GARE AU « GOUVERNEMENT ECONOMIQUE EUROPEEN »!

15 septembre 2011 at 2:19 1 commentaire

L’atmosphère est de plus en plus électrique dans les milieux dirigeants de la zone euro.  Intervenant après nombre d’expressions publiques contradictoires et même de violentes polémiques sur la conduite à tenir face à « la plus grave crise depuis la seconde guerre mondiale » (Jean-Claude Trichet), la démission surprise du numéro deux – allemand – de la Banque centrale européenne, la semaine dernière, illustre la profondeur du désarroi qui règne au sommet de l’ « Union ».  Il y a, cependant, trois points très cohérents sur lesquels toute cette « élite » se retrouve pleinement.  Un: hors du « désendettement » à marche forcée, quelqu’en soit le coût social (et le risque de récession), point de salut!  Deux: comme les reculs sociaux sont difficiles à imposer durablement aux peuples, les politiques  économique et budgétaire, voire sociale, ne peuvent plus être laissées entre les mains des parlements – trop influençables par les citoyens et les mouvements sociaux – ni même des gouvernements, fragilisés par… le suffrage universel.  Trois: pour « rassurer les investisseurs » sur le marché financier, il n’y a pas d’autre issue que de soustraire à leur tour ces politiques (comme c’est déjà le cas de la politique monétaire) aux aléas du débat public et des échéances électorales de chaque pays,  pour les confier à une autorité unique, européenne, tenue à des « règles » coercitives, chargée de veiller au respect de la « discipline » et dotée du pouvoir de « sanctionner » les contrevenants.

         Il s’agit là de la conception la plus autoritaire du fédéralisme, très éloignée de l’utopie d’apparence généreuse et solidaire propagée au début de la construction européenne.  Dans certains pays membres, les promoteurs de ce projet de « saut fédéral » qualifient celui-ci de grand pas vers « plus d’Europe », en misant sur la persistance supposée de l’attachement d’une large partie de l’opinion publique à cet « idéal ».  En France, où la perspective d’un tel renoncement au débat démocratique et à l’exercice de la souveraineté populaire est massivement rejetée, ses partisans évoquent plus volontiers le vocable très ambigu de « gouvernement économique ».  Nicolas Sarkozy en a fait son cheval de bataille, mais tant le PS qu’ Europe Écologie-les Verts s’y réfèrent également.  Or, tous sont forts discrets sur les implications concrètes de leur « solution ».

Il est grand temps de clarifier, aux yeux du plus grand nombre, les enjeux réels d’un tel basculement!  La campagne pour les élections présidentielles et législatives, en particulier ne saurait faire l’impasse sur un choix aussi fondamental, qui appelle, au contraire, des confrontations d’idées franches et précises.

        Certes, il y a loin de la coupe aux lèvres!  Ces bouleversements ont peu de chances de s’imposer en l’état, encore moins à court terme.  Cependant, l’impasse du système actuel est si explosive que le choix va, de plus en plus, se résumer à deux options ou la fuite en avant de type fédéral pour tenter de faire passer par la contrainte centralisée ce que la voie démocratique ne permet pas d’obtenir dans chaque pays, ou un changement de cap structurel de la politique européenne [1].  Dans l’imbroglio de la période que nous vivons, chaque initiative politique peut donner une impulsion décisive à l’une ou à l’autre des deux options.  Une opportunité à saisir par les forces de  gauche….

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George Bush a développé une vision apocalyptique du monde Zone euro : n’entrons pas dans leur « guerre »

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  • 1. gilles  |  20 septembre 2011 à 3:10

    Monsieur Francis Wurtz, il est assez clair que les aides de l’UE et du FMI que l’on nous dit nécessaire pour la solidarité nécessaire avec les citoyens grecs ne vont pas vers eux, avec l’austérité et les privatisations qu’ils subissent, mais aux créanciers de la Grèce qui sont les banques françaises, allemandes, italiennes, états-uniennes …

