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LA DANGEREUSE TENSION EST-OUEST EST-ELLE FATALE ?
Les Européens sont paradoxalement les premiers concernés par les résultats des pourparlers de Genève entre diplomates russes et américains, en cours depuis le 10 janvier. L’avenir de la sécurité de notre continent dépend en grande partie de la réponse finale de Washington à la demande essentielle de Moscou : l’arrêt définitif du processus d’extension de l’OTAN aux frontières de la Russie. Jusqu’ici, la position officielle est : « Nous n’acceptons pas qu’un pays dispose d’un veto sur un autre, lorsqu’il s’agit de faire partie de l’alliance de l’OTAN ». Est-ce aussi simple ?
Pourquoi, si ce principe allait de soi en matière de sécurité internationale, James Baker, le Secrétaire d’Etat de George Bush (senior) aurait-il promis à Mikhaïl Gorbatchev, en 1990, que « La juridiction militaire actuelle de l’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’Est » ? Le Secrétaire général de l’OTAN de l’époque, en personne, Manfred Werner, avait d’ailleurs souligné, de son côté, en des termes tout aussi dénués d’ambiguïté : « Que nous soyons prêts à ne pas déployer les troupes de l’OTAN à l’extérieur du territoire de la République fédérale allemande, cela donne à l’Union soviétique des garanties sûres de sécurité ».
On rétorquera peut-être que la Russie de Poutine n’est pas l’URSS de Gorbatchev. C’est vrai : le dernier Président soviétique prônait « la Maison commune européenne », tandis que l’actuel maître du Kremlin est en conflit ouvert avec ses voisins alliés à « l’Occident ». Pourtant, l’élargissement de l’OTAN (à la République tchèque , à la Hongrie et à la Pologne) a commencé avant l’ère Poutine : dès 1999, sous le règne de Eltsine, pourtant très accommodant avec les puissances de l’Ouest. Quant à l’adhésion des Pays baltes (en plus de celle des pays d’Europe centrale restant) à l’organisation militaire atlantique, elle a eu lieu en 2004, soit à une époque où Poutine était encore conciliant et visait une alliance russo-américaine fondée sur ce qu’il appelait alors « la communauté de destin » entre son pays et le monde occidental…Quatre ans plus tard -soit six ans avant le conflit russo-ukrainien- les dirigeants occidentaux annonçaient que « l’Ukraine deviendra membre de l’OTAN »…
Pourtant, cette stratégie fut critiquée dès le début aux Etats-Unis, et pas que par des pacifistes ! George Kennan, jadis théoricien de la guerre froide, pronostiqua dès l’An 2000 que « l’élargissement de l’OTAN vers l’Est peut devenir la plus fatale erreur de la politique américaine depuis la guerre » ! Robert Gates, ex-directeur de la CIA puis Chef du Pentagone convint, à son tour, en 2014 (dans ses Mémoires…) que cette stratégie « fut une erreur » et regretta « l’arrogance » occidentale. Encore le 9 janvier dernier , un autre ex-haut responsable de la CIA parla, à propos de la stratégie des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie, d’une « erreur d’analyse fondamentale » et invita à prendre en considération « l’obsession (de la Russie) de sa sécurité » héritée de son histoire. Selon lui, « il existe une possibilité de désescalade » et, faute de la concrétiser, le risque est que « Poutine estime qu’il n’a plus que la menace de recourir à la force armée pour être entendu »(1).
Puissent les dirigeants occidentaux actuels tirer les leçons de l’expérience et donner toute sa chance à la diplomatie.
——–(1) George Beebe , ex-directeur d’analyse de la Russie à la CIA (Figaro 9/1/2022)
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