Archive for mars, 2022

RUSSIE : FRAPPER LE POUVOIR, TENDRE LA MAIN AU PEUPLE

Notre solidarité avec le peuple martyr de l’Ukraine est totale et notre soutien aux sanctions visant son agresseur sans réserve. Mais Poutine n’est pas la Russie. Pour une partie des Russes, l’après-Poutine est, plus que jamais,  à l’ordre du jour, tant la stratégie suicidaire de l’actuel maître du Kremlin en Ukraine leur fait subir l’épreuve la plus traumatisante qu’ils aient traversée depuis la chute de l’Union soviétique : voir leur pays sombrer dans la régression, l’isolement et le déshonneur. Quelle injustice cela serait d’infliger, par une « guerre économique totale » la double peine à celles et à ceux d’entre eux, chaque jour plus nombreux, qui résistent avec courage au « chauvinisme grand-russien » (Lénine) de leurs dirigeants ! 

Faisons mieux connaître ces appels d’intellectuels russes qualifiant, dès les premiers jours de l’agression, de « crimes » les actes de guerre du Kremlin au mépris de leur carrière sinon de leur liberté ; ou cette courageuse « lettre ouverte » à Poutine dénonçant sa « guerre insensée » et se couvrant aussitôt de 17 000 signatures du monde russe de la culture; ou bien cette prise de position collective contre la guerre de la part de stars du football, du hockey ou du tennis russes; ou encore cette Déclaration officielle de la Confédération du Travail de Russie (KTR), partie prenante du mouvement syndical mondial, exprimant « la nécessité d’une cessation rapide » de la guerre, de la reprise d’un « dialogue pacifique » et de la « coexistence entre les peuples multinationaux de Russie et d’Ukraine »; ou de cet Appel international couvert de signatures russes et ukrainiennes côte à côte pour crier : « Assez de guerre en Europe »… !

Quant à la partie de la population russe, sans doute encore majoritaire à ce jour, qui  -dans le contexte de la désinformation et du climat nationaliste entretenu par le pouvoir-  continue toujours de se ranger derrière son Président, nous aurions tout à perdre à contribuer à les humilier, au risque de voir grossir comme jamais le camp des nostalgiques, des revanchards et autres ultras sur lesquels comptent les pitoyables « élites » du régime pour pérenniser leurs prébendes !

 A qui verrait dans cette position une bienveillance mal placée, je conseillerais de se reporter, entre autres sources d’une inépuisable expérience historique, aux Mémoires de Robert Gates, qui fut directeur de la CIA puis chef du Pentagone sous la présidence de George W. Bush : il y reconnut, en 2014, le lien entre l’exacerbation des tensions Est-Ouest et le fait que, dans leur stratégie à l’égard de Moscou, « les Occidentaux, et particulièrement les États-Unis n’ont pas mesuré l’ampleur de l’humiliation ressentie par les Russes avec l’éclatement de l’URSS ». Poutine y a puisé une bonne part de sa popularité en Russie. 

C’est pourquoi, pour préserver les chances de tisser, dès que les conditions le permettront, des relations nouvelles avec cet incontournable voisin européen qu’est la Russie -et nous attaquer ensemble aux problèmes de fond non résolus !- il me paraît vital , en même temps que de sanctionner aussi durement que nécessaire le pouvoir responsable de la tragédie ukrainienne, de tendre, dès aujourd’hui, la main au peuple russe.

17 mars 2022 at 7:42 Laisser un commentaire

POUR UNE SOLIDARITÉ RESPONSABLE AVEC L’UKRAINE

Rien de plus insupportable que le sentiment d’impuissance face à une agression militaire meurtrière comme l’est la guerre de Poutine contre l’Ukraine. On ne peut, dès lors, s’étonner que s’élèvent, sous les bombes, des voix bouleversantes réclamant une implication dans le conflit toujours plus forte des États européens et occidentaux en général, à même de forcer Poutine à arrêter sa guerre. Peut-on, dans ces conditions, être légitimement conduit à dire non à certaines de ces demandes alors même que le peuple ukrainien nous impressionne tous et toutes par sa résistance intrépide face à l’armada russe ? Oui, hélas : c’est difficile, et pourtant nécessaire dans une série de cas. Cela peut même s’avérer être un devoir de solidarité, quand la réalisation de ces exigences ferait courir des risques incommensurables aux Ukrainiens, à coup sûr, en premier lieu, et, au-delà, à l’Europe tout entière , voire au monde.

Plusieurs cas de ce type se sont présentés ces derniers jours. Ainsi, il est crucial, vital même, que les pressions en faveur de l’établissement d’une « zone d’exclusion aérienne » sur le territoire ukrainien ne finissent pas par entraîner l’OTAN dans une fuite en avant fatale ! Car, interdire le survol de l’Ukraine suppose d’abattre tout avion ennemi bravant l’interdit, quitte à déclencher l’engrenage d’un affrontement militaire OTAN-Russie ! La même mise en garde vaut pour les avions de guerre de l’ère soviétique que Washington espère toujours convaincre la Pologne de livrer à l’Ukraine. Un tel projet impliquerait , là encore, des États membres de l’OTAN , au risque de fournir à Poutine un prétexte pour étendre le conflit. Une solidarité pour le moins à double tranchant.