    Comme ça avait été le cas en Argentine en 2001, les insultes des gouvernements de droite pleuvent contre les Grecs. Ils présentent cette communauté comme un ensemble de feignants qui ont trompé les banques et dilapidé les énormes crédits reçus grâce à la bonne volonté des créanciers. Les fonctionnaires étasuniens de l’administration Bush diffusaient les mêmes fables afin de jeter le discrédit sur les Argentins.
    Les médias dominants mènent campagne en propageant la croyance absurde que les Grecs jouissent d’un niveau de vie enviable sur le dos du Nord de l’Europe. Rien ne vient corroborer ce mythe puisque tous les indicateurs sociaux témoignent du caractère défavorisé de la Périphérie de la région.
    Avec cette inversion de la réalité, la propagande réactionnaire prétend démontrer que le refinancement de la dette grecque constitue une « aide de la communauté internationale » à l’associé qui s’est fourvoyé dans une mauvaise voie. Il en était de même vis-à-vis de l’Argentine. Ceux qui financent par le chômage, la pauvreté et la dégradation des salaires la survie des financiers sont présentés comme des profiteurs de la charité mondiale.
    Ces caricatures masquent la manière dont les gouvernements viennent en aide aux capitalistes français et allemands qui, au cours des dernières décennies, ont fait d’énormes bénéfices sur les excédents générés en Europe du Sud.

    Les grandes entreprises étrangères actives en Argentine faisaient le même type de bénéfices au cours de la période de la principale réorganisation néolibérale. Ils ont d’abord affaibli l’industrie nationale à travers l’ouverture commerciale et se sont ensuite appropriés des portions croissantes du marché local.
    La Grèce a subi le même type de dégradation après l’adoption de l’euro et l’entrée dans l’Union Européenne. Cette économie fragile a été livrée à la merci de la puissante compétitivité allemande et du déficit commercial qui en a résulté, financé par un endettement croissant.
    En réalité, aucun pays de la périphérie européenne ne peut résister à la supériorité dévastatrice des économies plus avancées qui ont profité de la création d’un marché continental unifié pour renforcer leur hégémonie. L’explosion des dettes privées des ménages et les bulles immobilières qui ont affecté les pays les plus vulnérables ont été alimentées par les excédents industriels des économies les plus puissantes. Comme l’Euro facilite particulièrement les affaires des industriels allemands, ce secteur se prononce actuellement pour le maintien de la Grèce dans l’Euro et est même favorable à un type de Plan Marshall destiné à financer de futures importations.

    Dans les débats sur ces événements, il convient de retenir les trois grandes leçons de l’Argentine pour la Grèce. Cette expérience indiqua, en premier lieu, l’indubitable nécessité de freiner l’hémorragie du débiteur, au travers d’une suspension unilatérale des paiements. Elle clarifia également l’importance de choisir le moment le plus opportun pour cette rupture.
    L’Argentine s’est déclarée en défaut de manière volontaire, quand le pays s’est retrouvé sans fonds. La Grèce pourrait imiter cette action avant de perdre toutes ses ressources. Elle a la possibilité d’anticiper et d’agir alors que les créanciers sont confrontés à une forte exposition de titres toxiques qu’ils accumulent dans leurs portefeuilles. Il ne faut pas donner le temps aux financiers de procéder à des échanges de titres.
    Il est également indispensable de mettre immédiatement en pratique un audit de la dette. En Argentine, on a beaucoup débattu de cette initiative face aux accusations dûment étayées sur le caractère frauduleux du passif. La dette s’était gonflée avec des engagements inexistants qui ont financé la fuite des capitaux, avec une spirale des intérêts et une importante absorption de faillites privées de la part de l’Etat.
    Ces irrégularités confirmées sont restées impunies. Le lobby des banques a bloqué toutes les tentatives d’enquête et paralysé plusieurs projets parlementaires de révision des passifs. Les conséquences de cette impunité ont été mises en lumière dans tous les débats postérieurs sur la dette. Sur ce terrain, l’Argentine est restée très en arrière par rapport à l’Equateur, qui a mis en place une Commission d’audit qui a permis de faire la lumière sur bien des choses.
    En Grèce, il existe actuellement la possibilité de mener à bien un audit. Cette action permettait d’annuler la portion illégitime des passifs et de faciliter la constitution d’un registre des propriétaires des titres. Cette identification serait indispensable afin de déterminer les droits de recouvrement. Il existe déjà une importante initiative afin de mener à bien cette recherche [Voir Yorgos Mitralias, « Révolte populaire de masse en Grèce » ]].
    La troisième leçon de l’Argentine est la nécessité de nationaliser les banques et d’établir un contrôle total sur les mouvements des devises et des capitaux. Ces mesures devraient être adoptées avant la suspension du paiement de la dette (ou en modifiant le type de change). La Grèce est encore dans les temps pour préserver ses ressources avec de telles mesures.
    Certains économistes considèrent qu’il est indispensable de rompre immédiatement avec l’euro. Mais la récupération de la monnaie nationale requiert en premier lieu d’assurer les réserves, en empêchant la fuite frénétique des capitaux qu’accompagnerait un virage économique. Ce n’est qu’en intervenant sur les banques (en les nationalisant) et au travers d’un strict contrôle des changes qu’il serait possible de contrebalancer la perte des devises résultant d’une souveraineté monétaire retrouvée.

