A PROPOS DES APPORTS DE PAUL BOCCARA SUR L’EUROPE.
7 décembre 2017 at 10:38 Laisser un commentaire
Le Parti communiste français vient de perdre, en l’espace de quelques mois, plusieurs figures particulièrement marquantes. Après le mathématicien de dimension et de réputation internationales, membre de l’Académie des sciences, Jean-Pierre Kahane; le brillant dirigeant parisien Henri Malberg; le fondateur des « Etats généraux de la culture » Jack Ralite -des hommes d’exception dont j’ai eu l’occasion de saluer la mémoire-, c’est à présent l’économiste, historien et anthropologue visionnaire (qualifié de « génie » par son ancien associé Philippe Herzog), Paul Boccara, qui vient de nous quitter. Le meilleur hommage que je puisse rendre à ce dernier est de revenir ici sur l’un de ses apports les plus pertinents -et les plus actuels-, à mes yeux, sur l’Europe. Je veux parler de ses analyses portant sur ce que pourrait être un rôle radicalement nouveau de l’euro et de la Banque centrale européenne axé sur le développement social et écologique ainsi que sur la solidarité, tant en Europe-même que dans nos relations avec le reste du monde. Car, autant sa condamnation des politiques européennes actuelles -plans d’austérité; intégrisme des marchés, notamment financiers; surveillance étroite des choix budgétaires et économiques des pays membres…- était sans appel, autant ses propositions alternatives étaient résolument constructives.
Répondant dès le début de la crise dite « de la dette publique » en 2010, à ceux qui préconisaient la sortie de l’euro, il les invitait à prendre la mesure du fait qu’il est parfaitement possible de « s’appuyer sur l’euro pour le financement du progrès social et de la coopération en Europe, à l’opposé de son rôle favorisant l’exportation des capitaux et entraînant la faiblesse de la croissance européenne ». (1) Autrement dit, ce n’est pas l’union monétaire en elle-même, mais l’usage qui en est fait aujourd’hui, pour des raisons de classe, qu’il faut remettre en cause. 25 ans après le lancement du processus qui a conduit à l’euro, les interdépendances créées entre pays membres ne peuvent être ignorées; en revanche, elles doivent être gérées de manière solidaire et démocratique. En plus, argumentait-il, « abandonner l’euro revient à laisser le dollar dominer le monde pour la finance. Changer le rôle de l’euro contribuerait à une autre construction mondiale, émancipée du dollar ».
Comme premier pas vers ce changement de rôle de l’euro, Boccara lança l’idée de la création d’un « Fonds européen de développement social, écologique et solidaire ». Ce Fonds serait alimenté par la création monétaire de la Banque centrale européenne (comme le sont les banques commerciales). Mais sa mission particulière serait de réserver ses crédits, gratuits ou quasi-gratuits, au financement de services publics et d’investissements dont l’efficacité sociale ou écologique aurait été établie. Cette proposition du PCF fut, à l’époque, reprise dans le programme du Front de gauche, « L’humain d’abord », puis par la trentaine de formations politiques qui composent le Parti de la Gauche Européenne (PGE). La grande fédération des syndicats allemands DGB -entre autres- nous affirmera, pour sa part, se reconnaître elle aussi dans une démarche de ce type. La recherche de convergences et d’initiatives européennes autour de tels objectifs de grande portée est plus actuelle que jamais. Comme le soulignait Paul : « Au-delà d’une émancipation économique et politique, c’est une autre civilisation en Europe et dans le monde, avec d’autres valeurs de coopération, de partage, de solidarité, de créativité commune, qui peut rassembler ».
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(1) Entretien dans « l’Humanité » (18/5/2010) Les citations qui suivent sont tirées de la même interview.
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