Archive for 22 octobre 2021

LE DÉFI  POLONAIS ET L’AVENIR DE L’UE  



La décision du Tribunal constitutionnel polonais de remettre frontalement en cause la primauté du droit européen sur le droit national pose un sérieux problème à l’UE. Certes, cette initiative, qui touche à une règle essentielle de la construction européenne, n’est pas tout à fait sans précédent : en mai 2020, la plus haute juridiction allemande avait, quant à elle, menacé de bloquer la stratégie (jugée trop accommodante) de la Banque centrale européenne, contre l’avis de la Cour de Justice de l’UE. Mais, elle n’avait, finalement, pas mis sa menace à exécution. Varsovie va plus loin en revenant officiellement sur un engagement de longue date de l’Etat polonais envers l’UE. Certains ont parlé d’une sorte de « sécession »  juridique.

Les Françaises et les Français qui se sont engagés en 2005 en faveur du NON de gauche au projet de traité constitutionnel européen pourraient éprouver de la sympathie pour ce défi polonais à l’UE. Pourtant, comparaison n’est pas raison. D’abord, en France, ce sont les citoyennes et les citoyens qui ont -majoritairement- affirmé leur droit souverain à changer de politique en France et, si les autres peuples le souhaitaient, en Europe. En Pologne, à l’inverse, c’est contre la volonté de la population, très attachée à l’appartenance à l’UE, que le pouvoir a choisi d’affronter celle-ci.
Ensuite, si l’orientation du NON de gauche de 2005 était clairement solidaire avec les autres peuples européens, le parti PiS est, lui, profondément nationaliste. Il juge normal que son pays soit le premier bénéficiaire des fonds européens (soit quelque 75 milliards d’euros pour la période 2021-2027, à quoi s’ajoutent les 23 milliards d’euros de subventions du Plan de relance européen) mais il refuse toute forme de solidarité à l’égard de ses partenaires européens, comme ce fut le cas en 2015, lorsque Varsovie (tout comme Budapest et Prague) s’était fermement opposé à l’accueil de demandeurs d’asile massés dans des conditions inhumaines en Grèce . 
En vérité, le coup de force de la droite extrême polonaise ne contribue pas à démocratiser l’UE ; elle la tire en arrière : après le Brexit le plus conservateur possible ;  après le clash mémorable entre les Etats dits « frugaux » du Nord de l’UE et leurs « partenaires » du Sud aux prises avec la pandémie, en mars 2020 ; après les multiples fractures Est-Ouest qui jalonnent l’agenda européen -ici sur l’accueil des réfugiés, là sur l’Etat de droit, là encore sur le climat…, le risque de glisser, de crise en crise, dans une spirale de dé-construction européenne reste entier. 

On ne peut souhaiter pareille issue, qui, dans le contexte politique actuel, risquerait fort de se traduire par une explosion de nationalismes n’augurant rien de bon en matière de démocratie ni d’émancipation sociale ni de paix durable.  
Raison de plus pour engager, tant qu’il est encore temps, une réflexion sans tabou sur les raisons profondes de cette vague de « chacun pour soi » en plein essor des interdépendances et sur les ruptures à introduire dans le système européen actuel pour espérer faire émerger une « Union » digne de ce nom.

22 octobre 2021 at 6:22 Laisser un commentaire


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