MEURTRE DE SHIREEN ABU AKLEHLA : UN TRIPLE SYMBOLE
19 mai 2022 at 5:52 Laisser un commentaire
« J’ai choisi cette voie pour être proche des gens », avait coutume de dire la journaliste emblématique d’Al-Jazira, née il y a 51 ans à Jérusalem-Est, dans une famille chrétienne palestinienne et tuée de sang froid, bien que clairement identifiée, d’une balle dans la tête par un soldat israélien. Non content d’avoir essayé de couvrir l’assassin en affirmant que Shireen Abu Aklehla avait été « probablement » victime d’un tireur palestinien, le pouvoir israélien a fait intervenir la police contre le cortège funéraire, manquant de faire tomber le cercueil des mains des porteurs. « L’inhumanité d’Israel s’affiche en grand » avait réagi Hanane Achraoui, figure historique de l’OLP, traduisant le sentiment général. Ce lâche assassinat puis le comportement abject de la police au moment des obsèques ont suscité une légitime indignation de toute la communauté internationale.
Je voudrais m’arrêter, pour ma part, sur un troisième symbole que représente le meurtre de Shireen Abu Aklehla : c’est, en effet, en couvrant une opération de l’armée israélienne dans le secteur de Jénine, au nord de la Cisjordanie, que cette « voix de la Palestine » s’est brutalement tue. Le nom de Jénine est gravé dans la mémoire de quiconque a suivi le martyre du peuple palestinien durant ces dernières décennies. Son camp de réfugiés palestiniens fut, il y a tout juste vingt ans, le théâtre d’un massacre particulièrement cruel de la part des troupes de l’occupant. « L’opération Rempart » dura plus de 10 jours et se solda par la mort ou la disparition de centaines de Palestiniens, « dont une partie est enterrée sous les décombres des maisons effondrées », nota, à l’époque, un expert militaire dans le grand quotidien israélien Haaretz. Les destructions privèrent de toit des milliers d’autres réfugiés.
J’avais conduit, peu après les faits, sur les lieux une délégation de parlementaires européens de toutes tendances politiques -y compris un conservateur britannique très proche d’Israël- afin de rencontrer des témoins de l’assaut et de rendre dûment compte, au retour, à notre Assemblée, de ce que nous allions apprendre. Première délégation internationale à pouvoir pénétrer dans le camp depuis le massacre, nous fûmes littéralement pétrifiés d’horreur en découvrant un ancien quartier d’habitations transformé par les bulldozers israéliens en une immense dalle d’où ne dépassaient que des bouts de ferraille, puis entendant le récit factuel des exactions commises par les soldats, de la bouche du directeur de l’hôpital du camp. La mort de Shireen Abu Aklehla rappelle à celles ou à ceux à qui la guerre en Europe aurait fait reléguer à l’arrière-plan l’occupation de la Palestine que, sur place, le combat se poursuit.
NB : « Depuis l’an 2000 (…), 55 journalistes palestiniens ont été tués par les forces d’occupation israéliennes. Il s’agit d’une politique délibérée et systématique pour faire taire la presse palestinienne » rappelle le texte d’une pétition qui appelle à la création d’une commission d’enquête indépendante et internationale sur le cas de Shireen Abu Aklehla.
(montada.palestine.paris@gmail.com)
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