MACRON EN CHINE : UN SILLON A CREUSER
13 avril 2023 at 4:06 Laisser un commentaire
Incontournable Chine ! On se souvient des nombreuses critiques qu’avait suscitées la visite -d’à peine onze heures !- du Chancelier allemand, Olaf Scholz, à Pékin, en novembre dernier -une « première » depuis 2019- : « Au sein de sa propre coalition, chez ses partenaires européens et à Washington, ce voyage est suivi avec scepticisme », notait alors le grand quotidien allemand, la « Frankfurter Allgemeine Zeitung » (FAZ). Notamment parce que le Président Xi Jinping n’avait « toujours pas condamné la guerre d’agression russe en Ukraine », soulignait alors la FAZ.
Entre-temps, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, s’est rendu à son tour dans « l’empire du Milieu » en insistant précisément sur le rôle potentiel de la Chine en tant que médiateur pour la paix : d’obstacle, la proximité sino-russe était devenue une opportunité, Pékin étant finalement reconnu comme l’un des rares sinon le seul État à même d’influer sur la stratégie de Poutine. C’était aller à l’encontre des observations du secrétaire général de l’OTAN, estimant que « la Chine n’est pas très crédible », ou des jusqu’au-boutistes de l’UE, tel le Président lituanien, pour qui « l’objectif de la Chine est de poursuivre cette guerre, de la rendre encore plus sanglante » (1).
C’est dans une optique semblable à celle de son homologue espagnol qu’Emmanuel Macron avait préparé son voyage, ce dont on ne pouvait que se réjouir. S’il existe un espoir, ténu, d’entrevoir, à terme, une chance de règlement politique de cet insupportable conflit, il passe, en effet, par une implication de la diplomatie chinoise aux côtés d’autres acteurs internationaux, notamment occidentaux, en plus des autorités ukrainiennes . Cependant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres ! D’abord, on a du mal à comprendre l’intérêt qu’a vu le Président français à associer à son initiative la Présidente de la Commission européenne, qui épouse la ligne américaine, favorable à une « victoire militaire » du camp occidental et, en réalité, hostile à toute entremise de Pékin dans cette affaire. Ainsi, tandis que le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, lui-même, avait tenu à souligner que « la Chine n’a franchi aucune ligne rouge pour nous » et que le partenariat entre Pékin et Moscou « est diplomatique, mais (que les Chinois) n’ont jamais développé d’alliance militaire », et même qu’ils souhaitaient « minimiser le risque d’être associés aux activités militaires russes », Ursula von der Leyen a, quant à elle, critiqué violemment la Chine pour son soutien à la Russie. Pour entamer des discussions, on peut mieux faire.
En outre, s’ils souhaitent réellement œuvrer pour une médiation de la Chine, Emmanuel Macron et d’autres dirigeants européens ne pourront faire l’économie d’une sérieuse négociation avec Washington : ils ne peuvent espérer de Pékin qu’il fasse efficacement pression sur Moscou sans rien modifier, en retour, aux options occidentales. Une chose est de désigner clairement l’agresseur et l’agressé, autre chose de continuer à miser sur une reddition sans condition du premier et à une domination sans limite de l’OTAN. On le voit : il reste du chemin à faire. La « re-connexion » avec Pékin est une bonne chose. À présent, il s’agit de creuser le sillon.
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(1) « Euronews » (14/3/2023)
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