Zone euro : n’entrons pas dans leur « guerre »
22 septembre 2011 at 1:16 1 commentaire
« La France doit passer d’une économie de paix à une économie de guerre »: le premier que j’aie vu utiliser ce mot hideux de « guerre » à propos de la crise de l’euro était François de Closet, dans le JDD de fin août. « Face à l’urgence, précisait-il dans une formule très éclairante sur ses motivations, (les) clivages (gauche-droite) n’ont pas cours. » Foin du débat démocratique, de l’analyse rationnelle des causes, de la confrontation des options, du choix politique clairement assumé: c’est « la guerre »! Bon, me suis-je dit, on connait l’oiseau, passons. Mais voilà que, dix jours plus tard, ce fut au tour de l’éditorialiste du « Monde » d’en appeler, à la une, à l’adoption de « l’économie de guerre ». Nicolas Sarkozy a présenté « un diagnostic très sombre de la situation »: la « pusillanimité » n’est donc pas de mise si l’on veut être « crédible aux yeux des marchés » Re-CQFD!
Le surlendemain, sans doute soucieux de prouver à la sourcilleuse et impitoyable « troïka » (Commission européenne, Banque centrale et Fonds Monétaire international) sa détermination à rajouter encore une couche de « rigueur » à son programme et à accélérer les privatisations attendues impatiemment par les créanciers, voilà que le Premier Ministre grec Georges Papandréou, s’y mettait lui aussi: « Nous devons défendre le pays comme si nous étions en guerre » a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse. Et je ne parle pas de la sortie très raffinée du ministre polonais des finances, relatant la semaine dernière, dans l’hémicycle du Parlement européen, une observation que lui avait faite « une vieille connaissance » disant carrément craindre « de voir éclater une guerre dans les dix prochaines années. »
Cette brusque inflation de références à la guerre – à propos d’une construction européenne qui s’est toujours enorgueillie d’avoir éradiqué ce cancer dans la réalité comme dans les consciences – traduit quelque chose de profond. Une récente manchette des « Echos » l’a exprimé sans détours: « le grand désarroi de la zone euro: les dirigeants européens en panne de solutions ». Comme le reconnait avec humilité Nouriel Roubini, économiste américain devenu mondialement célèbre pour avoir annoncé la crise des subprimes bien avant son éclatement en 2008: « Après avoir tout essayé, les voici démunis ». De fait, un à un, leurs dogmes s’écroulent. « Il semble donc – ajoute même Roubini – que Karl Marx avait au moins partiellement raison. »
N’attendons pas des dirigeants européens ou des idéologues de leur modèle en capilotade qu’ils acceptent sans coup férir d’envisager des solutions qui remettent en cause les intérêts qu’ils servent et la doctrine qui les exprime. Ce débat de fond sur une vision alternative de la construction européenne, c’est aux forces de gauche de l’ouvrir. C’est le moment ou jamais.
Entry filed under: Chroniques de l' "Humanité-Dimanche, Francis Wurtz, Francis Wurtz Le Blog.
Un commentaire Add your own
Votre commentaire
Trackback this post | Subscribe to the comments via RSS Feed
1.
Simon Jacqueline | 22 septembre 2011 à 9:03
On aurait cru le mécanisme bien connu : les crises économiques entrainent les divers avatars du fascisme ; la suite logique du fascisme est la guerre.