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OÙ EN EST « L’EUROPE DE LA DEFENSE » ?
Bien avant l’intervention militaire de la France au Mali, les admonestations s’étaient déjà multipliées sur le thème de l’ « inconsistance de la défense européenne ». Par exemple, dans « Le Monde », le mois dernier -« L’Europe doit rester une puissance militaire crédible » y plaidait le directeur de la Fondation pour la recherche stratégique- puis, derechef, au début de cette année, avec, cette fois à la « une », un éditorial , sans lien avec le Mali, au titre retentissant: « Danger: l’Europe renonce à se défendre. » Diable! Pourquoi tant d’émotion? Y compris de la part de part de partisans du maintien de la France dans les structures militaires intégrées de l’OTAN, ce qui rend pourtant caduque l’idée même d’une « défense européenne »? Pour comprendre les raisons d’un certain type de déception vis-à-vis de l’évolution apparente de l’Union européenne sur le plan militaire, il n’est pas inutile de se reporter quelque dix ans en arrière…
Nous sommes en 2003. Les dirigeants européens affichent fièrement une (seule) ambition: faire de « l’Europe » un acteur mondial qui compte (ce qui serait bien), mais seulement grâce à un effort sans précédent dans le sens de sa militarisation (ce qui s’avèrera être une impasse). Ils y travaillent depuis 1998. Cette année-là, la Grande-Bretagne (Donc les Etats-Unis et l’OTAN) a accordé son feu vert à cette orientation. Deux ans durant, l’UE s’est alors attachée à se doter de « capacités opérationnelles crédibles », c’est à dire qu’elle est censée être désormais « en mesure de déployer en 60 jours et pour une année, 60 000 soldats » pour des missions allant du « maintien de la paix » aux « forces de combat ». Puis on passa à la création de toute une panoplie d’organes dignes d’une super-puissance militaire: le Comité politique et de sécurité; le Comité militaire; l’Etat-Major européen; le Centre de situation (renseignement, veille, analyse, réaction), le réseau de transmission cryptée,etc. Enfin, un accord fut conclu avec l’OTAN autorisant l’UE à utiliser les moyens de l’Organisation atlantique. En 2003, tout est prêt. S’y ajouteront par la suite la constitution de 13 groupements « de réaction rapide » de 1500 h. chacun, ainsi que la création d’une « Agence européenne de défense » chargée de favoriser le développement des armements dans l’UE.
Néanmoins, dès 2003, on passa aux travaux pratiques: première opération militaire européenne (En République démocratique du Congo), première opération avec les moyens de l’OTAN (En Macédoine), première opération « civilo-militaire » (En Bosnie). En 2003 fut aussi adoptée la « Stratégie européenne de Sécurité » dont une phrase résume l’esprit: « En agissant ensemble, l’Union européenne et les Etats-Unis peuvent constituer une force au service du bien dans le monde. » Cette doctrine fut solennellement présentée au Président Bush au lendemain de sa « Victoire » en Irak, en juillet 2003…
Seulement, voilà: dix ans plus tard, Bush est tombé depuis longtemps de son piedestal; l’aventure irakienne et l’enlisement afghan ont abouti à un fiasco; et les rêves de super-Etat militarisé se sont évanouis sous le poids des réalités. Faudrait-il le regretter? Plutôt que de se fourvoyer dans les guerres, l’Europe se grandirait à consolider la paix.
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