POUR UN AUDIT DE LA LIBERALISATION DU RAIL
1 août 2013 at 3:46 Laisser un commentaire
La France entière a été légitimement traumatisée par la catastrophe ferroviaire du 12 juillet dernier en gare de Brétigny-sur-Orge. On imagine la profondeur du choc que le désastre de Saint-Jacques-de-Compostelle a infligé à l’Espagne. La Belgique, quant à elle, n’a pas oublié le déraillement du train de marchandises de Wetteren, le 4 mai dernier, qui entraina, en plus des victimes, des ravages écologiques dus à l’explosion des gaz toxiques transportés – et qui constituait…le cinquième accident ferroviaire grave en moins d’un an dans ce pays! Il y a deux ans, c’est l’Allemagne qui eut à déplorer une collision meurtrière (10 morts et de nombreux blessés!) entre un train de voyageurs (exploité par Veolia) et un train de fret. Les statistiques ont beau nous rassurer en confirmant que le train reste le moyen de transport le plus sûr en Europe, ces accidents sont inacceptables parce qu’ils sont,de nos jours, évitables . En fait, ils révèlent dramatiquement jusqu’à quels effets extrêmes peut conduire, dans des circonstances exceptionnelles, la logique perverse de la libéralisation d’un service public aussi essentiel que le rail.
Naturellement, les pouvoirs publics s’élèvent comme un seul homme contre toute référence à un lien quelconque entre mise en concurrence, restrictions budgétaires, chasse aux « coûts », d’une part, et risques accrus sur la sécurité, de l’autre. Leurs explications hâtives et superficielles sur les causes des accidents plaident, au contraire, pour l’organisation d’un audit public, pays par pays, associant notamment les organisations syndicales de cheminots et des représentants des usagers, sur les conséquences directes et induites de la libéralisation du rail en Europe -dont la quatrième étape, celle concernant les transports de passagers- est programmée mais encore réversible.
Qu’a-t-on entendu, en effet,sur l’origine des derniers accidents? En Espagne, tout s’expliquait au départ par l’excès de vitesse du conducteur. Cela s’appelle un mensonge par omission, puisqu’un mécanisme automatique de freinage est censé équiper toutes les lignes à grande vitesse, pour pallier , précisément, toute défaillance humaine éventuelle. La véritable question est dès lors: pourquoi ce système n’était-il pas installé sur ce tronçon , pourtant réputé pour sa dangerosité ? Cela coûte cher… Or, « le réseau ferré espagnol est connu pour sa compétitivité » (Le Figaro)
A Brétigny, l’erreur humaine ne pouvait être incriminée. Alors, on a invoqué une cause « mécanique »: une « éclisse » s’était dévissée. Certes, mais pourquoi ? La question mérite d’autant plus d’être posée que le réseau ferré français compte 5000 de ces pièces ! C’est là qu’il faut bien prendre en considération le contexte économique et social dans lequel de petites causes peuvent avoir de grands effets ! Il est reconnu que notre réseau classique est à bout de course du fait d’un sous-investissement chronique. Au rythme actuel des travaux de rénovation, l’âge moyen des voies sera, en 2025, encore bien plus élevé qu’il ne l’était en 1990 ! Parallèlement, les diminutions d’effectifs, le recours à la sous-traitance et le recrutement de personnels hors statut, ne bénéficiant souvent ni du même salaire,ni de la même formation, ni de la même culture de la sécurité ne sont pas sans effet, à la longue, sur la qualité du travail.
C’est cette vision marchande du rail -destinée à préparer l’entreprise publique à affronter les concurrents dans une implacable logique de rentabilité – qui est à l’origine de la dégradation permanente du service public ainsi que d’innombrables dysfonctionnements. Jusqu’au jour où un faisceau d’incidents conduit au pire. Il faut refuser cette « fatalité » en exigeant une évaluation sans concession de la libéralisation du rail en Europe pour en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
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