FACE À LA FUITE EN AVANT DE POUTINE, QUELLE STRATÉGIE ?
29 septembre 2022 at 5:38 Laisser un commentaire
La guerre menée par Poutine contre l’Ukraine vient de franchir un seuil extrêmement inquiétant -au demeurant prévisible . En mobilisant plusieurs centaines de milliers de citoyens, le pouvoir affiche sa détermination à répondre aux pertes infligées à son armée par de nouveaux engagements militaires, laissant présager une escalade meurtrière. En organisant des referenda d’annexion dans des territoires conquis par les armes, il aggrave encore l‘agression contre un pays souverain, en cherchant à rendre ses conquêtes irréversibles. Mais surtout, en brandissant la menace, en cas d’attaque contre ces entités annexées, d’un recours à « tous les moyens disponibles » -y compris, donc, les armes nucléaires- pour les défendre, il réitère officiellement son irresponsable chantage !
Doit-on le croire ? « Plus rien n’est impossible désormais » juge un observateur politique russe, opposant de longue date au Kremlin (1). « Nous sommes dans une guerre sous menace nucléaire qui peut dégénérer extrêmement rapidement » alerte, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, le Général Desportes, ancien directeur de l’Ecole de guerre . Plus l’armée russe s’enlise, plus cette hypothèse cataclysmique prend de la consistance. Dès lors, que faire ? Accepter de prendre le risque du pire en faisant le pari que l’ennemi n’osera pas aller jusque là ?
C’est , de fait, la stratégie des pays de l’OTAN, qui peut se résumer ainsi : se soucier de moins en moins de « lignes rouges » à ne pas franchir ; viser la défaite pure et simple de Poutine, voire de la Russie dans son ensemble ; couvrir d’opprobre tout dirigeant occidental qui oserait (comme l’avait tenté Emmanuel Macron avant de revenir promptement « dans la ligne ») évoquer la nécessité de ménager à l’agresseur une porte de sortie pour tenter de créer à temps les conditions du passage à l’inévitable négociation d’ensemble, vraisemblablement sur le double volet : respect de la souveraineté de l’Ukraine contre garantie de la sécurité de la Russie. Washington a beau assurer prendre « très au sérieux la menace nucléaire » de Poutine, sa stratégie demeure inchangée. Quant à l’ex-« rebelle » Macron, ne vient-il pas de rassurer ses alliés en déclarant fièrement aux Nations unies que la fuite en avant de Poutine « ne donnerait lieu à aucune conséquence sur la position qui est la nôtre » ?
Plutôt que de faire la leçon aux pays qui, tout en refusant de soutenir la guerre russe, n’entendent pas se soumettre à l’hégémonie occidentale, le Chef de l’Etat serait mieux inspiré à prendre langue avec ceux d’entre eux qui viennent d’entrouvrir la voie à de possibles médiations : l’Inde , dont le leader a affirmé en face au Président russe que « l’heure n’était pas à la guerre » et , plus spectaculairement encore, la Chine , dont le ministre des Affaires étrangères -après avoir préconisé un « cessez-le-feu dans le dialogue »- vient de rencontrer son homologue ukrainien en insistant sur le fait que Pékin appelait à respecter « la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays », et en soulignant , dans le même temps , que « les préoccupations légitimes de toutes les parties en matière de sécurité doivent être prises au sérieux ». R.A.S ? Vraiment ?
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(1) Lev Shlosberg, chef du parti libéral Iabloko dans la région de Pskov (voir Figaro du 21/9/2022)
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