Même l’idée d’une adhésion « sans délai » de l’Ukraine à l’Union européenne est hautement contestable, ne serait-ce qu’en raison de l’existence, dans les traités européens en vigueur depuis 2009, d’une « clause de défense mutuelle » qui recèle des dangers similaires à ceux du fameux « article 5 » de l’OTAN – toutes choses qui mériteraient d’être clairement explicitées lorsqu’on évoque une éventuelle entrée de l’Ukraine dans l’UE.

Quant aux sanctions économiques -si elles sont évidemment nécessaires- , elles appellent elles-mêmes plus de discernement que celui dont ont fait preuve plusieurs de nos ministres. Quand Clément Beaune, le Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, prétend que « nous pouvons imposer nos intérêts » à la Russie car celle-ci dépend de l’Europe pour ses exportations de gaz, il semble oublier que la réciproque est vraie : il serait aussi peu aisé pour l’Europe de se passer de son fournisseur russe que pour la Russie de remplacer ses clients européens. Le degré d’interdépendance qui caractérise le monde actuel est tel que le Fonds monétaire international (FMI) prévient que les sanctions « auront un impact substantiel sur l’économie mondiale ». Lorsque Bruno Le Maire promet -avant de se raviser face au tollé suscité- « une guerre économique totale à la Russie » , il ignore  cet autre avertissement du FMI : une escalade du conflit aurait des conséquences économiques « dévastatrices » au niveau mondial.
La seule solidarité qui vaille est celle qui ne se retourne pas contre le peuple ukrainien et le monde dans son ensemble.

10 mars 2022 at 7:54 Laisser un commentaire

RUSSIE-UKRAINE : COMMENT A-T-ON PU EN ARRIVER LÀ ! 

Qui aurait pu imaginer le retour de la guerre au cœur de l’Europe en 2022 ! L’agression de Poutine contre l’Ukraine est stupéfiante, injustifiable, folle ! Il n’y a pas d’acte de guerre « limité » qui ne fasse courir à l’humanité le risque d’un engrenage entraînant les protagonistes bien au-delà de leurs objectifs déclarés . Nous sommes aujourd’hui dans cette situation. Qu’une telle dérive soit encore possible sur le continent européen doit nous conduire collectivement à nous interroger sans préjugé ni faux fuyant : comment a-t-on pu en arriver là ?

 Il faudrait, pour établir un diagnostic incontestable, faire une analyse minutieuse de toutes les décisions marquantes prises, tant à l’Ouest qu’à l’Est, depuis la chute de l’Union soviétique jusqu’à nos jours, susceptibles d’avoir contribué à réinstaller un climat de défiance et de confrontation entre les deux parties du continent, alors même que 34 États concernés avaient signé en 1990 la « Charte de Paris pour une nouvelle Europe » et déclaré unanimement : « Nos relations seront fondées désormais sur le respect et la coopération » .

Le bilan des actes du pouvoir russe qui ont défié l’Europe occidentale et ses alliés depuis une quinzaine d’années sera aisé à établir : de la Géorgie à l’Ukraine, les conflits impliquant la Russie ont , à l’évidence, gravement détérioré les relations Est-Ouest. L’évaluation des actes des États d’Europe occidentale ayant contribué à la montée progressive des tensions avec Moscou risque, en revanche, dans le contexte actuel, d’être beaucoup plus sujette à controverses. En particulier, s’agissant de l’extension continue de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Aussi sera-t-il avisé de rappeler à ce propos les mises en garde émises à plusieurs reprises , depuis plus de vingt ans, par de hauts responsables américains peu suspects de complaisance à l’égard du Kremlin ! 

Ce fut le cas de George Kennan, jadis théoricien de la guerre froide, pronostiquant en 2000 que « L’élargissement de l’OTAN vers l’Est peut devenir la plus fatale erreur de la politique américaine depuis la guerre » ! Ou bien de Robert Gates, ex-directeur de la CIA puis chef du Pentagone, reconnaissant en 2014 que cette stratégie « fut une erreur » et regrettant « l’arrogance » occidentale. Ou encore, en janvier dernier, de George Beebe, ancien directeur d’analyse de la Russie à la CIA, parlant, dans « Le Figaro », à propos de la stratégie des Etats-Unis envers la Russie, d’une « erreur d’analyse fondamentale » et invitant à prendre en considération, concernant la Russie, « l’obsession de sa sécurité » héritée de son histoire. 

Une telle investigation, menée avec sérieux et objectivité, serait riche d’enseignements fort utiles dans les temps à venir ! Et, parmi ceux-ci, figureraient sans aucun doute, en bonne place, naturellement celui de bannir définitivement tout acte de guerre semblable à la désastreuse aventure dans laquelle le Président russe a entraîné son pays, mais aussi celui de prendre pleinement conscience que la sécurité internationale est collective ou qu’elle n’est pas, et enfin, celui du caractère toxique des rhétoriques bellicistes , qui ne font que conforter les nationalismes voire les « paranoïas », pour redonner ses chances à la diplomatie.

2 mars 2022 at 5:44 1 commentaire

Newer Posts


Entrer votre adresse e-mail pour vous inscrire à ce blog et recevoir les notifications des nouveaux articles par courriel.

Rejoignez les 5 297 autres abonnés

Chronique européenne dans l’Humanité Dimanche

Intervention au Parlement européen (vidéo)

GUE/NGL : vidéo

mars 2022
L M M J V S D
 123456
78910111213
14151617181920
21222324252627
28293031  

Archives

Catégories

Pages

Pages