste traumatisant de New York et de Washington, la guerre d’Afghanistan était forcément juste puisqu’elle visait à libérer le monde d’Al Qaeda et le peuple afghan de la dictature talibane. Force est, cependant, de constater, dix ans plus tard, que….les Etats-Unis négocient avec les chefs talibans les conditions de leur retour au pouvoir tandis que le monde est sous la menace d’un « arc de crise du terrorisme » (Nicolas Sarkozy) allant du Pakistan et de l’Afghanistan au Yémen, à la Somalie et au Sahel! A quoi adonc servi cette guerre, et pourquoi se poursuit-elle? Si les buts poursuivis étaient au départ ceux qu’avaient affichés, à l’époque, ses initiateurs, alors on est en droit d’attendre de leur part – et de ceux de leurs successeurs qui ont assumé sans état d’âme cet héritage – une évaluation rigoureuse des dérives qui ont conduit à la situation d’aujourd’hui. Ils le doivent aux proches des 2500 soldats (occidentaux) morts au combat et à ceux des milliers de victimes afghanes innocentes. Ils le doivent, plus généralement, aux citoyens de tous les pays engagés – dont 15 pays européens – dans une aventure qui se voulait libératrice et qu’a viré au fiasco. Il ne suffit pas, après avoir suivi les Etats-Unis dans l’effort de guerre, de les suivre dans le retrait (partiel). Il faut tirer les leçons de cette dramatique expérience, et d’abord en reconnaitre les réalités.
Une récente conférence de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) réunissant de nombreux chercheurs et experts qualifiés sur le sujet, a apporté d’utiles éclairages à ce propos. Sur la « reconstruction » de l’Afghanistan, tout d’abord: « 42% de la population vivent dans l’extrême pauvreté; 54% des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition; seul un quart de la population a accès à l’eau potable… La communauté internationale a failli dans sa mission de reconstruction du pays. » (Karim Pakzad, chercheur). Sur le glissement progressif de l’image des libérateurs à celle d’occupant, ensuite: « Après un incident américain, en 2006, il y a eu un début d’insurrection, un soulèvement. On a cru que la foule allait occuper le pouvoir et massacrer les étrangers. » (Jean de Ponton d’Amécourt, ancien ambassadeur de France à Kaboul). Sur la situation des droits de l’homme, enfin: « La communauté internationale a acquiescé tacitement à l’alignement du gouvernement sur une politique quasi-talibane (…) Aujourd’hui, elle tourne le dos aux droits de l’homme et aux droits des femmes. » (Mohammad Mahmodi, Directeur de la Commission des Droits de l’Homme d’Afghanistan). Non, la guerre humanitaire n’existe pas.
Entry filed under: Afghanistan, Chroniques de l' "Humanité-Dimanche, Francis Wurtz, Francis Wurtz Le Blog, Franciswurtz.net.
Trackback this post | Subscribe to the comments via RSS Feed