    Le réveil populaire en Argentine a surgi quand les illusions néolibérales, qui prédisaient « l’entrée dans le premier monde », se sont effondrées. La même haine a éclaté parmi les Grecs, avec la fin des attentes créées par l’adhésion à l’Union européenne.
    Tous les observateurs s’accordent sur le fait que la crise a déjà complètement débordé de la sphère financière et qu’elle se répand dans les rues.
    Il y a dix ans, la rébellion argentine avait freiné les mesures d’ajustement, fait avorter le programme déflationniste et bloqué la dollarisation. Elle força également l’introduction d’un projet politique qui combinait la restauration du pouvoir des dominants avec l’octroi de concessions démocratiques et sociales. Le soulèvement confirma l’utilité de la lutte afin d’inverser des rapports de force défavorables, donner de la légitimité aux mouvements sociaux et légaliser les grèves. Il permit de freiner la répression brutale (qui persiste en Colombie ou au Mexique) et contrebalança la résignation dans les mouvements sociaux (que l’on observe en Uruguay ou au Brésil).
    Mais la rébellion argentine resta au milieu du gué car elle n’a pas expulsé les politiciens corrompus ni éradiqué le poids du bipartisme. Elle n’empêcha pas non plus l’enrichissement des mêmes capitalistes qui profitèrent de la convertibilité. Mais elle conditionna toute la politique étrangère et elle influença une gestion de la dette qui limita les appétits des créanciers.
    Il est important de tenir compte de ces résultats au moment d’établir des comparaisons internationales.
    La bataille populaire qui se livre actuellement en Grèce présente un caractère plus continental. La rébellion argentine a fait partie d’un cycle de luttes sud-américain, mais elle n’éclata pas au même moment que les soulèvements au Venezuela, en Equateur ou en Bolivie. Les mobilisations grecques coïncident par contre avec la crise générale du Vieux Continent, qui tend à provoquer des réactions simultanées dans plusieurs points de cette région. Ces réponses commencent à rompre l’isolement des résistances nationales et permettraient de surmonter la perplexité qui a prévalu au début de la récession.
    La généralisation de l’action populaire est le meilleur antidote contre la passivité alimentée par la social-démocratie et contre les campagnes racistes promues par la droite. La récente protestation des indignés espagnols peut marquer un tournant dans ce sens. Le mouvement gagne en massivité à mesure que ses revendications politiques (« démocratie réelle ») et économiques (en finir avec le sauvetage des banques) conquièrent une plus grand légitimité et soutien.
    La présence dominante de la jeunesse dans ces mouvements – et l’utilisation novatrice des réseaux sociaux comme instruments d’information alternative – encourage la contagion continentale. Cette généralisation peut répéter l’effet domino qui caractérise les soulèvements dans le monde arabe. L’étincelle de la jeunesse réchauffe en outre les énergies des travailleurs, tant dans les pays qui maintiennent un haut niveau de mobilisations sociales (France), que dans les pays qui ont souffert un recul prolongé (Grande-Bretagne).
    Si la confiance envers la résistance réapparaît, on pourra envisager la manière de généraliser la bataille contre les créanciers, comme cela a déjà commencé dans certains pays, comme l’Islande. En résumé, la flamme allumée par les Grecs s’étend en Europe et son impact déterminera qui payera les conséquences de la crise. Ce processus est suivi avec une énorme attention en Amérique latine. Très peu de nouvelles sont attendues avec autant d’espoir que celle d’une victoire populaire en Europe.

    Source : Passages principaux d’un article de Claudio Katz du site du Comité d’annulation de la dette du tiers-monde : http://www.cadtm.org/Les-lecons-de-l-Argentine-pour-la

    Cordialement et fraternellement

    gilles

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