LES KURDES DE TURQUIE ENTRE DOUTES ET ESPOIR
12 juin 2014 at 6:34 1 commentaire
Un conflit vieux de 30 ans et qui a déjà couté la vie à quelque 45 000 personnes va-t-il prendre définitivement fin ou cette chance historique risque-t-elle d’être gâchée?
Le 21 mars 2013, à l’occasion de Newroz, la grande fête du Nouvel An kurde, le message du leader historique kurde, Abdullah Öcalan, détenu depuis 15 ans sur une île près d’Istanbul, à son peuple fit l’effet d’un coup de tonnerre dans tout le pays : il appela les combattants de son organisation, le PKK, à cesser le feu et à quitter la Turquie. La perspective d’une « ère nouvelle » souleva un immense espoir, particulièrement dans la population kurde, qui attendait, en retour, non seulement la fin de la répression mais la reconnaissance de ses droits. Près de quinze mois plus tard, les doutes sont perceptibles, en particulier chez les jeunes,frustrés de ne pas voir se réaliser les changements attendus de la part du gouvernement.
Dans ce contexte, l’ « Initiative Internationale pour la Paix et la Réconciliation » (IPRI), lancée suite à un appel de l’archevêque sud-africain, lauréat du Prix Nobel de la Paix, Desmond Tutu, et soutenue par d’éminentes personnalités, telles que l’ancien Président des Etats-Unis, également lauréat du Prix Nobel de la Paix, Jimmy Carter, ou Gerry Adams, Président de Sinn Fein (Irlande), a décidé d’envoyer une mission d’enquête en Turquie. Son objectif était de rencontrer toutes les parties concernées: le parti AKP du Premier Ministre Erdogan; les différents partis d’opposition -dont le parti à majorité kurde BDP/HDP- ainsi qu’un large éventail d’organisations et de personnalités de la « société civile »; puis de tirer des conclusions de ces entretiens dans un rapport circonstancié destiné à être publié et largement diffusé (1).
Sans anticiper sur le rapport en question, on notera d’une part,avec intérêt, des ouvertures prometteuses de la part du gouvernement, tout en pointant, de l’autre, avec inquiétude, la tentation de ces mêmes autorités de reporter les mesures les plus attendues aux lendemains des prochaines élections présidentielles (août 2014) et législatives (2015).
Au titre des décisions encourageantes, on évoquera par exemple le fait qu’un vice Premier Ministre, Monsieur Besir Atalay, dont l’attitude est jugée plutôt modérée,a été chargé du suivi du « processus de paix »; le fait que le projet d’autoriser le retour au pays des militants Kurdes exilés dès lors qu’ils ne sont pas recherchés pour « crimes » a été évoqué; le fait qu’ une « Commission de Sages », comprenant des personnalités très respectables, a pu organiser pendant trois mois des consultations et établir des propositions destinées au gouvernement; le fait que des rencontres entre des représentants du parti kurde et Abdullah Öcalan ont été facilitées…Ce n’est pas rien. Le leader emprisonné aurait même annoncé à des proches que « le gouvernement s’apprête à faire un pas important ».
Le problème est que ces annonces tardent à se concrétiser: l’éducation en langue kurde n’est autorisée que dans les écoles privées; les lois « antiterroristes » sont toujours en vigueur; la barre des 10% permettant l’entrée d’un parti au Parlement est toujours en vigueur; les retards de développement de la région kurde sont toujours aussi évidents; les mesures répressives continuent d’y sévir; les prisonniers politiques malades ne sont pas libérés. Quant au « dialogue » entre le gouvernement et Öcalan, il reste informel et sa substance secrète: pour créer un climat de confiance, on peut mieux faire! Le moment est critique. Au moment où nous quittions la Turquie,on enterrait deux jeunes, tués par l’armée au cours d’une manifestation à Dijarbakir, la grande métropole kurde…
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(1) La mission d’enquête s’est déroulée du 2 au 9 Juin dernier à Istanbul,Ankara et Dijarbakir. Elle a été conduite par Monsieur Essa Moosa, ancien avocat de Nelson Mandela puis juge à la Haute Cour d’Afrique du Sud. Elle comprenait, en outre, Monsieur Osman Kavala, une personnalité du monde économique et culturel de Turquie et moi-même, FW.
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1.
Tasman Sami | 14 juin 2014 à 9:57
..Dans votre texte vous dites « …Au titre des décisions encourageantes, on évoquera par exemple le fait qu’un vice Premier Ministre, Monsieur Besir Atalay, dont l’attitude est jugée plutôt modérée ». Je signale que M. Atalay est un kurde et il est la voix alléchante du gouvernement envers les kurdes..
Par ailleurs vs dites également « ..ces annonces tardent à se concrétiser: l’éducation en langue kurde n’est autorisée que dans les écoles privées » Monsieur!, la Turquie est un république qui comportent des minorités kurudes respectables. Mais la Turquie n’est pas le Kurdistan que le « Sèvres » a bien voulu l’implanter. Autoriserez-vous l’éducation nationale française de créer des écoles arabes en France? A. Ocalan est au même titre que Merah est un terroriste. La considération de l’ethnie kurde au sein de la société turque est le même que les basques ou les bretons au sein de la société Française. Soyez équitable. Vous ne connaissez pas l’histoire de ce peuple de l’Anatolie et vous vous autorisez d’écrire des papiers sans fondement.